Question posée à la Ministre le mercredi 11 juin 2025
Madame la Ministre,
Votre gouvernement semble résumer son action à un seul mot d’ordre : obliger les gens à faire toujours plus avec toujours moins, et cela, quoi qu’il en coûte. Le monde de la justice n’échappe pas à cette logique d’austérité permanente.
Aujourd’hui, la justice belge fonctionne avec un budget modique, à peine 0,22 % du PIB — un des taux les plus bas d’Europe. Nos magistrats sont 14,4 pour 100 000 habitants, loin derrière la moyenne européenne de 22. Cette sous-dotation chronique étouffe peu à peu un pouvoir pourtant fondamental de notre démocratie.
Le résultat est clair : les conditions de travail se dégradent, les vocations s’effondrent, et les professionnels peinent à trouver des successeurs prêts à assumer des charges de plus en plus lourdes avec des moyens de plus en plus réduits. Les signaux d’alarme se multiplient. Les magistrats tirent la sonnette d’alarme depuis un moment, et le 5 juin dernier, les quinze procureurs du Roi vous ont adressé une lettre ouverte pour dénoncer l’urgence de la situation.
Garantir une justice indépendante, efficace et accessible, ce n’est pas un luxe : c’est un pilier de l’État de droit. Quand l’un des trois pouvoirs de l’État est privé des moyens de fonctionner, ce sont l’équilibre démocratique et les droits fondamentaux de toutes et tous qui vacillent.
Madame la Ministre,
- Où en êtes-vous dans la concertation des magistrats ? Allez-vous entendre leurs demandes ?
- Allez-vous refinancer dignement la justice ? Pensez-vous que le gouvernement finance de manière proportionnelle ce secteur ?
- Comment pouvez vous assurer que les “taskforce » thématiques que vous allez mettre en œuvre vont aboutir à des solutions concrètes et budgétisées ?
Je vous remercie pour vos réponses.
Réponse de la ministre :
Collègue Schlitz, je suis évidemment au courant des différentes actions initiées par l’ordre judiciaire et ces dernières semaines j’ai pris connaissances des préoccupations exprimées par plusieurs magistrats et membres du personnel judiciaire concernant la charge de travail, les infrastructures, le soutien et les conditions de travail au sein de la justice. Toutes les expériences et inquiétudes ne sont pas les mêmes mais il est important d’être à l’écoute de chaque signal et je prends ces messages au sérieux, comme déjà discuté à plusieurs reprises ici au sein de la commission.
C’est pourquoi je suis en concertation avec des représentants de l’ordre judiciaire. Nous avons, ensemble, décidé de créer plusieurs taskforce thématiques dans le but de formuler des propositions concertées et réalisables afin d’améliorer les conditions de travail et les conditions d’emploi des magistrats et du personnel judiciaire. Ces task forces se pencheront sur quatre thématiques: bâtiment, sécurité, personnes et moyens, attractivité de la fonction. Et les défis sont connus; manque de personnel, des infrastructures vétustes ou inadaptées, une numérisation qui connait des difficultés et des carrières sous pression. Il est donc essentiel d’améliorer les conditions de travail dans un esprit de concertation avec respect pour le rôle et la réalité de chacun.
Pour la mise en oeuvre, les moyens nécessaires seront dégagés là ou c’est possible et nécessaire. De manière générale, il est clair que la charge de travail au sein de l’ordre judiciaire est élevée et ne peut être maitrisée que par des renforcements ciblés et une gestion flexible du personnel. A cet égard, le gouvernement s’est engagé à rendre les cadres légaux de personnel plus flexibles et d’implémenter un modèle d’allocations réglementé par la loi dans lequel les ressources sont réparties selon des paramètres objectifs y compris la mesure de la charge de travail. Lors de l’élaboration du budget 2025, il a été prévu que l’économie de 1,8 pourcent sur les crédits de personnel applicable aux autres départements ne s’appliquera pas au département de la sécurité tel que la justice. En outre, le gouvernement a prévu des moyens budgétaires supplémentaires pour un renforcement ciblé de l’ordre judiciaire sous la forme d’une provision interministérielle. Ces moyens doivent encore être formellement alloués. Je suis actuellement en concertation avec les différents acteurs de la justice, notamment avec le Collège des Courts et Tribunaux ainsi qu’avec le Collège du Ministère Public, afin de déterminer de quelle manière les moyens supplémentaires peuvent être répartis de la manière la plus efficace.
Ma réplique :
Madame la ministre, je connais votre sensibilité pour le secteur. Je vous remercie donc pour cette réponse raisonnable et constructive. C’est moins le cas de certains de vos collègues qui passent leur temps, dans la presse, à jeter l’opprobre sur certains secteurs en prétendant que ceux-ci touchent trop d’argent, qu’ils ne se mobilisent que pour défendre leurs petits droits, leur petit statut, leur petite pension et leur petite personne. Ici, il s’agit de personnes concernées qui ont décidé de choisir cette carrière par vocation et qui aujourd’hui n’en peuvent plus et tirent la sonnette d’alarme pour protéger l’ensemble de la société. C’est aussi le droit des justiciables à obtenir justice qui est en jeu.
Merci de continuer ce travail de concertation pour trouver des solutions viables qui ne visent pas uniquement à rapprocher le statut des fonctionnaires de celui du privé. Vous ne prendriez pas une bonne orientation si c’était le cas.