Monsieur le Ministre,
Depuis le 6 mars 2024, l’administration pénitentiaire applique une mesure de « congé pénitentiaire prolongé » pour certaines catégories de condamnés, en dehors de tout cadre légal. Cette mesure, visant à pallier la surpopulation carcérale, permet à des détenus en fin de peine, ou ayant eu des congés pénitentiaires réussis, de sortir de prison de manière prolongée. Toutefois, ces personnes ne bénéficient ni de suivi par un assistant de justice ni d’accès aux services sociaux tels que le revenu d’intégration sociale, car ils sont encore considérés comme « détenus ».
Cette situation entraîne des difficultés majeures : certaines personnes se retrouvent à la rue, sans possibilité de subvenir à leurs besoins essentiels ou d’accéder aux traitements médicaux nécessaires. Un cas m’ayant été rapporté évoque une personne restée sans ressources pendant sept mois, jusqu’à la fin de sa peine. Ces situations créent une précarité incompatible avec le respect de la dignité humaine.
Pouvez-vous préciser combien de congés pénitentiaires prolongés ont été octroyés depuis leur mise en œuvre, et combien de détenus en bénéficient actuellement ? Le gouvernement envisage-t-il de légiférer pour encadrer cette pratique et garantir un accès minimal à l’aide sociale pour ces personnes ? Quelles mesures seront prises pour éviter que des détenus en congé prolongé ne se retrouvent en situation de détresse financière ou médicale ?
Réponses du Ministre de la Justice:
A la sous-question « Pouvez-vous préciser combien de congés pénitentiaires prolongés ont été octroyés depuis leur mise en œuvre, et combien de détenus en bénéficient actuellement ? » :
Sur la base d’un calcul des mouvements enregistrés dans le programme SidisSuite, je peux vous dire que depuis le 6 mars dernier, 1906 personnes ont commencé au moins une fois un congé pénitentiaire prolongé. A la date du 6 janvier 2025, 685 personnes étaient en dehors de l’établissement pénitentiaire dans le cadre d’un congé pénitentiaire prolongé. Il faut ici préciser que le programme SidisSuite ne permet pas de donner le chiffre exact des condamnés qui bénéficient de la mesure mais uniquement de ceux qui, à une date précise, ne sont pas en prison. Or ce n’est pas la même chose que « bénéficier » : en effet, il y a aussi des personnes dans un système d’alternance qui passent maximum 30 jours en prison et 30 jours hors prison, de sorte que certaines parmi celles qui bénéficient de la mesure sont à cette même date donnée en prison en attente de leur prochaine alternance.
A la sous-question « Le gouvernement envisage-t-il de légiférer pour encadrer cette pratique et garantir un accès minimal à l’aide sociale pour ces personnes ? » :
Il s’agit de mesures d’urgence, mais c’est au futur gouvernement qu’il appartiendra de trancher sur une éventuelle législation reprenant cette matière.
A la sous-question « Quelles mesures seront prises pour éviter que des détenus en congé prolongé ne se retrouvent en situation de détresse financière ou médicale ? » :
Il n’est pas correct de penser que les détenus concernés par cette mesure sont en détresse financière : d’abord parce que les congés pénitentiaires prolongés sont préparés de façon individuelle et une des conditions est de pouvoir subvenir à ses besoins, mais également parce que des revenus sont possibles et ce de nombreuses façons comme par exemple de travailler en prison ou encore lors des congés via du travail intérimaire. Par ailleurs, il n’est pas question ici d’un problème en matière d’accès aux soins puisque, comme tout congé, le congé pénitentiaire donne droit au détenu d’avoir accès aux soins de la société civile via l’usage des mutuelles médicales.