Madame la Ministre,
L’Observatoire International des Prisons a relaté le témoignage du Dr Brecht Verbrugge, médecin exerçant actuellement à la prison de Haren. Il décrit une situation sanitaire carcérale alarmante, corroborée par des associations telles qu’I-Care, le Réseau Hépatite C ou Transit. Une carte blanche, parue le 13 mai, appelle à des réponses claires du gouvernement.
Comme l’explique le témoignage, les besoins en matière de soins pour les détenus sont complexes, au niveau psychologique, toxicomaniaque, somatique, social ou culturel. Et pour cela, l’expertise et le personnel nécessaires ne sont pas suffisants, car il n’y a pas de quota minimum, et donc les soins sont souvent externalisés.
Je profite du fait que l’on parle de prison pour également parler de l’incendie qui s’est produit à la prison de Lantin, où un pompier, Maxime Coessens, a perdu la vie. La complexité de l’accès aux clés d’urgence et l’absence de personnel capable de les localiser rapidement fait que ce drame peut être inséré dans un contexte plus large. Il y a un effet des interrogations à l’égard de la sécurité de l’établissement pour les services externes, les services internes mais aussi pour les détenus- chose que les acteurs de terrain soulèvent depuis longtemps. Nous ne savons pas assez ce qui se déroule dans nos prisons, nos agents pénitentiaires sont peu formés et à bout, et les droits humains des détenus sont mal respectés à cause d’un manque criant de personnel et de moyens.
Mes questions sont les suivantes :
- Pourquoi le Conseil national de santé pénitentiaire n’est-il plus actif ?
- Pourquoi n’existe-t-il pas de contrôle indépendant de la qualité des soins ?
- Pourquoi les retours des visites annuelles du CICR ne sont-ils pas partagés avec les médecins ?
- Comment justifier les pressions pour limiter les déplacements vers l’hôpital, alors que les soins internes à la prison sont sous-dotés ?
- Selon quelle base légale les médecins peuvent-ils utiliser l’ isolement disciplinaire dans un but punitif? L’isolement a un impact grave et rapide sur la santé mentale, notamment le risque de suicide.
- Pourquoi la gestion des soins reste-t-elle sous la DG EPI (Justice) et non transférée à la Santé publique, comme réclamé par les acteurs de terrain ? Ce transfert est-il prévu ? Et d’ici là, comment comptez-vous résoudre les défaillances actuelles ?
Je vous remercie.
Réponse de Verlinden à la question sur les soins de santé en prison :
Le conseil de santé pénitentiaire n’a pas été formellement dissous. Les activités de cette instance se sont toutefois progressivement éteintes à la suite de la réforme des soins de santé en prison et du fonctionnement ultérieur mis en place dans le cadre de cette réforme. Le conseil est donc libre d’organiser à nouveau des réunions. Il existe bien un contrôle indépendant via la collaboration avec la Croix Rouge Internationale et le CPT. L’inspection des soins est toutefois organisée au niveau régional et n’est pas compétente dans les prisons et ne disposent pas, non plus, d’un cadre de référence spécifique pour exercer ce controle. Les résultats de visite de la Croix Rouge Internationale sont partagés avec les personnes responsables au niveau de la direction locale et l’administration centrale. Le renforcement de ce controle sera également un thème important dans le cadre du transfert des soins santé pénitentiaires vers le départment de la santé publique.
En ce qui concerne les visites à l’hôpital; il appartient aux médecins d’évaluer si un examen à l’hôpital est nécessaire. Il n’est pas illogique qu’il y ait une demande de limitation des examens médicaux si la situation de santé du détenu le permet dans le contexte des impératifs de sécurité. Je tiens avant tout à préciser qu’un médecin n’intervient, dans une procédure disciplinaire ou dans des mesures imposées pour des raisons d’ordre et de sécurité, que pour se prononcer sur la comptabilité de l’état de santé de la personne concernée avec les mesures en question. En revanche, le médecin est libre de formuler des propositions visant à limiter l’impact de la mesure sur la santé. A aucun moment le médecin n’intervient dans la procédure elle-même ou se prononce sur légalité ou la proportionnalité de celle-ci. Seul un directeur peut prendre des mesures punitives.
Comme vous l’avez certainement lu dans ma note de politique générale, je suis favorable au transfert des soins de santé pénitentiaires vers le départment dans la santé publique. Cela doit, toutefois, se faire en plusieurs phases. Une première phase concerne l’intégration dans l’assurance maladie et invalidité de toutes les prestations fournies en dehors des murs de la prison pendant la détention, ou encore, l’introduction des projets liés à la drogue et à la détention. La deuxième phase est en préparation et elle concerne l’élargissement de cette action à la drogue et l’examen de l’intégration dans l’assurance de toutes les prestations réalisées à l’intérieur des lurs. De plus, je me suis récemment entretenu avec mon collègue chargé de la santé publique au sujet d’autres initiatives concernant ce transfert de compétences. Nous étudions actuellement les prochaines étapes à entreprendre et les conditions à mettre en place pour y parvenir.
Réponse à la question sur l’incendie à la prison de Lantin :
Chers collègues, il s’agit évidemment d’un incident extrêmement tragique à la suite duquel nous perdons un pompier dévoué. Un tel incident nous affecte tous profondément et c’est la raison pour laquelle je me suis immédiatement rendue sur place pour présenter mes condoléances à la famille et aux proches de la victime mais aussi pour apporter mon soutien aux pompiers gravement blessés ainsi qu’au personnel pénitentiaire. J’ai directement entamé un dialogue avec eux afin d’examiner comment les accompagner et les soutenir au mieux. Le parquet mène l’enquête pour déterminer les causes de l’incendie et il serait actuellement prématuré de se prononcer à ce sujet.
Mon administration ne manquera pas d’examiner les procédures de sécurité incendie non seulement dans la prison de Lantin mais aussi dans l’ensemble des établissements pénitentiaires. Je peux vous assurer que les ajustements nécessaires seront effectués à la suite de ces analyses. Dans la prison de Lantin, le compartimentage était effectif et l’alarme s’est déclenchée correctement. Concernant les travaux réalisés dans le but de garantir le bon fonctionnement des processus et d’assurer la sécurité incendie dans les établissements pénitentiaires, je vous renvoie à la régie des bâtiments.
Nous pouvons déjà affirmer que depuis 2019, et sur la base des éléments transmis par les pompiers eux-mêmes, le plan d’intervention d’urgence de la prison de Lantin est régulièrement mis à jour. La dernière actualisation de ce plan a été transmise par mail aux autorités de la zone de police Basse-Meuse le 30 mars 2024. A la page 13 de ce plan, il est fait mention de la particularité du bâtiment et des personnes qui y sont logées concernant notamment la mobilité réduite et l’espace restreint. Un contact avec le commandement des pompiers a eu lieu en juin 2024 à ce sujet.
Pour conclure, je tiens à souligner que la sécurité, en général et la sécurité incendie, constituent une priorité absolue aux seins de nos établissements pénitentiaires.