L’espace public n’est pas neutre, les expériences que nous y vivons sont très différentes en fonction de qui nous sommes. 

Expérimenter l’espace public, ce n’est pas uniquement marcher en rue. C’est aussi aller au ciné, à la piscine ou à un concert, à la salle de sport, chiller sur le campus, c’est attendre à la plaine de jeu, monter dans un bus pour filer à la gare et sauter dans un train. C’est rouler à vélo ou en roller,  aller boire un verre avec les copines, sortir en boite et revenir au petit matin promener le chien. Aller courir. Passer à la bibliothèque. 

Expérimenter l’espace public, c’est aussi choisir minutieusement son chemin pour éviter les “ennuis”, serrer ses clés dans ses poings, dire à sa meilleure pote d’appeler quand elle est bien rentrée. Paniquer. Chercher des toilettes. Surveiller son verre et ses arrières. Nos rues sont hostiles aux femmes, elles leur envoient le message : pourquoi traines-tu ici? Tu n’es pas la bienvenue.

Expérimenter l’espace public, c’est être matraquées de publicités dans lesquelles les femmes sont objectifiées, tandis que des statues d’hommes nous surplombent. C’est circuler dans des rues aux noms d’hommes, des places à leur nom, des amphis, des musées, des écoles, des arrêts, des stades majoritairement à leur nom. Même les graffitis et les fresques sont essentiellement masculins.  

Les femmes, comme les personnes queer, racisées ou issues de classes populaires, en sont les grandes absentes. Lorsqu’elles sont représentées, elles sont souvent dénudées, anonymes, réduite à l’état d’objet. 

Les luttes pour les droits des femmes, leur rôle dans l’histoire, leur existence même, sont trop souvent effacées. Et quand une personnalité féminine de renom est enfin choisie pour baptiser une passerelle, c’est son prétendu surnom qui est sélectionné.  Où sont donc nos héroïnes ? 

Selon le collectif “Noms Peut-Être”, seules 6% des rues bruxelloises portent des noms de femmes. Ce sont principalement des saintes ou des personnages royaux. 

Ces dernières années, les collectifs féministes ont fait émerger cette question dans le débat public, visibilisant l’ampleur du phénomène et son impact sur le quotidien des femmes, des adolescentes et des filles, revendiquant leur place légitime, physique et symbolique, dans l’espace public. Des initiatives politiques ont suivi, entamant un long chemin vers plus d’égalité.

En lançant cet appel à projet, j’ai souhaité booster ce mouvement, en permettant à des associations, des collectifs, des militantes, des artistes, de se réapproprier l’espace public et leur histoire, de rendre hommage à des femmes disparues, de faire connaître de grandes figures féminines belges oubliées, de raviver notre mémoire collective sur des mouvements sociaux en faveur de l’égalité ou de visibiliser des réalités vécues par les femmes. 

L’Institut pour l’Égalité des Femmes et des Hommes assure le suivi pratique de cet appel à projets. Chaque projet pourra être financé pour un montant entre 5 000€ et 30 000€, et devra être soumis à l’IEFH avant le 1er mai 2023. Les projets approuvés pourront se dérouler entre le 1er août 2023 et le 29 février 2024.

Les projets devront renforcer la visibilité des femmes de manière durable dans l’espace public à travers un projet (œuvre d’art, fresque, stèle commémorative …) qui concerne les femmes ou leur vécu et qui est accessible de manière permanente à la population dans l’espace public.

Les projets devront également participer à l’une ou plusieurs de ces actions :

  1. Renforcer les droits des femmes et l’égalité entre les femmes et les hommes ; briser certains tabous (droits sexuels et reproductifs, santé des femmes, inégalités socio-économiques, stéréotypes de genre, …) ;
  2. Contribuer à la lutte contre les violences de genre ;
  3. Visibiliser des femmes et/ou personnalités féministes belges, notamment celles qui ont été oubliées de l’histoire ; visibiliser des mouvements belges de lutte pour les droits des femmes.

Plus d’informations sur le site de l’Institut pour l’Egalité des Femmes et des Hommes.