Depuis mars dernier, de le sillage des mouvements #MeToo et #BalanceTonPorc, de nombreuses voix se sont faites entendre à propos des agressions sexistes et sexuelles sur les campus universitaires et dans le milieu étudiant en général. Le lancement de la page Instagram @BalanceTonFolklore, le 8 mars, et ses centaines de témoignages ont achevé de lever l’omerta sur cette situation intolérable.
Ce n’est pourtant pas la première fois que des étudiant·e·s tentent de faire bouger les choses. En juin 2020 déjà, le collectif féministe La Meute lançait le hashtag #LouvainLePorc pour alerter sur ces comportements. Un mois après mon arrivée en fonction, je découvrais aussi le groupe Facebook “Louvain Le Mec” et ses blagues misogynes… j’alertais alors déjà sur les importants problèmes de sexisme dans les milieux estudiantins.
Que l’on aime ou pas ce type de folklore estudiantin, il est nécessaire d’y introduire la notion de consentement et d’y dénoncer le harcèlement et les agressions sexistes et sexuelles. Les jeunes doivent pouvoir faire la fête dans un climat bienveillant, les soirées n’en seront que plus belles pour toutes et tous. Lorsque j’étais moi-même aux études, j’appréciais ces moments de guindaille, mais je me souviens aussi des dérives dans les cercles, les comités de baptême, dont il était très difficile de parler et à propos desquels les victimes n’étaient que trop rarement crues. Je soutiens donc totalement ces mouvements qui dénoncent des comportements inacceptables et trop longtemps tus.
J’ai tenu à leur exprimer tout mon soutien via les réseaux sociaux. J’ai rapidement rencontré différentes associations étudiantes pour en discuter, l’Assemblée Générale des étudiant.e.s de Louvain (AGL), l’Association des Cercles Etudiants de l’ULB (ACE), l’Association inter-cercles de l’ULB (AIC) ou encore le Bureau des Etudiant·e·s Administrateurs de l’ULB (BEA). J’ai également rencontré des collectifs féministes comme La Meute ou les étudiantes derrière le compte Instagram BalanceTonFolkore. Je me suis entretenue avec Philippe Hiligsmann, le vice-recteur aux affaires étudiantes de l’Université Catholique de Louvain-la-Neuve, avec Véronique Eeckhoudt, chargée de l’animation étudiante au vice-rectorat, ainsi qu’avec Tania Van Hemelryck, conseillère du recteur pour la politique de genre.
Devant le Parlement, je proposais fin mars différentes pistes d’actions :
- davantage faire connaître les Centres de Prise en Charge des Violences Sexuelles dans le milieu étudiant, auprès des cercles et des professionnels de santé en contact avec un public étudiant,
- accorder une attention spécifique à ces violences dans le futur Plan d’Action National 2021-2025, avec des mesures en termes de prévention, de protection des victimes et de poursuite des auteurs,
- rencontrer prochainement des collectifs d’étudiantes et des actrices et acteurs concernés afin de les écouter et de définir avec eux des actions spécifiques à mettre en œuvre. Ils représentent pour moi un des publics prioritaires et je m’engage à apporter une attention particulière aux violences sexistes et sexuelles dont les étudiantes sont victimes bien souvent en toute impunité.
Le 7 juin dernier, lors d’un débat sur LN24, suite au documentaire d’Emmanuel Descours et Julia Vanderborght, dans lequel j’interviens également, j’ai eu l’occasion d’échanger avec de nombreux acteurs et actrices, notamment le recteur de l’Université de Liège, le vice-recteur de l’Université Libre de Bruxelles, certains représentants étudiants et les réalisateur·trice·s du documentaire. J’ai rappelé par ailleurs que ce phénomène existe partout dans la société et pas uniquement sur les campus universitaires.
J’encourage de perpétuer le financement des cellules d’aide spécifiques comme Cash-e ou le dispositif Together, par exemple. Mais aussi d’étendre, renforcer et promouvoir ce genre d’outils dans d’autres campus et hautes écoles. Ces projets doivent être renforcés pour que les victimes puissent être soutenues et écoutées dans leurs démarches.
Une autre proposition intéressante, évoquée avec les étudiant·e·s que j’ai rencontrés ces derniers mois, serait la création d’une cellule unique et indépendante qui serait impartiale et éviterait les conflits d’intérêt avec les universités et hautes écoles. Cela serait particulièrement utile lorsqu’ils ou elles rencontrent un problème avec un membre du corps enseignant.
Selon moi, il est essentiel que dès la rentrée prochaine, il y ait des améliorations concrètes sur les différents campus du pays. Je suis entre autres en contact avec l’échevine de Leuven pour identifier ce qui peut être mis en place. Les violences sexistes et sexuelles sont présentes sur l’ensemble des campus en Belgique et les étudiant·e·s ne doivent plus avoir peur en allant étudier ou guindailler. Les mentalités doivent changer, la peur doit changer de camp.
Il ne s’agit pas d’empêcher les jeunes de faire la fête, ni de mettre un policier derrière chaque étudiante, mais bien de changer fondamentalement les mentalités pour permettre à chacun et chacune de faire la fête dans un climat bienveillant. Ce n’est pas sur les étudiantes que doit reposer la charge d’empêcher les agressions. Ce sont les agresseurs qui doivent arrêter de gâcher la fête pour tout le monde.