Question orale posée à Vanessa Matz, ministre des Entreprises Publiques, le 16 décembre 2025. Le compte rendu complet de la Commission peut être lu ici.
Ma question :
Madame la ministre,
Votre gouvernement est enfin parvenu à un accord budgétaire dans lequel on découvre une ligne dédiée aux bâtiments de la justice, ce dont on peut évidemment se réjouir. Grâce à la reconfiguration de crédit, on voit que 600 millions d’euros sur la législature ont pu être dégagés. Nous n’avons cependant pas encore de vues sur l’utilisation de ces budgets.
La Régie des Bâtiments fait face à de grandes décisions: va-t-on plutôt mettre cet argent dans des lieux de détention qui sont actuellement totalement délabrés pour les remettre en état? Est-ce qu’on va plutôt privilégier la construction de nouvelles places ou même de nouvelles prisons? Ou alors va-t-on concentrer ces moyens sur la dignité humaine et faire en sorte d’agir également sur d’autres aspects en matière de justice?
Pouvez nous présenter les grandes lignes de l’utilisation de ces budgets par la Régie?
En parallèle, on voit également qu’une provision est inscrite en plus du budget provisoire pour le début de 2026 pour agrandir la prison de Saint-Gilles alors qu’elle était censée être fermée depuis fin 2024. On ne comprend donc plus rien dans ce dossier. Dès lors, pouvez-vous nous donner des éléments complémentaires sur le dossier de la prison de Saint-Gilles?
Je vous remercie.
La réponse de la ministre :
Merci pour vos questions. Il y en a une qui est clairement de mon ressort, celle de Mme Schlitz, même si ce n’est pas moi qui gère les budgets complémentaires de la justice.
Par rapport à votre question, monsieur Aouasti, il y a bien eu des demandes de la ministre de la Justice au kern par rapport à des mesures concernant la surpopulation. Ces questions sont toujours actuellement en discussion. Je n’irai donc pas plus loin parce que cela ne relève pas de ma stricte compétence. Comme vous le savez, et je ne vous contredirai pas sur ce point, la question de la surpopulation carcérale que connaît notre pays est une réalité qui est extrêmement préoccupante, tant pour les détenus que pour le personnel pénitentiaire. Elle appelle des réponses coordonnées, rapides et structurelles. J’ai participé aux travaux du kern qui se sont penchés sur ces questions dans un contexte budgétaire difficile.
Quant aux moyens budgétaires, la discussion a abouti à la confirmation d’une enveloppe de 600 millions d’euros sur la législature pour les bâtiments de justice, à la fois les palais de justice, mais aussi, évidemment, la question des prisons.
Madame Schlitz, quant à votre demande de répartition précise de cette enveloppe de 600 millions, on vient d’en hériter, et nous sommes en concertation avec la justice à propos de cette enveloppe pour connaître les priorités qui seront établies. Nous avons, pour notre part, fait une proposition que nous allons confronter à celle de la justice pour voir si les priorités que nous avons par rapport aux bâtiments, et singulièrement les bâtiments de prison, correspondent à celles que la justice sollicite.
Précisions que cela se fait dans le cadre d’une task force. Toutes les semaines, nous rencontrons nos collègues de la justice sur les questions de bâtiments judiciaires pour être parfaitement coordonné et ne pas se renvoyer la balle en disant: « c’est ta faute; non, c’est la mienne ». On doit donc tenir compte des besoins de la justice pour répartir cette enveloppe de 600 millions, qui est destinée dans les grosses masses à rénover un certain nombre de bâtiments, qui est destinée à de nouvelles places, qui est aussi destinée à tout ce qui est centres de psychiatrie légale – on en a parlé tout à l’heure du côté de la Flandre.
Voilà dès lors à quoi est destinée cette enveloppe, dans les grandes lignes, mais sur l’allocation précise de quel montant nous allons allouer à tel type de prison, la discussion plus pointue doit encore avoir lieu. Pour nous, il s’agit d’un signal clair, structurant en faveur de la modernisation du parc immobilier, à la fois judiciaire et pénitentiaire. Au sein de cette enveloppe, c’est très important, une part récurrente de 5 millions d’euros est spécifiquement destinée au renforcement des effectifs de la Régie des Bâtiments.
En effet, on peut décider d’entreprendre des travaux dans une prison, mais à un moment donné, il faut des femmes et des hommes qui construisent les dossiers, qui font passer les marchés publics, qui établissent des plans, etc. Cela nous permettra donc de renforcer les effectifs de la Régie d’environ une cinquantaine de personnes qui seront uniquement dédiées à la mise en œuvre des dossiers justice, afin d’aboutir à des délais plus rapides. Un des reproches récurrents faits à la Régie est la lenteur des procédures.
La mesure de cinq millions d’euros était indispensable au regard des sous-effectifs structurels auxquels la Régie est confrontée et de la nécessité de mener à bien un volume croissant de projets complexes dans des délais contraints.
En ce qui concerne les projets concrets, les moyens dégagés visent à assurer le financement des actions identifiées dans le cadre de la task force capacité. À cet égard, je peux notamment citer l’étude à la construction d’unités modulaires sur des sites de prisons existantes, permettant une capacité d’environ 300 places. L’étude de faisabilité technique est en cours et sera finalisée d’ici la fin du mois de janvier.
D’autres mesures portent également sur le maintien en activité de la prison d’Anvers ainsi que sur la mise à disposition d’une enveloppe spécifique destinée à assurer l’entretien et la mise en conformité des infrastructures pénitentiaires existantes. Je souhaite insister tout particulièrement sur l’importance des questions de sécurité et de respect des normes en vigueur, qui constituent des priorités absolues. Enfin, je réaffirme ma volonté d’améliorer durablement les infrastructures pénitentiaires afin de garantir des conditions de détention dignes pour les personnes détenues et des conditions de travail sûres et respectueuses pour le personnel pénitentiaire, conformément aux exigences d’un État de droit.
Ma réplique :
Madame la ministre, j’entends que vous mettez des propositions sur la table. Il serait intéressant d’entendre au Parlement les perspectives que vous proposez. C’est précisément notre rôle de vous demander quelles sont les priorités que vous proposez au sein de votre gouvernement. Il est donc regrettable que vous ne puissiez pas nous en parler aujourd’hui et que vous ne nous donniez que la forme et pas le fond.
Par ailleurs, ce qui m’inquiète – et vous ne l’avez pas contesté –, c’est que nous poursuivons en effet dans une fuite en avant au niveau carcéral, avec chaque jour une aggravation du nombre de détenus qui dorment à même le sol. Il y a également des projets de création de prisons au Kosovo.
C’est complètement hallucinant. C’est une perte d’argent public, pour aller créer des places dont nous pensons qu’elles ne verront jamais le jour et qui en fait ne résolvent rien du tout sur le terrain.
Aujourd’hui, l’essentiel est d’investir dans la prévention et dans la réinsertion, de faire en sorte qu’il y ait des alternatives à la détention beaucoup mieux développées et surtout, de faire en sorte qu’on ne soit pas pire en sortant de prison qu’en y entrant. Pourtant, aujourd’hui, c’est le cas; et c’est en train d’empirer à grande vitesse.
D’autres solutions existent. De nombreuses solutions ont été mises sur la table par les professionnels du secteur, par les magistrats. Ils appellent à des solutions qui, aujourd’hui, ne sont pas mises en œuvre. Vous devez agir par rapport à ça. Vous devez les écouter; et vous ne le faites pas. Vous laissez donc cette surpopulation carcérale perdurer.
C’est inquiétant. Voir que Saint-Gilles va être remise en service, c’est très inquiétant. Ce que j’entends du terrain, c’est que c’est une prison de seconde zone dans laquelle on entrepose des détenus de seconde zone. Je trouve que cela contrevient particulièrement aux droits humains, madame la ministre, d’aller caser des détenus de seconde zone à Saint-Gilles.
Nous continuerons évidemment à suivre ce dossier, y compris chez la ministre de la Justice.

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