Madame la Ministre,

La crise sanitaire que connait le monde entier est sans précédent. La priorité absolue est de sauver de vies et combattre le virus, partout dans le monde. La crise climatique est une autre urgence mondiale qui menace des milliers de vies, nos sociétés et nos écosystèmes. L’action ne peut souffrir d’aucun retard. C’est pourquoi les plans de redéploiment de l’économie qui suivront la crise du COVID-19 doivent être justes, durables et résilients, évitant un effet rebond qui sera catastrophique pour notre planète. 

La COP 25 à Madrid en décembre dernier a été un échec. De nombreux pays n’ont pas revu à la hausse leurs ambitions en termes d’émissions de gaz à effet de serre et aucun accord n’a été trouvé concernant les marchés carbone. 

La COP 26 qui devait se tenir en novembre 2020 à Glasgow, à été reportée à 2021 en raison de la pandémie. 

Si ce report est compréhensible et nécessaire, cela n’enlève en rien l’importance de l’urgence climatique et donc de cette prochaine COP. 

Rappelons que, selon le service européen sur le climat, l’année 2019 a été la plus chaude jamais enregistrée en Europe et que 11 des 12 années les plus chaudes appartiennent au XXIème siècle. Si les mesures liées à la lutte contre le Covid ont entraîné une chute des émission, l’ambition climatique doit rester de mise, d’autant que le redéploiement mondial post-crise pourrait bien aggraver la situation.

La COP 26 est le plus important rendez-vous diplomatique sur le climat depuis la COP 21 de Paris. Les Etats parties à l’Accord de Paris se sont engagés, en 2015, à soumettre de nouveaux plans climatiques plus ambitieux en 2020. Cette échéance est maintenue, malgré le report du sommet sur le climat. L’UE a un rôle à jouer de premier plan dans la lutte contre le changement climatique au niveau mondial. Lors du Conseil Européen de juin, un nouvel objectif rehaussé devra être adopté afin de réduire d’au moins 55% les émissions (par rapport à 1990). 

La semaine dernière vous avez exprimé votre souhait de faire en sorte que le redéploiement post-crise soit cohérent avec une transition propre et juste. Je m’en réjouis. 

  • Concrètement, qu’avez-vous mis en oeuvre pour que la Belgique respecte l’accord de Paris dans son plan de redéploiement post-covid?
  • Où en sont les travaux préparatoires du Conseil Européen de juin? Quelle position la Belgique s’apprête-t-elle à porter? 

Je vous remercie, Madame la Ministre, pour vos réponses à mes questions,

 

Réponse de la Ministre Marghem (Commission Energie, Environnement, Climat du 29/04/2020) :

Compte tenu de la crise sanitaire, il serait peut-être judicieux de se concentrer à brève échéance sur l’indépendance énergétique et la précarité énergétique. Les objectifs de la politique fédérale à long terme en matière d’énergie et de climat restent cependant inchangés. Les mesures de soutien et les investissements doivent être en ligne avec le Plan national Énergie-Climat.

Les investissements dans le domaine de la transition verte ne doivent pas être différés. Ils peuvent contribuer à créer de nouveaux emplois, à générer de l’activité économique et à stimuler les innovations. À court terme, nous devons miser sur la rénovation, la construction de parcs éoliens offshore et la mise en place de réseaux flexibles, imaginer des solutions pour un stockage efficace et investir dans l’hydrogène et dans d’autres domaines conséquents avec le concept de durabilité en matière de climat.

J’ai participé hier à une vidéoconférence informelle des ministres européens de l’Énergie. J’y ai réitéré nos positions, et j’ai plaidé pour un vaste plan de relance inclusif, qui se fixe pour objectif la croissance durable.

Le Green Deal doit être mis à profit pour contribuer à juguler la crise du COVID-19. Il faut réaliser une transformation économique et sociétale créatrice d’emploi et de croissance, qui participe à la réalisation de l’accord de Paris et des objectifs de développement durable des Nations Unies. L’impact assessment du Green Deal est attendu pour septembre 2020.

La transition vers une société durable nécessite un programme d’investissement. La transition vers la neutralité carbone doit s’intégrer dans une stratégie pour une société équitable et prospère pour toutes les générations.

La mise en œuvre des objectifs de développement durable passe par le renforcement de notre indépendance énergétique et alimentaire mais aussi par la solidarité entre États membres, comme je l’ai dit aux ministres européens de l’Énergie il y a deux jours.

La Commission européenne a annoncé que le Green Deal ferait partie intégrante du plan de relance économique post-COVID-19. Certaines initiatives seront prioritaires et d’autres seront retardées. Trois initiatives ont été qualifiées de prioritaires : la stratégie renouvelée de finances durables ; un plan-cible climat à l’horizon 2030 et le lancement d’une vague de rénovation des bâtiments qui stimulera l’activité économique. Le calendrier des actions n’est pas encore déterminé.

 

La COP 25 a été perçue comme un échec par l’absence de signal commun et fort sur des ambitions élevées et sur les règles pour le nouveau marché international du carbone concernant l’article 6 de l’Accord de Paris. L’objectif de la Belgique et de l’Union européenne n’est pas d’aboutir à un accord à tout prix mais d’obtenir des règles robustes et de bonne qualité qui permettront au marché du carbone d’augmenter l’ambition globale de l’Accord de Paris. Par contre, des règles trop laxistes risquent de déboucher sur des doubles comptages et des effets pervers, comme on l’a déjà vu pour des projets lancés dans le cadre du protocole de Kyoto. L’effet serait désastreux sur l’ambition et l’intégrité environnementale de l’accord de Paris, qui est notre priorité absolue.

La Belgique est signataire des San Jose Principles, conditions nécessaires pour que les marchés du carbone contribuent à l’ambition climatique et au développement durable. Nous resterons sur cette position à la COP 26 tout en espérant nous mettre d’accord sur des règles solides.

Ce serait une erreur de juger le succès de la COP 26 à l’aune des négociations sur l’article 6 : il y a aussi la conclusion des règles de transparence, le financement climatique et l’établissement d’un objectif pour ce financement post-2020. La COP 26 devra constituer un point de basculement pour l’accroissement des ambitions. Tous les pays devront introduire des stratégies à long terme et actualiser les contributions nationales.

Le gouvernement fédéral ainsi que les gouvernements bruxellois et wallon ont adopté l’objectif européen de réduire de 55% au moins les émissions de gaz à effet de serre à l’horizon 2030. J’espère voir les mentalités évoluer en Flandre, afin de permettre à la Belgique de jouer un rôle positif au sein des débats européens.

Le Conseil européen a réservé un accueil favorable aux feuilles de route pour la levée des mesures et la relance, et approuvé l’accord de l’Eurogroupe sur les 540 milliards d’euros dans le cadre de cette relance. Ils ont aussi convenu d’œuvrer à la mise en place d’un fonds de relance. Je soutiens la proposition de Charles Michel et Ursula von der Leyen.

Pour le Conseil, le Pacte vert devrait être au cœur de la politique de relance et constitue la nouvelle stratégie de croissance européenne. Le plan de relance devra être basé sur le futur budget européen. La Commission annonce que la plus grande part des investissements servira à favoriser la cohésion économique et à améliorer la résilience et l’autonomie de l’Union tout en soutenant le Pacte vert et la transition numérique. Lors de la concertation DGE du 22 avril, nous avons décidé d’accorder une attention particulière à ces deux derniers points.

La Belgique défend le principe de climate mainstreaming pour l’Europe, c’est-à-dire d’intégrer nos objectifs climatiques et environnementaux dans tous les domaines afin de garantir la cohérence des politiques avec la transition vers une société durable.

Il s’agit d’éviter les voies sans issue, l’effet de lock-in et de stranded assets néfaste pour l’économie. Je suis donc favorable à l’initiative du Danemark, en ligne avec la position belge, mais je ne peux signer une lettre au nom de la Belgique tant que tout le monde n’y a pas donné son accord. Nous avons essayé de convaincre les Régions de l’importance de cette signature mais une entité fédérée a jugé bon de se démarquer de la position danoise, ce que je regrette.

 

Ma réplique :

Je salue votre détermination à placer le Green Deal au cœur du redéploiement de l’économie et de la société post-COVID-19. Je regrette que d’aucuns freinent cette volonté. Les objectifs contenus dans ce document danois sont des engagements que nous avons pris. Il n’y a aucune raison de ne pas y souscrire.