Question posée à la Ministre Verlinden le 8 juillet 2025. Compte-rendu intégral à retrouver ici.

Madame la Ministre,

Le droit fiscal belge n’offre actuellement pas de solution satisfaisante aux personnes co-titulaires d’un compte bancaire visé par une saisie fiscale, lorsque celles-ci ne sont ni redevables de la dette fiscale ni codébiteurs.

Plusieurs témoignages font état de situations où le SPF Finances procède à une saisie sur un compte commun, souvent dans le contexte d’une séparation ou d’un conflit conjugal, sans distinguer la part des avoirs appartenant à la personne non concernée par la dette. Cette pratique peut entraîner de lourdes conséquences pour ces personnes : impossibilité de protéger leurs revenus, absence de voie de recours ou de conciliation, et blocage de leur accès à des fonds.

Pour renforcer la justice fiscale et prévenir les violences économiques, il me semble essentiel d’apporter une réponse structurelle à cette faille juridique.

Cette situation soulève donc une série de questions fondamentales :

  • Quelles garanties existent aujourd’hui pour protéger les droits des co-titulaires non débiteurs d’un compte bancaire saisi fiscalement ?
  • Existe-t-il des dispositifs permettant de contester ou de limiter une saisie dans le cas d’un compte indivis ou conjoint ?
  • C’est le Code judiciaire qui détermine quels biens et montants ne peuvent pas être saisis, en ce compris les montants crédités sur un compte à vue, prévoyez-vous de modifier afin de prévenir ce type de situation?
  • Envisagez-vous une réforme législative pour clarifier les droits des co-titulaires non concernés par une dette fiscale, et leur donner accès à une procédure de contestation équitable ?

Je vous remercie.

 

Réponse de la Ministre :

Madame Schlitz, comme précédemment indiqué par le ministre des Finances, lorsqu’un créancier pratique une saisie à l’encontre de l’un des titulaires d’un compte commun, cette saisie porte sur l’intégralité du solde disponible à ce moment. La banque doit alors bloquer tous les avoirs. Dans sa déclaration, elle doit indiquer le montant total et préciser la nature du compte. Elle doit informer les autres ayants droit de la saisie afin qu’ils puissent faire valoir leurs droits. Le propriétaire des montants saisis à tort peut s’opposer à la saisie et revendiquer sa part. Ainsi, si la part des co-bénéficiaires qui ne sont pas débiteurs peut être fixée, la saisie ne produira d’effet qu’à l’égard de la quote-part du débiteur.

Il faut noter que le régime matrimonial choisi par les conjoints et le type de dettes pour lesquelles la saisie est effectuée sont, en principe, déterminants. En effet, lorsque les époux optent pour le régime matrimonial légal, les dettes propres ne pourront être poursuivies que sur le patrimoine propre à l’époux débiteur, sauf si le patrimoine commun s’est enrichi par absorption des biens propres à l’un des époux, que la dette provient de l’exercice d’une profession interdite à l’un des époux, ou d’une condamnation pénale pour un fait délictuel ou quasi délictuel commis par l’un des deux. 

Dans le régime légal, les dettes contractées par les deux époux, et les dettes communes en vertu de l’article 2.3.25 du Code civil, peuvent être poursuivies à la fois sur chacun des patrimoines propres des deux époux et sur leur patrimoine commun. Dans le cas d’un régime de séparation de biens, l’article 2.3.62 du Code civil est toutefois applicable. Celui-ci consacre le principe selon lequel la preuve de la propriété d’un bien ou d’une créance se fait tant entre époux que vis-à-vis des tiers. Les biens meubles, dont la propriété dans le chef d’un seul des époux n’est pas établie, sont considérés comme indivis entre eux.

Par ailleurs, l’article 2.3.78 du Code civil permet à l’un des deux époux de demander la séparation de biens lorsqu’il apparaît que, par le désordre des affaires de son conjoint, sa mauvaise gestion ou la dissipation de ses revenus, le maintien du régime existant met en péril les intérêts de l’époux demandeur. 

Ces informations peuvent toutefois être complétées par les informations déjà transmises par le ministre des Finances en ce qui concerne les dispositions particulières qui s’appliquent aux couples effectivement séparés dans le cadre du recouvrement amiable ou forcé de créances fiscales.

Il convient de noter à cet égard que l’article 10 du Code de recouvrement amiable et forcé des créances fiscales et non fiscales consacre la règle selon laquelle l’impôt sur les revenus et les précomptes et taxes assimilées à l’impôt sur les revenus peuvent être recouvrés sur les biens propres et sur les biens communs des deux conjoints, peu importe le régime matrimonial, sauf exceptions citées dans cet article. Ce Code ne relevant toutefois pas de ma compétence, je laisse le soin au ministre des Finances d’examiner cette problématique, comme indiqué dans sa réponse à vos questions sur ce thème.

En ce qui concerne les règles sur les biens et montants qui ne peuvent être saisis, l’accord de gouvernement prévoit d’ores et déjà une évaluation des règles relatives aux revenus insaisissables, avec une attention particulière à ne jamais mettre en péril le droit à un revenu décent.

 

Ma réplique :

Merci, madame la ministre, pour tous ces éléments. Néanmoins, vu les situations qui m’ont été rapportées, j’ai l’impression qu’il y a un travail législatif à entamer pour mieux protéger ces personnes de ce type spécifique de violences économiques qui se produisent encore dans notre pays. Visiblement, la législation ne permet pas de les protéger comme il le faudrait.