Monsieur le Ministre,

Lorsque les mesures de confinement ont été mises en place, je vous ai directement interrogé sur les mesures prises pour lutter contre les violences intrafamiliales qui risquaient d’augmenter avec le confinement à domicile des familles.

Le 8 avril, vous me répondiez que « la lutte contre la violence intrafamiliale et la violence à l’encontre des femmes reste une priorité pendant cette crise du coronavirus » et que « la Circulaire COL 18-2012 sur l’éloignement du domicile reste entièrement d’application ». 

Une réponse qui a m’a davantage inquiétée que rassurée vu le peu d’attention portée à ces affaires en temps normal. En février dernier, Christian Devalkeneer rappelait dans une allocution à la Chambre que 60% des plaintes pour violences conjugales sont classées sans suite et que la loi sur l’interdiction temporaire de résidence est très peu utilisée. Une évaluation du dispositif a d’ailleurs été réalisée et une révision de la circulaire a été adoptée en 2019… Mais n’est toujours pas d’application.

Depuis lors, les chiffres des lignes d’écoute sont tombés : 3 fois plus d’appels et des situations plus graves et plus urgentes. Les refuges tirent la sonnette d’alarme au vu de l’augmentation des demandes d’hébergement. Et une nouvelle tentative de féminicide a eu lieu. Une femme qui avait porté plainte à de nombreuses reprises pendant plus de 5 ans, et une fois encore quelques jours avant son agression, a été mutilée et laissée pour morte par son ex-compagnon tandis que son enfant était enfermé dans la cave.

Monsieur le Ministre,

  • Pourquoi la nouvelle version de la COL 18-2012 n’est-elle toujours pas d’application à ce jour ?
  • Pourriez-vous m’indiquer combien d’interdictions temporaires de résidences ont été ordonnées depuis le début du confinement ?
  • Pourriez-vous m’indiquer si une augmentation des plaintes a été enregistrée ? Dans quelle proportion ? Une réaction spécifique des parquets est-elle prévue ? Suite à une plainte, l’auteur est-il systématiquement convoqué et entendu ? Les parquets procèdent-ils toujours à une « analyse de risques » pour déterminer dans quels cas ils doivent agir ? Quels sont les critères ?

Merci, Monsieur le Ministre, pour vos réponses à mes questions.

 

Réponse du Ministre Geens (Commission Justice du 22/04/2020) :

Concernant la lutte contre la violence intrafamiliale, je me réfère à ma réponse du 8 avril. Ce combat reste prioritaire. Les circulaires relatives à la violence entre partenaires et l’interdiction de résidence restent applicables. La sensibilisation des magistrats s’est poursuivie par la diffusion des bonnes pratiques répertoriées.

Depuis le 1er janvier, les assistants de justice sont mandatés pour suivre la personne éloignée de son domicile. Dans le cadre du réseau d’expertise « crime contre les personnes » du Collège des procureurs généraux, une directive a été élaborée pour donner forme à ce mandat.

La circulaire relative à l’interdiction temporaire de résidence en cas des violences domestiques vise à tenir compte des recommandations du service d’appui du ministère public et encourager les parquets à s’emparer de cet outil. Elle est actuellement soumise à la signature des ministres.

Le Collège des procureurs généraux constate une tendance à la baisse de la criminalité. L’augmentation des signalements pour violence intrafamiliale se reflète progressivement dans les dossiers du parquet.

Lors des réunions de préparation de la Conférence interministérielle (CIM) des 2 et 17 avril sur la question des violences faites aux femmes, des mesures de prévention, de protection, de dépôt de plaintes et de poursuites ont été prises. La CIM se réunira le 8mai sur la lutte contre les violences faites aux femmes, sous la coordination de Mme BenHamou. Les décisions prises seront communiquées.

Les Family Justice Centers ont montré leur utilité dans la lutte contre les violences intrafamiliales. Une approche multidisciplinaire leur a permis de mettre en place la concertation de cas et la coordination de cas. Plusieurs Family Justice Centers sont actifs en Flandre et des initiatives en ce sens sont en gestation à Bruxelles et en Wallonie.

Les Family Justice Centers poursuivent leurs activités tout en prenant bien sûr les mesures qui s’imposent, à savoir par exemple en organisant les consultations par téléphone.

La concertation de cas est possible en vertu du nouvel article458terdu Code pénal puisque ce dernier autorise le partage de données sous des conditions strictes. De très nombreux protocoles de collaboration sont élaborés dans l’intervalle de façon à pouvoir partager le secret professionnel.

Le « protocole du courage » instauré à Anvers reste en vigueur. Il met en œuvre une recommandation du protocole relatif à la maltraitance infantile. Ces activités se poursuivent.

Je suis un grand défenseur de la concertation de cas et de la coordination de cas dans le cadre de la lutte contre les violences intrafamiliales. Je suis dès lors tout à fait disposé à élargir le dispositif, mais ce processus ne pourra être rapide en cette période de crise du COVID-19 puisqu’une telle collaboration nécessite la mise sur pied de relations de confiance durables.

La politique de prévention et de sensibilisation ne relève pas de mes compétences.

L’aide et la protection des victimes relèvent des Communautés. Les maisons de refuge également. Concernant le dépôt de plaintes auprès de la police, je vous renvoie vers mon collègue de l’Intérieur. Je ne suis pas compétent concernant les chats en ligne ni pour le suivi médical et psychologique des victimes.

 

Ma réplique :

Pourquoi la nouvelle version de la circulaire COL18/2012 n’est-elle pas encore d’application? Je ne sais toujours pas combien d’interdictions ont été ordonnées et comment s’est déroulé le contrôle.

Quant à la CIM, le fédéral entend prendre la tête dans la délégation pour lutter contre les violences familiales et envers les femmes. J’espère que vous endosserez ce rôle avec un plan ambitieux et des moyens à la clé.