Question orale posée à la Ministre Verlinden le 21 octobre 2025. Lien vers le compte rendu complet de la Comission
Ma question :
Madame la ministre,
Je ne vous apprend rien, notre système judiciaire est souffrant. Tout le secteur de la justice tire la sonnette d’alarme depuis des mois, et pour cause, car d’après les derniers chiffres, seulement 0,22 % du PIB belge est consacré au secteur de la justice, contre 0,33 % pour la moyenne européenne. Nous n’avons d’ailleurs que 14,4 magistrats par 100 000 habitants, contre 22 de moyenne dans l’Union européenne. En résumé, la justice est à la fois sous-financée et sous-dotée, car il est difficile de recruter en raison de ses dysfonctionnements. Il est donc grand temps d’obtenir pour la justice des moyens supplémentaires.
Vous me rejoignez, je pense, sur ce constat. Vous avez d’ailleurs récemment déclaré dans la presse avoir réclamé une hausse de budget d’un milliard d’euros, la moitié destinée au fonctionnement de la justice et l’autre pour la Régie des Bâtiments. C’était un signal utile et fort de tout le secteur, qui l’attendait depuis longtemps.
Madame la ministre, pouvez-vous nous dire où en sont les discussions budgétaires au sein du gouvernement, en particulier pour le refinancement de la justice ? J’imagine qu’il y a des réunions interministérielles par secteur. Pouvez-vous nous dire où cela en est ? Au moment même où je vous parle, plusieurs dépêches tombent : un saut d’index serait identifié et ne concernerait que les pensions des fonctionnaires. Le monde de la justice serait-il également concerné ? Les magistrats doivent-ils à nouveau craindre pour leur pension ? Pensez-vous trouver un accord sur la hausse d’un milliard d’euros ? Quelle somme estimez-vous pouvoir obtenir réellement dans cette négociation ? Avez-vous des alliés pour obtenir cette somme, ou chacun défend-il ses propres intérêts au sein du gouvernement ?
La réponse de la ministre :
On a déjà beaucoup parlé des budgets pour la justice ainsi que des demandes de budgets supplémentaires qui sont d’après moi nécessaires au fonctionnement et à la réalisation des ambitions mentionnées dans l’accord de gouvernement. Comme le ministre Van Peteghem l’a indiqué, je ne demande pas ce milliard en une fois, dans le cadre des discussions budgétaires qui sont tout à fait actuelles en ce moment.
Je vous confirme être suffisamment réaliste pour tenir compte de la situation budgétaire de notre pays. J’ai toutefois aussi le devoir, en ma qualité de ministre de la Justice, de me prononcer sur les nécessités et les besoins de la Justice. Il s’agit donc de faire preuve de réalisme et il faut pouvoir diriger les budgets supplémentaires. Nous devons fournir un effort continu pour investir sur le long terme et pour rectifier tous les problèmes fondamentaux qui demeurent au sein de la Justice.
La semaine dernière, je n’ai entendu personne me dire qu’il n’était pas nécessaire d’investir dans la Justice. Ces investissements concernent aussi bien la surpopulation, les cadres et le personnel des cours et tribunaux qui assurent un soutien aux magistrats que les applications modernes telles que l’alarme anti-harcèlement et les applications numériques qui sont nécessaires pour garantir à la Justice un fonctionnement moderne et à long terme.
Je me dois de dire que le fait de faire de la sécurité une priorité sur papier ne suffira pas. C’est pourquoi je demande des moyens à la hauteur de la gravité de la situation sur le terrain. Il ne s’agit pas ici de ma position personnelle, je suis aussi la voix de toutes les personnes qui sont actives dans le monde de la justice, et j’ose espérer que vous me soutiendrez dans ces démarches.
Je suis prête à offrir un miroir aux personnes qui s’insurgent publiquement contre l’augmentation de la violence et des récits qui nous reviennent chaque semaine à ce sujet mais qui font la sourde oreille lorsqu’il est question de moyens supplémentaires. Ne le faites pas pour la ministre de la Justice mais bien pour la sécurité des citoyens de notre pays.
Ma réplique :
Merci pour vos mots forts, madame la ministre. Vous avez raison et je pense qu’aujourd’hui, chaque citoyen qui est confronté à la justice, concrètement, se demande où elle est. Quand on voit l’état de délabrement des bâtiments, quand on voit les délais d’attente auxquels les gens sont confrontés, ce n’est pas digne d’un État comme le nôtre.
Et je pense que vous me rejoindrez, quand on parle de choix politiques réalistes, investir dans la justice et faire en sorte que ceux qui en ont les moyens contribuent davantage qu’aujourd’hui au budget de l’État, c’est cela qui est réaliste. Ce n’est pas un projet de pouvoir avoir une situation pareille en termes de traitement de la justice. C’est cela qui est irréaliste. Et donc vous avez droit du soutien, et on l’entend chaque semaine.
Ce n’est évidemment pas la même chose d’avoir une posture en plénière devant les caméras car on sait parfois que cela peut être différent dans les négociations. J’espère donc que chaque collègue impliqué en commission ou qui, chaque semaine, interpelle sur le sous-financement de la justice, plaide également auprès de son parti pour que des budgets soient débloqués pour la justice, pour les bâtiments, pour les magistrats et qu’ils ne se limitent pas au saut d’index des pensions des magistrats ou de réduction des budgets alloués aux personnels de la justice, qui peine déjà aujourd’hui à recruter. Je vous souhaite beaucoup de succès dans cette négociation — qu’on espère finale —, madame la ministre.