Madame la ministre,
Les estimations de Brulocalis sont sans appel: la limitation des allocations de chômage après deux ans pour les travailleurs de moins de 55 ans pourrait provoquer un afflux massif vers les CPAS bruxellois avec une augmentation de 27 000 bénéficiaires du revenu d’intégration sociale (RIS). Ce report va entraîner des coûts supplémentaires qui sont estimés à près de 100 millions d’euros par an pour les CPAS. Et, c’est sans compter les coûts et les besoins en personnel supplémentaire pour gérer cette explosion des demandes. Or, à ce stade, aucune garantie de compensation budgétaire n’a été clairement annoncée.
De plus, le financement des CPAS, selon l’accord de majorité Arizona, sera conditionné à un plan de retour à l’emploi marquant un changement profond de logique. Les CPAS qui sont traditionnellement liés à une obligation de moyens, devront désormais atteindre des résultats en matière de réintégration socioprofessionnelle. Pourtant, la région bruxelloise compte une part importante de demandeurs d’emploi de longue durée, dont beaucoup sont éloignés du marché du travail depuis plus de cinq ans. Ce nouveau cadre risque donc de fragiliser encore davantage ce public, tout en mettant sous pression les CPAS, contraints d’assurer un double rôle d’accompagnement social d’une part, et de se faire un nouveau métier de l’insertion socioprofessionnelle, d’autre part.
Alors, madame la ministre, quelles garanties pouvez-vous donner quant au financement structurel des CPAS afin qu’ils puissent faire face à cette hausse des demandes d’aide sociale? Quelles mesures seront mises en place pour leur permettre de remplir leur nouvelle mission d’insertion socioprofessionnelle alors même que ce rôle dépasse largement leur cadre actuel de compétences? Enfin, comment le gouvernement entend-il assurer une concertation avec les CPAS et les pouvoirs locaux afin d’anticiper l’impact de cette réforme et d’éviter un engorgement du dispositif d’aide sociale? Comment allez-vous concrètement mettre en place ce soutien aux CPAS? Comptez-vous externaliser la gestion des dossiers ou bien va-t-on renforcer les équipes? Va-t-on pousser les murs dans les CPAS pour installer le nouveau personnel dans ces locaux? Voilà, c’est vraiment très compliqué de se projeter dans ce changement de paradigme. Pouvez-vous nous éclairer sur la façon dont cela va se dérouler?
Réponse de Anneleen Van Bossuyt, Ministre de l’Asile et de la Migration, et de l’Intégration sociale, chargée de la Politique des Grandes villes
Les modalités concrètes doivent encore être élaborées, madame Schlitz. Je vais en discuter avec les CPAS et avec les autorités locales. Aujourd’hui, nous constatons qu’il est encore souvent peu attrayant de travailler. Notre priorité est de faire en sorte que le travail soit toujours plus attrayant que l’absence de travail. C’est dans cette optique que cette mesure a été proposée.
Ma réponse
Merci pour vos réponses, madame la ministre.
Franchement, nous dire que parce qu’on serait le dernier pays d’Europe, c’est une bonne mesure, cela a vraiment ses limites. Ce n’est pas parce que certains pays font des choses qu’on doit forcément faire la même chose et parfois, on peut être exemplaires sur des politiques sans que d’autres les fassent pour autant. Je trouve que c’est vraiment un argument qui n’en est pas un.
Par contre, ce qui est très problématique en Belgique, c’est l’explosion de la pauvreté. Les inégalités explosent: 1 % des plus riches possède désormais un quart des richesses. C’est là qu’il faut aller chercher l’argent.
Aujourd’hui, il existe déjà un écart de 500 euros entre ceux qui travaillent et ceux qui ne travaillent pas. Par contre, pousser dans la grande précarité des individus, des parents, des enfants, ce sont des coûts cachés dont vous ne tenez pas compte aujourd’hui dans vos politiques. En effet, quand vous devez aider des personnes à retrouver un logement quand elles se trouvent à la rue, il faut déployer beaucoup plus d’énergie que quand on doit soutenir une personne qui bénéficie d’une allocation. En fait, ce dont elles ont besoin, c’est qu’on leur donne confiance en elles, qu’on les accompagne, comme c’est le cas dans d’autres pays.
Si la politique comparée vous intéresse, je vous encourage à regarder ce qui se fait à l’étranger, notamment en matière de remise à l’emploi de personnes qui sont en totale perte de confiance en elles. Elles ont besoin qu’on croie en elles, qu’on leur redonne confiance, qu’on leur propose une formation pas trop loin de chez elles correspondant à leurs envies. Là, on va pouvoir reconstruire des choses. Mais ce n’est pas en continuant à sanctionner, en engorgeant les CPAS et en mettant une charge de travail immense sur le dos des travailleurs qui n’en peuvent déjà plus que nous allons réussir à résoudre le problème de la grande pauvreté en Belgique.
Réplique de Anneleen Van Bossuyt, Ministre de l’Asile et de la Migration, et de l’Intégration sociale, chargée de la Politique des Grandes villes
Vous évoquez le risque de pauvreté. Les chiffres démontrent que le risque de pauvreté est de 32 % pour les gens qui ne travaillent pas et qu’il est de 5,5 % pour les gens qui travaillent. Je pense que les chiffres sont clairs. C’est pourquoi on veut aider les gens à travailler.
Ma réplique
En effet. Mais ce n’est pas en poussant les gens dans leurs retranchements, dans la grande précarité qu’on va les aider à travailler. Comment voulez-vous trouver
un boulot quand vous n’avez pas de quoi vous acheter un vêtement convenable, quand vous n’avez pas un toit sur la tête, quand vous ne savez pas ce que vous allez manger à midi ou le soir ni comment vous allez faire pour nourrir vos enfants?
Il faut donner des conditions matérielles convenables aux gens pour qu’ils puissent avoir confiance en eux et trouver du boulot. Ce n’est pas en les acculant qu’on va y arriver. Ce n’est pas en demandant aux CPAS, dont ce n’est pas le métier, de tout à coup se réinventer pour aider les personnes qu’on va y arriver.
L’insertion socioprofessionnelle n’a jamais été le métier des CPAS. Ils ne sont pas en capacité de le faire. Écoutez les travailleurs sociaux! On l’entend à longueur de journée en commission des Affaires sociales. On se trompe. Si vous voulez vraiment aider les personnes qui ne travaillent pas à retrouver un boulot, ce ne sont pas les bonnes solutions.
Consultez le compte-rendu intégral de la Commission des Affaires sociales, de l’Emploi et des Pensions du 12 mars 2025, dont est issue cette intervention, en cliquant ici.