Pour les personnes et mouvements LGBTQIA+, connaître leur histoire relève d’un besoin vital encore trop peu rencontré: visibilité de leurs communautés, rôles modèles, histoire des luttes pour les droits sont encore trop souvent absents de la mémoire collective, de la “grande histoire”. C’est la raison pour laquelle, en 1994, l’activiste Rodney Wilson, professeur d’histoire dans un lycée du Missouri, à lancé le “Mois de l’histoire LGBTQIA+”, un mois consacré à l’histoire des lesbiennes, des gays, des bisexuels, des personnes transgenres, queer et intersexes ainsi qu’à l’histoire de la conquête de leurs droits et des mouvements de défense des droits civiques qui y sont liés. Cette initiative permet aussi de mettre à l’agenda politique la problématique du manque criant d’archives et de productions académiques concernant ces publics.

C’est le mois d’octobre qui a été choisi pour coïncider avec le National Coming Out Day (11 octobre) et pour commémorer les deux premières “Prides” qui ont eu lieu à Washington en 1979 et 1987.
En 2022, le LGBT history month est célébré en Australie, au Canada, à Cuba, en Finlande, en Allemagne, en Hongrie, en Italie, au Royaume-Uni et aux États-Unis. Sarah Schlitz a donc décidé d’embrayer le pas pour contribuer à son implémentation en Belgique.

La Belgique est souvent présentée comme précurseure pour les droits et l’émancipation des publics LGBTQIA+, mais l’on oublie souvent que ces combats ont été gagnés de haute lutte grâce au travail acharné de la société civile pendant des décennies. Il faut inscrire ces droits dans un contexte historique. Sarah Schlitz, la Secrétaire d’Etat à l’Égalité des genres, à l’Égalité des chances et à la Diversité, souhaite participer à ce travail de mémoire et contribuer à la popularisation de ce mois de commémoration important.

Dans ce cadre, la Secrétaire d’Etat annonce le financement de deux études et d’une future exposition à la Kazerne Dossin.

D’abord, l’exposition “Homosexuels et lesbiennes dans l’Europe nazie” qui prendra place au printemps 2023, au sein du lieu chargé d’histoire et hautement symbolique qu’est la Kazerne Dossin. En effet, cette caserne, située à Malines, était le lieu de déportation, majoritairement des citoyens juifs, lors de la Seconde Guerre mondiale. Cette exposition replacera la persécution des hommes homosexuels, des femmes lesbiennes et des personnes bisexuelles sous le régime nazi, les fameux “triangles roses¹”, dans un cadre européen, et dans le temps long : des premiers mouvements homosexuels de la fin du XIXe siècle jusqu’aux processus mémoriels les plus récents.

Cette exposition se tient actuellement jusqu’au 22 mai 2022 à Paris. Le financement de la Secrétaire d’Etat (60 000€) permettra de la compléter avec du contenu belge et néerlandais².

Ensuite, parce qu’elles ont toujours été de tous les combats, les femmes lesbiennes ont joué un rôle décisif dans la lutte pour l’égalité sociale mais leur implication a largement été invisibilisée et la documentation reste malheureusement rare et dispersée. Pour remédier à cette situation, Sarah Schlitz a décidé de lancer une recherche sur l’histoire des mouvements lesbiens en Belgique (100 000€).

La Secrétaire d’Etat a également soutenu financièrement le Centre d’archives et de recherches pour l’histoire des femmes (149 000€), qui inclut les femmes LBTQI+, via l’appel à projets “Tant Qu’il Le Faudra”.

Enfin, la situation actuelle en Europe, que ce soit en Suède, en Pologne, en Hongrie, en Italie ou en France, montre de plus en plus clairement l’influence des mouvements dits “anti-gender” sur le continent européen. Ces mouvements très structurés et organisés agissent pour faire reculer l’égalité des genres, notamment en s’attaquant au droit à l’avortement, mais aussi aux droits des personnes LGBTQI+. Afin de connaître la réalité de ces mouvements en Belgique, leurs ramifications et leurs sources de financement, Sarah Schlitz finance une recherche (30 000€) qui sera menée par l’expert David Paternotte³. Il s’agira donc d’objectiver l’ampleur des mouvements “anti-gender” dans notre pays, afin de pouvoir contrer cette idéologie.

Sarah Schlitz : en tant que Secrétaire d’Etat en charge de l’égalité des genres, je travaille au quotidien au renforcement des droits des personnes LGBTQIA+. En parallèle, je veux aussi soutenir les initiatives qui permettent de faire connaître l’histoire souvent niée des citoyen·nes LGBTQIA+ dans notre pays, particulièrement des femmes lesbiennes. Je suis aussi très préoccupée par les idéologies conservatrices qui remettent en cause les droits conquis des personnes LGBQI+ et s’attaquent violemment à la légitimé des personnes trans* d’affirmer leur véritable identité de genre. Avec cette exposition et ces recherches, je souhaite faire connaître davantage ces réalités et sensibiliser aux dangers de la stigmatisation qui a pu mener au pire dans une histoire encore récente.

 

¹ Selon les estimations les plus sûres, près de 100 000 homosexuels furent fichés par le régime nazi, 50 000 environ firent l’objet d’une condamnation, entre 5 000 et 15 000 furent envoyés en camp de concentration, où la plupart périrent. Les lesbiennes restaient hors du champ de la loi, sauf dans certains pays, comme l’Autriche, et certaines furent déportées comme « asociales » ou « communistes ».

² Ce complément à l’exposition sera réalisé en collaboration avec des historiens tels que Wannes Dupont (UA et Yale-NUS College), Bart Hellink (Fonds Suzan Daniel), Laurence, Schram (Kazerne Dossin) et – provisoirement – Pieter Lagrou (ULB) et l’experte néerlandaise Judith Schuyf.

³ David Paternotte est chargé de cours à l’Université libre de Bruxelles, où il co-dirige la Structure de recherche interdisciplinaire sur le genre, l’égalité et la sexualité . Il préside aussi le comité de gestion du Master de spécialisation interuniversitaire en études de genre de la Fédération Wallonie-Bruxelles. Ses travaux portent sur genre, sexualité et mouvements sociaux, avec un intérêt particulier pour les mobilisations transnationales et, plus récemment, les mouvements anti-genre.