Monsieur le Ministre,

En comité d’avis pour l’émancipation sociale, nous procédons en ce moment à des auditions sur la question des violences intrafamiliales, en particulier à l’égard des femmes et des enfants.

Parmi les expertes auditionnées, Diane Bernard, professeure en droit à l’Université Saint-Louis, a expliqué qu’il existe en Belgique un grave problème lié à la prise en compte par les cours et tribunaux du concept problématique de « syndrome d’aliénation parentale ».

Ce concept pseudo-scientifique, élaboré par le psychologue américain Richard Gardner dans les années 80, consiste à pathologiser le discours de l’enfant qui accuse l’un de ses parents de violences sexuelles. M. Gardner considère que lorsque de tels faits sont rapportés en parallèle d’un divorce, les professionnels doivent suspecter le développement d’une pathologie chez l’enfant, généralement induite par la mère contre le père.

Bien que les théories de M. Gardner aient été largement invalidées par la recherche scientifique en la matière, elles continuent à être fréquemment mobilisées dans le contentieux familial devant les cours et tribunaux belges.

Face à de tels usages problématiques de théories pseudoscientifiques, la France et l’Italie ont adressé des recommandations fortes au monde judiciaire pour avertir les magistrats de l’absence de fondement de ce concept et leur déconseiller d’en faire usage.

D’après la Professeure Bernard, ce concept est utilisé de plus en plus fréquemment en Belgique.

Monsieur le Ministre :

  • Pourriez-vous adresser une recommandation au monde judiciaire comme l’ont fait la France et l’Italie ?
  • Cette information pourrait-elle être dispensée dans le cadre des formations en droit de la famille dispensées aux avocats et magistrats ?

Je vous remercie, Monsieur le Ministre, pour vos réponses à mes questions

Réponse du Ministre, Koen Geens

Chère collègue,

L’aliénation parentale est en effet une problématique très délicate. Je voudrais tout d’abord soulever que le concept d’aliénation parentale qui est utilisé par les tribunaux n’est pas toujours nécessairement lié à la violence sexuelle. Il s’agit ici plutôt de la perte du lien entre l’enfant et le parent.

L’aliénation parentale a fait l’objet de discussions au sein du groupe de travail du tribunal de la famille, dans lequel certains membres avaient insisté sur l’importance de la formation des magistrats. L’Institut de formation judiciaire me fait savoir que, depuis lors, une formation intitulée « risque de perte de lien entre parent et enfant, à savoir aliénation parentale » a été organisée en mai 2019 à l’intention des magistrats, vu l’actualité de cette problématique très délicate. Cette formation était destinée aux magistrats du siège, de première instance et en degré d’appel, siégeant au tribunal de la famille et de la jeunesse, aux magistrats de parquet exerçant les fonctions du ministère public près le tribunal de la famille et de la jeunesse, aux juges de paix, aux juges suppléants et aux stagiaires judiciaires.

L’objectif de cette formation consistait d’abord à offrir aux magistrats les derniers résultats des recherches académiques et expliquer le phénomène de perte de lien. De plus, en dehors de la théorie, la formation entendait offrir un support pratique aux magistrats participants, qui ont reçu un inventaire des possibilités dans l’assistance psychologique des personnes concernées et de ce dont peuvent disposer les juges de la jeunesse et de la famille et les magistrats de parquet. Enfin, la formation comportait aussi une demi-journée d’échanges d’expériences professionnelles où les participants devaient appliquer leurs nouvelles connaissances dans la discussion de cas intéressants. Afin de garantir une approche multidisciplinaire, l’IFJ a fait appel à des formateurs de différents horizons professionnels: un pédopsychiatre, un docteur en psychopédagogie, des conseillères conjugales et familiales, des psychologues, des thérapeutes familiales, un avocat, des magistrats de la famille et de la jeunesse chevronnés.

Quant aux recommandations que vous me demandez d’envisager, je ne manquerai pas d’attirer l’attention de l’Institut de formation judiciaire sur la nécessité d’organiser régulièrement, c’est-à-dire annuellement, des séances de formation continue à l’attention des magistrats de la famille et de la jeunesse. 

Réplique de Sarah Schlitz (Ecolo-Groen)

Monsieur le ministre, je vous remercie pour vos réponses.

Je suis extrêmement choquée par ce que je viens d’entendre. Vous dispensez carrément des formations pour expliquer l’aliénation parentale alors que c’est un concept qui n’a pas de fondement scientifique, comme l’expliquent de nombreux articles. C’est extrêmement préoccupant et il faut absolument prendre du recul par rapport à ce concept.

Le concept n’est en effet pas toujours lié à des violences sexuelles. Il peut aussi être lié à des violences que l’enfant a subies de manière directe ou indirecte. Il vise à démonétiser la parole de l’enfant en la pathologisant et à faire passer la mère pour une manipulatrice alors qu’elle est elle-même une victime.

D’après les études scientifiques menées par d’autres chercheurs que les supporters de la théorie de l’aliénation parentale, on estime qu’on est autour de 0,4 % de réelles aliénations parentales et que tout le reste est fantasmé pour essayer de retourner la culpabilité.

Ce que vous venez de m’expliquer est très interpellant. J’irai consulter les rapports de ce colloque et je vous réinterrogerai ensuite.

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