Question orale posée à Annelies Verlinden, ministre de la Justice, le 9 décembre 2025. Le compte rendu complet de la Commission peut être lu ici.

Ma question : 

Madame la ministre, il y a un peu plus de deux mois, le 2 octobre, lors de l’action de protestation menée dans les prisons, 353 personnes dormaient à même le sol. Juste avant les vacances d’automne, quand je vous ai interrogée à ce sujet, elles étaient 486. Quand j’ai introduit cette question, il y a deux semaines, la barre des 500 venait juste d’être dépassée. Aujourd’hui, ce sont 600 détenus qui dorment à même le sol.

Cette surpopulation énorme met à mal les conditions de travail du personnel, la dignité des détenus et la capacité de l’État à garantir la sécurité dans de bonnes conditions. La porte-parole de l’administration explique que la surpopulation a un effet amplificateur sur l’agressivité. Nous l’avons vu il y a quelques semaines dans plusieurs prisons en Flandre: un gardien a notamment été aspergé d’urine, trois autres ont été agressés et un détenu a été impliqué dans un autre incident.

Certains partis de l’opposition, dont mon groupe, sont allés visiter la prison de Saint-Gilles lors de la semaine des prisons, ce qui a permis d’ouvrir un peu plus les yeux sur cette situation intenable. C’est d’ailleurs dommage qu’aucun membre de la majorité n’ait voulu faire face à cette réalité.

Face à cela, vous indiquez dans la presse vouloir créer 2 000 places supplémentaires dans nos prisons grâce au budget débloqué le mois dernier, alors que nous savons que cette méthode mène uniquement à un appel d’air et à renforcer la surpopulation carcérale. En parallèle, les projets de loi se succèdent pour criminaliser davantage le comportement, menant inévitablement à plus de personnes incarcérées.

L’Observatoire international des prisons (OIP), quant à lui, suggère, au contraire, d’utiliser les 600 millions d’euros supplémentaires pour miser sur des alternatives à la peine, qui sont bien moins chères et avec un potentiel d’efficacité bien supérieur à la prison. Il prône aussi des politiques de désincarcération, de réintégration, mais aussi, bien sûr, de prévention.

Madame la ministre,

  • Où en est la cellule de suivi de la surpopulation carcérale créée par arrêté ministériel le 24 juillet?
  • Quand pouvons-nous nous attendre à des recommandations?
  • Avez-vous eu des retours quant à votre idée de créer 2 000 places supplémentaires?
  • Avec ce nouveau budget, pourquoi insistez-vous sur la création de places supplémentaires en prison, ce qui prendra du temps, énormément d’argent et qui aggravera la situation dans nos établissements, au lieu de mener des politiques durables de prévention et de réinsertion?

Je vous remercie.

La réponse de la ministre :

Oui, chère collègue Schlitz, la surpopulation est en effet un problème qui existe depuis des décennies et dont la solution n’est pas évidente. Pour lutter contre ce phénomène de manière structurelle, des task forces ont été créées afin d’élaborer un plan d’action global qui a été approuvé par le Conseil des ministres le 18 juillet de cette année-ci.

Les consultations continuent dans les différentes task forces, notamment avec les entités fédérées concernant les alternatives à la peine de prison, avec la santé publique pour les problématiques des internés, avec l’Office des étrangers et mes propres services pour l’organisation des transfèrements interétatiques afin d’accélérer le retour des détenus sans droit de séjour ou encore avec la Régie des Bâtiments pour la construction des places supplémentaires.

Je veux aussi renvoyer à mes réponses aux questions antérieures et aux questions auxquelles j’ai répondues pendant la commission du 19 novembre.

Avec près de 300 détenus dormant à même le sol en Flandre, la surpopulation carcérale est plus importante dans les prisons flamandes que dans celles de la partie francophone du pays.

Les prisons francophones ne sont donc pas plus touchées que celles de Flandre ou de Bruxelles. Créée dans le but d’élaborer un plan avec des acteurs fédéraux de la Justice concernant une solution durable à la surpopulation structurelle, la commission a été mise en place par arrêté ministériel le 20 août. Elle est chargée de développer des solutions structurelles à long terme pour résorber et prévenir la surpopulation.

Un premier rapport intermédiaire sur les travaux est prévu pour février-mars 2026. Deux assemblées générales ont déjà eu lieu et les contrats nécessaires ont été établis avec les différents acteurs susceptibles d’assister à la commission. Je vous remercie.

Ma réplique :

Merci pour votre réponse, madame la ministre. Je vous entends dire que c’est un problème qui dure depuis des décennies, mais ici, on atteint quand même des records. Chaque semaine, un nouveau record est franchi. Là, on a franchi la barre des 600 détenus qui dorment à même le sol.

On ne peut donc pas simplement dire que c’est un problème présent pour lequel on pourrait sans doute mettre des choses en place, mais qu’on ne pourrait pas résoudre.

Par ailleurs, j’entends beaucoup de mesures qui visent à vider les prisons, mais pas à empêcher qu’elles ne se remplissent. Et donc, vous voulez continuer à construire des prisons plutôt que de vous interroger sur les raisons pour lesquelles il y a tant de nouveaux détenus et sur la manière dont on pourrait financer, développer davantage d’alternatives et faire en sorte que les personnes qui ne sont pas dangereuses se retrouvent dans un régime de punition qui soit différent du carcéral. Je pense que c’est vraiment l’urgence du moment.

On ne peut pas continuer de cette manière-là. Par ailleurs, avec mon collègue Van Hecke, nous avons également déposé un texte qui vise à créer un poste de commissaire spécial pour la gestion de la surpopulation carcérale. Par conséquent, je pense que ce serait une bonne piste à explorer également et qui est soutenue par le secteur.