Question parlementaire posée le 1 octobre au ministre Prévot. Le compte rendu intégral de la commission peut se trouver ici.

Monsieur le ministre,

Un stock de contraceptifs féminins mais aussi de médicaments visant à lutter contre le VIH appartenant à l’Agence américaine pour le développement international (USAID) serait actuellement entreposé à Geel et menacé de destruction via un transport vers la France.

Cela fait maintenant des semaines qu’on essaie de savoir ce qu’il en est. On nous a annoncé dans un premier temps que ce stock avait été détruit. Mais en fait, non, il serait toujours localisé à Geel. On nous a aussi annoncé que ce stock était périmé. Mais en fait, finalement, non.

Monsieur le ministre, quel est l’état de ce stock ? Une partie a-t-elle bien été détruite ? Ou infirmez-vous cette affirmation ?

Ce stock se chiffre-t-il bien à 10 millions de dollars et comprend-il les différents dispositifs contraceptifs et traitements contre le VIH, tel que rapporté par la presse ?

Quels moyens avez-vous activés pour lutter et empêcher cette destruction ? Avez-vous entrepris des démarches diplomatiques en la matière ?

La carte blanche de différentes associations, dont Médecins du Monde, rappelait à quel point cette situation, à savoir accepter que de tels dispositifs médicaux soient détruits simplement par idéologie du président des États-Unis, peut créer un grave précédent. Si on décidait aujourd’hui d’obtempérer, on pourrait se retrouver dans la même situation pour la destruction de stocks de denrées alimentaires ou autres. Il est donc évidemment totalement inacceptable d’accepter de coopérer dans cette initiative.

Pouvez-vous nous en dire plus ?

La réponse du ministre :

Je partage évidemment pleinement votre préoccupation, et je dirais même plus que de la préoccupation, votre indignation, que je fais mienne, concernant la possible destruction du stock de contraceptifs appartements à USAID, et le message qu’enverrait une telle destruction quant à l’objectif que nous poursuivons d’un accès universel à la santé et aux droits sexuels et reproductifs partout dans le monde.

En réponse à vos questions, je peux vous confirmer que je suis ce dossier de près, et ce depuis que mon administration a été informée le 25 juin dernier. Mes services ont immédiatement engagé, à ma demande, des démarches diplomatiques soutenues et multiples auprès de l’ambassade des États-Unis à Bruxelles, ainsi qu’auprès de l’administration américaine directement à Washington.

Ces démarches sont traitées en priorité absolue par mes équipes depuis plus de douze semaines maintenant. Dans le respect de nos relations bilatérales et pour maximiser les chances de succès du dialogue diplomatique nous menons ces négociations avec la discrétion appropriée. Nous avons exploré toutes les options possibles pour éviter la destruction de ce stock, y compris des solutions de relocalisation temporaire et de transfert vers des autorités belges ou des organisations internationales compétentes. J’ai également envoyé un courrier à mon homologue américain, le secrétaire d’État Marco Rubio, le 20 juillet dernier. Une note verbale a également été transmise à l’ambassade américaine au début du mois d’août.

L’Agence environnementale flamande, l’OVAM, a décidé de suspendre temporairement les transferts depuis l’entrepôt de Geel. Cette mesure témoigne de l’attention rigoureuse portée par les autorités belges compétentes dans le respect de leurs prérogatives respectives, puisque je travaille en étroite collaboration aussi avec le cabinet du ministre régional flamand compétent. Donc, à l’heure où l’on se parle, ce stock, qui représente une petite dizaine de millions d’euros de valeur, n’a toujours pas été détruit. Il n’a pas été détruit à ce stade. Certains containers ont été déplacés, d’autres pas.

Nous nourrissons aussi, pour être transparent avec vous, la crainte que le déplacement de certains containers et les conditions dans lesquelles les médicaments on été stockés soient susceptibles d’altérer la possibilité d’en faire encore usage. Mais formellement, il n’y a pas eu de destruction jusqu’à présent. Madame Désir, quant à l’éventualité d’actionner des voies de recours européennes, plusieurs pistes ont été envisagées. Les contraceptifs en question demeurent la propriété du gouvernement américain. Cette situation relève du droit international, notamment en matière d’immunité des États, qui encadre les actions que la Belgique peut entreprendre unilatéralement. La saisie de ces produits et médicaments n’est possible qu’avec le consentement de l’État propriétaire des biens. Le dossier demeure en cours de traitement et les démarches diplomatiques se poursuivent.

Nous maintenons évidemment le dialogue avec l’administration américaine concernée. Je peux vous garantir en tout cas qu’au niveau international nous restons particulièrement vocaux pour défendre l’accès universel à la santé, à la santé sexuelle et reproductive et aux droits qui y sont afférents, dans tous les lieux internationaux où il est possible de le défendre pour pouvoir promouvoir aussi l’accès moderne, qualitatif et financièrement accessible pour les outils de contraception et les médicaments préventifs, notamment en matière de lutte contre le sida.

C’est pour cette raison que j’ai demandé à mon administration de travailler au renouvellement du financement du partenariat avec UNFPA (l’agence des Nations Unies chargée de la santé sexuelle et reproductive) et que j’ai confirmé l’engagement de la Belgique à maintenir sa contribution au budget général des organisations multilatérales actives dans ce domaine. Je pense donc à l’OMS, à ONUSIDA, au Fonds mondial et à nouveau, à UNFPA.

Ma réplique :

Monsieur le ministre, je vous remercie pour vos réponses.

Il est, en effet, très utile de savoir enfin que ces stocks n’ont pas encore été détruits et j’espère qu’ils ne le seront pas. J’entends quand même qu’il y a eu des déplacements et des mouvements. J’imagine à quel point ces négociations doivent être extrêmement compliquées vu la bataille idéologique menée aujourd’hui par les États-Unis contre les droits sexuels et reproductifs. Je pense que ce doit être particulièrement ardu.

Néanmoins, nous ne pouvons capituler face à cette guerre que mène Trump et son administration contre les droits des femmes, les droits des personnes LGBTQIA+ et contre les populations du Sud. Aujourd’hui, ces stocks peuvent sauver la vie de centaines de milliers de personnes dans certains pays. Ils peuvent permettre à des millions de femmes d’avoir accès à des contraceptifs dont elles ont cruellement besoin.

C’est une question de vie ou de mort. Aussi devons-nous aujourd’hui, avec d’autres, nous lever contre cette décision complètement abjecte de détruire pour 10 millions de dollars de contraceptifs, qui sont encore totalement utilisables, et ouvrir la voie vers une véritable résistance face à cette idéologie.

Nous n’avons pas le choix, je pense. Au-delà des leviers que vous avez évoqués, il y en a, selon moi, d’autres, comme le fait qu’il n’est en réalité pas tout à fait légal de détruire du matériel médical. Je sais qu’il y a là des pistes qu’il serait judicieux d’exploiter. Il ne faut pas oublier également que cela pourrait créer un précédent très dangereux. Si Donald Trump nous demandait, demain, de détruire des stocks de denrées alimentaires, le ferions-nous ? L’heure est à la résistance et il ne faut pas accepter de jouer dans le jeu de ce que Donald Trump nous demande ici.

C’est une responsabilité face aux populations du Sud et aux générations futures.