Question posée à la Ministre Verlinden le mercredi 11 juin 2025

Madame la Ministre,

Vous avez évoqué la possibilité pour la Belgique d’envoyer certains de ses détenus purger leur peine au Kosovo, rejoignant ainsi l’exemple du Danemark, qui d’ici 2027 louera des places carcérales dans ce pays. Vous avez confirmé étudier cette piste dans le cadre de la surpopulation carcérale persistante en Belgique. Si la gestion carcérale belge souffre en effet de graves tensions, notamment dans les établissements vétustes ou surchargés, cette externalisation soulève de nombreuses questions fondamentales.

Premièrement, le respect de la dignité humaine et des droits fondamentaux des personnes détenues. Le Kosovo ne fait pas partie de l’Union européenne. Malgré certains progrès récents, le pays reste confronté à des défis structurels en matière d’État de droit, d’indépendance judiciaire, de conditions de détention et de prévention de la torture. Amnesty International a encore récemment signalé des lacunes importantes. 

  • Dès lors, comment le gouvernement belge peut-il garantir que les droits des détenus seront respectés dans un pays tiers, sans surveillance institutionnelle équivalente à celle de l’UE ou du Conseil de l’Europe ? Quelle serait la base juridique encadrant cette externalisation, notamment en ce qui concerne les visites, les recours, ou la réinsertion à leur retour ?

Deuxièmement, le coût financier de cette opération. Le modèle danois, pour lequel 300 places ont été louées au Kosovo pour 210 millions d’euros sur dix ans, suscite des interrogations : à près de 200 euros par jour par détenu, ce n’est pas un « bon marché » mais un poids financier qu’on pourrait utiliser pour remettre sur pieds notre justice.

  • À combien est ce que cette opération est-elle estimée pour la Belgique ? Comment peut-on justifier ce coût face au secteur de la justice tirant la sonnette d’alarme à propos de leur sous-financement ici, en Belgique ?

Je vous remercie pour vos réponses.

 

Réponse de la Ministre :

Madame Schlitz, l’ambition de louer ou de créer de la capacité pénitentiaire à l’étranger ne sera pas évidente, mais avec ma collègue en charge de l’Asile et de la Migration, Mme Van Bossuyt, j’ai l’intention d’effectuer à court terme des missions exploratoires dans un ou plusieurs États de droit européens avec lesquels des accords pourraient éventuellement être conclus pour la location, l’achat ou la construction de capacités carcérales à l’étranger. Afin de ne pas compromettre ces négociations, je ne citerai ici aucun pays nommément, mais je peux vous informer qu’une première mission est d’ores et déjà prévue cet été.

Par le passé, nous avons déjà loué des cellules, notamment aux Pays-Bas, mais nos pays voisins, y compris les Pays-Bas, sont aujourd’hui eux-mêmes confrontés à la surpopulation carcérale.

Il s’agira expressément de capacités destinées à accueillir les détenus condamnés ne disposant pas d’un droit de séjour, afin qu’ils puissent y purger leur peine en vue de leur retour dans leur pays d’origine.

Les droits humains des détenus restent au centre de nos préoccupations. Toutes les décisions prises seront examinées à la lumière de la Convention européenne des droits de l’homme et des autres obligations internationales en matière de droits humains. Vous comprendrez que nous ne pouvons pas agir à la légère en la matière.

Aucune négociation formelle n’est en cours actuellement avec quelque pays que ce soit. À ce stade, je ne pourrai donc pas vous fournir plus de détails sur des pays spécifiques ou l’impact budgétaire. En revanche, une analyse juridique a été lancée par le Commissariat général aux réfugiés et aux apatrides (CGRA) afin d’examiner en profondeur la faisabilité de telles formes de coopération. Cette analyse constitue une première étape indispensable sur la base de laquelle des décisions concrètes pourront être prises en ce qui concerne le calendrier, le budget et la mise en œuvre pratique. L’analyse porte notamment sur le cadre juridique, les garanties en matière de droits humains et la faisabilité pratique.  

 

Ma réplique : 

Je pense que c’est une fuite en avant qui n’a aucun sens. Nous allons utiliser de l’argent public pour financer des prisons dans des lieux qui, ne faisant pas partie de l’Union européenne, ne permettent pas d’avoir des garanties quant au respect des droits humains comme vous le prétendez.

Vous devriez mener des missions exploratoires dans des pays qui n’ont pas de surpopulation carcérale et parviennent véritablement à mettre en place des alternatives à la prison. Cela existe. Nous le savons, madame la ministre.

Depuis des années, la Belgique affiche une volonté de faire en sorte que la prison soit le dernier recours. Or, en pratique, nous constatons une inflation carcérale, à la fois dans la réforme du Code pénal récente, dans l’accord de majorité Arizona, mais aussi dans l’application du Code pénal au niveau des cours et tribunaux. Cette inflation carcérale, qui s’accentue chaque année, est aujourd’hui incontrôlable.

Madame la ministre, il convient de prendre en compte cet aspect et d’explorer les alternatives à la prison dans notre pays. Ces alternatives, qui contribuent à limiter les récidives et à favoriser la réinsertion des personnes concernées, constituent une piste qu’il faut absolument investiguer.

Les montants communiqués par certains pays qui se sont déjà lancés dans cette aventure sont astronomiques. Je me réjouis donc d’obtenir des montants et des éléments plus précis sur le projet en question.