Madame la ministre,

Le jeudi 28 février avait lieu la journée mondiale des maladies rares. Si ces maladies sont rares (concernant moins d’une personne sur 2.000), elles touchent néanmoins près de 500.000 personnes en Belgique.

Nous savons aussi que les médicaments pour ces maladies rares coûtent extrêmement cher et les prix ne font qu’augmenter d’année en année.

Le cas du CDCA, traitement contre la xanthomatose cérébrotendineuse, est extrêmement interpellant. Son prix a augmenté de 335 fois en dix ans, passant de 38€ à 12.750€, pour un seul mois de traitement.

Un patient interrogé par la Première le 28 février dernier souffrant de cette maladie confiait ne plus pouvoir se soigner depuis décembre 2018.  Conséquences ? La stabilisation de son état, permise par son médicament, n’opère plus. il subit de plein fouet le retour des chutes fréquentes et des angoisses terribles causées par la maladie.

Madame la ministre,

  • Pourriez-vous m’expliquer comment nous en sommes arrivés à cette situation ?
  • Le médicament pour la « Xanthomatose Cérébrotendineuse » fait-il partie des médicaments actuellement concernés par la confidentialité applicable au regard de l’article 81 ?
  • Quelle part est assumée par la sécurité sociale et quelle part est assumée par le patient ?
  • Quelles actions avez-vous entreprises pour permettre à ce patient de pouvoir recommencer à se soigner ? Plus globalement, qu’allez-vous mettre en place pour pallier à ce problème d’accessibilité aux médicaments pour les maladies rares ?

Merci, madame la ministre, pour vos réponses à mes questions.

Maggie De Block, Ministre

La xanthomatose cérébrotendineuse est effectivement une maladie très rare. En Belgique, un peu plus de 10 personnes en souffrent. La prise en charge de première intention repose sur le traitement substitutif par acide chénodésoxycholique (CDCA).

Actuellement, aucune spécialité pharmaceutique à base d’acide chénodésoxycholique n’est inscrite dans la liste des spécialités pharmaceutiques remboursables que ce soit via la conclusion d’une convention entre une firme pharmaceutique et l’INAMI, conclue conformément aux dispositions de l’article 111, 112 ou 113 de l’Arrêté royal du 1er février 2018 fixant les procédures, délais et conditions en matière d’intervention de l’assurance obligatoire soins de santé et indemnités dans le coût des spécialités pharmaceutiques, ou non.

Je peux cependant vous informer que la firme Leadiant a introduit un dossier de demande de remboursement le 6 septembre 2018 auprès de la Commission de Remboursement des Médicaments (CRM) pour une spécialité à base d’acide chénodésoxycholique. Cette spécialité se nomme CHENODEOXYCHOLIS ACID LEADIANT 250 mg ® 100 gélules.

La CRM a pour mission d’examiner la demande faite par la firme et dispose de 150 jours, exception faite des éventuelles suspensions de la demande, pour formuler et me transmettre une proposition quant au remboursement de la spécialité.

Dans son évaluation, la Commission prendra en compte la valeur thérapeutique de la spécialité, son utilité, son coût, les éventuelles alternatives disponibles pour le traitement de la pathologie concernée, l’analyse de l’impact budgétaire et les commentaires éventuels du demandeur…

Une fois que la CRM m’aura transmis une proposition définitive, je prendrai une décision motivée quant à l’admission ou non de CHENODEOXYCHOLIS ACID LEADIANT 250 mg ® 100 gélules dans la liste des spécialités pharmaceutiques remboursables sur base de cette proposition, et ce dans un délai de 180 jours maximum après réception par le secrétariat de la Commission d’un dossier de demande complet, exception faite des suspensions de la demande.

A ce jour, la procédure liée à la demande d’admission de CHENODEOXYCHOLIS ACID LEADIANT 250 mg ® 100 gélules est encore en cours et je ne peux présumer de l’aboutissement de ce dossier.

Le cas qui nous occupe résulte de l’application du Règlement européen sur les médicaments orphelins. Depuis son entrée en vigueur, ce Règlement a fait ses preuves comme un incitant important pour le développement de nombreux médicaments pour des maladies rares. Il contient hélas encore des modalités qui, dans un nombre limité de cas tels que justement celui du CDCA, permettent à des fabricants d’obtenir le statut de médicament orphelin pour des spécialités n’offrant aucune réelle innovation, en contradiction d’ailleurs avec la philosophie du Règlement.

Nous en sommes conscients, et ce problème a déjà été signalé aux niveaux belge et européen. Dans une consultation en cours sur ce Règlement, la Belgique, à travers l’Agence Fédérale des Médicaments et des Produits de Santé (AFMPS), a inclus ce problème dans les réponses à la consultation.

En outre, il existe actuellement la possibilité légale de prescrire une préparation magistrale de CDCA, beaucoup moins chère, avec une possibilité de remboursement par l’INAMI. Mais pour cela, il faut disposer d’une matière première (CDCA) qui soit conforme à la Pharmacopée européenne, ou à défaut, une matière première dont toutes les impuretés sont connues et non toxiques pour le patient. Pour le moment, une telle matière première n’est malheureusement plus disponible pour le pharmacien. L’AFMPS examine actuellement avec les différentes parties prenantes, comment en disposer et le Conseil technique compétent en matière de remboursement de préparations magistrales a pris contact avec des firmes en leur demandant de rendre le CDCA disponible sur le marché belge. A ce jour, ce Conseil technique est en attente de la réaction des firmes.

Je tiens à vous faire savoir que les patients ont toujours obtenu un remboursement dans le cadre du Fonds Spécial de Solidarité. Depuis le retrait des produits magistraux, le Fonds a donné un accord de principe pour la prise en charge, en tenant compte d’une quote part personnelle de 1250 euros pour le patient par année.

Le Fonds Spécial de Solidarité représente toujours le filet de sauvetage pour les patients avec des affections rares, à condition que les prestations répondent au cadre légal mis en place (art 25 de le Loi coordonnée le 14.07.1994).

Il est évident qu’un remboursement « structurel » serait idéal, mais pour cela il faut attendre les résultats de la procédure pour l’inscription du produit sur la liste des spécialités pharmaceutiques remboursables.

Je dois également attirer votre attention sur le fait que les discussions sur les prix des médicaments pour les maladies rares gagneraient à avoir lieu au niveau de plateformes plus larges que la Belgique seule. Pour cela, je pense par exemple à la plateforme BeNeLuxA.