Madame la Ministre,

Je vous interrogerai aujourd’hui sur des questions de santé qui touchent en particulier les femmes.

La première question que je vous ai adressée dès le début des mesures de confinement concerne l’accès à l’IVG.

Dans plusieurs pays, les mesures visant à lutter contre le COVID-19 ont mené à la suspension de l’accès à l’IVG. Dans certains régions d’Italie et des Etats-Unis, l’IVG n’est tout simplement plus pratiqué. Ceci est particulièrement préoccupant. En effet, si cette crise est inédite, de telles limitations des droits des femmes qui souhaitent avorter mèneront à des grossesses non désirées ou potentiellement à des avortements clandestins, mettant en danger la santé de ces femmes dans un contexte déjà extrême sur le plan sanitaire.

Je suis un peu rassurée par les retours du terrain. Les centres de planning et certains hôpitaux mettent tout en œuvre pour répondre à toutes les demandes d’IVG.

Madame la Ministre,

  • Dans quelle proportion les hôpitaux continuent-ils de prendre en charge les IVG ?
  • Quelles mesures sont mises en place pour continuer d’assurer l’accès à l’avortement dans notre pays sur la durée ?

Depuis le début de la crise, les centres de planning font un boulot exceptionnel pour garantir l’accès à leurs missions essentielles malgré les difficultés auxquelles ils font face (règles de distanciation, manque de matériel, personnel touché par la maladie, …) Ils observent néanmoins une baisse de 80% de leur fréquentation. Je vous laisse imaginer les risques que représenterait le report des soins de santé sexuelle et reproductive. 90% du public qui fréquente les CPF sont des femmes et nombre d’entre elles vivent dans une situation de grande précarité. La crise viendrait encore aggraver leur situation.

Un des sujets qui me préoccupe le plus est l’accès à la contraception. Il me revient que l’obligation de détenir une ordonnance pour prolonger un moyen contraceptif pose problème à beaucoup de femmes : peur de déranger le corps médical, médecins pas disponibles, obligation de se déplacer si le médecin ou la patiente n’utilise pas les ordonnances électroniques.

Certaines pharmacies auraient d’ailleurs commencé à délivrer des contraceptifs sans ordonnance.

Pour certaines femmes, cela entraîne l’arrêt ou la prise irrégulière du contraceptif.

Un autre frein est l’obligation de détenir une ordonnance pour bénéficier de la gratuité de la contraception d’urgence.

Madame la Ministre, pourriez-vous envisager de :

  • lever l’obligation de détenir une ordonnance pour pouvoir prolonger un moyen contraceptif et pour obtenir la gratuité de la contraception d’urgence?
  • Permettre l’examen clinique qui précède la délivrance d’une première contraception par télémédecine.
  • Favoriser l’accès financier à la contraception en étendant le remboursement préférentiel des moyens contraceptifs à tous les âges (jusque 24 ans inclus aujourd’hui).

Pouvez-vous nous éclairer sur notre approvisionnement en médicaments, matériel (contraceptifs, misoprostrol, mifépristone, matériel de dépistage, antirétroviraux…) et préservatifs dont le risque de pénurie est de plus en plus documenté à l’échelle internationale (fermeture des usines de production de préservatifs dans les pays sud-asiatiques, fermeture des usines de production de médicaments en Inde, difficulté d’approvisionnement des principes actifs depuis la Chine).

Autre sujet de préoccupation : le protocole pour les accouchements a été modifiés dans le cadre des mesures de prévention contre la propagation du coronavirus : accouchement uniquement avec un gynécologue de garde, séjour à l’hôpital réduit à une nuit, …  Cela entraîne beaucoup de difficultés et de stress pour les mères et les familles.

Avec le déconfinement et l’augmentation du testing, pourriez-vous envisager que les femmes enceintes qui sont testées « négatif » puissent accoucher avec leur propre gynécologue ? Le raccourcissement du séjour à l’hôpital pourrait-il avoir lieu uniquement sur base volontaire ?

Les retours du terrain des sages-femmes sont également inquiétants. Elles se sentent livrées à elles-mêmes, sans informations claires et sans matériel de protection. Madame la Ministre, les sages-femmes pourraient-elles figurer parmi les secteurs prioritaires sur le matériel ? Pourriez-vous leur faire parvenir des directives claires ?

Beaucoup de femmes enceintes sont très préoccupées par le risque de contracter le COVID-19 d’autant plus qu’on ne connaît pas les incidences de la maladie sur le foetus.

Pourtant, il me revient que des femmes enceintes continuent de devoir travailler dans des métiers de première ligne (infirmières, médecins stagiaires, caissières, …)

  • Confirmez-vous cette information?
  • Pour quelles raisons ne sont-elles pas écartées ?
  • Pourraient-elles faire partie des publics testés en priorité ?

Merci, Madame la Ministre, pour vos réponses à mes questions.

 

Réponse de la Ministre De Block lors de la Commission Santé du 17/04/2020 :

Nous n’avons pas dû recourir à des réquisitions de soignants jusqu’à présent. On espère qu’on ne devra pas y recourir. Mais si ça devait avoir lieu, on prend les devants via un arrêté ministériel adopté cette semaine.

De nombreuses mesures ont déjà été prises afin de soutenir le travail de tous les soignants et de permettre une continuité pour l’IVG.

Pour la prescription des contraceptifs, deux mesures facilitent la délivrance : des ordonnances aux patients en limitant les contacts et les déplacements, possibilité pour les médecins de donner des avis médicaux par téléphone, de faire des prescriptions électroniques, aussi la possibilité pour la patiente de se rendre à la pharmacie uniquement avec le code BRIT de sa prescription que lui aura transmis le médecin par mail, par téléphone ou autre en lieu et place de la preuve de prescription électronique sur papier qui était auparavant exigée.

Sur l’accès à l’IVG, il a été effectivement demandé aux prestataires de soin de reporter toutes les interventions non urgentes. L’objectif est de libérer un maximum de lits. Aucun liste exhaustive d’intervention prioritaire ou non n’a été dressée. Il appartient aux prestataires concernés qu’il soit médecin, dentiste, kiné, sage-femme, ou autre, d’apprécier le caractère urgent et je pense qu’évidemment une IVG comme un accouchement, qui doivent être pratiqués avec une limite dans le temps, il est évident que ce facteur est pris en compte par les services concernés pour apprécier le caractère urgent de la prise en charge.

Ma réplique :

Je n’ai pas eu de réponse à l’ensemble de mes questions. Je les reposerai donc.

Sur l’IVG, vu le caractère sensible que représente cette question, laisser ce droit dépendre de la libre appréciation des hôpitaux ou des soignants me semble vraiment hasardeux. On sait que dans certaines régions d’Italie ou aux USA, l’IVG n’est tout simplement plus accessible depuis le début de la crise. Ça c’est vraiment inacceptable. C’est comme ça qu’on se retrouve avec des IVG clandestins qui mettent vraiment en péril la santé des femmes.

Je n’ai pas non plus eu de réponse sur le nombre d’IVG qui sont actuellement encore assurés par les hôpitaux.

Par rapport aux femmes enceintes qui travaillent en 1ère ligne, j’entends qu’à ce stade il n’y a pas de réquisition de personnel. J’espère tout comme vous que ce ne sera pas nécessaire. Je ne comprends pas alors comment des femmes qui en temps normal seraient écartées pour une grossesse sont actuellement en train de travailler en 1ère ligne dans des métiers comme celui d’infirmière.

Concernant l’accès aux contraceptifs sans ordonnance, je n’ai vraiment pas compris la réponse. Est-ce que vous vouliez dire que l’ordonnance n’est pas nécessaire ou bien que l’ordonnance électronique résout le problème. Pouvez-vous m’éclairer sur ce point ?

Pas de réponses sur les pénuries de contraceptifs et préservatifs.

Sur les sages-femmes, je n’ai pas eu de réponse non plus. Je réinsiste vraiment pour qu’elles obtiennent d’une part des directives claires et d’autre part pour qu’elles figurent parmi les publics prioritaires pour obtenir du matériel de protection. Ce sont des personnes qui sont aussi en 1ère ligne et qui sont vraiment démunies pour le moment.

Par rapport aux femmes enceintes, j’aspire vraiment à ce qu’on puisse revenir le plus vite possible à des protocoles standards qui soient vraiment respectueux de la maternité et donc qu’elles puissent aussi faire parti des publics prioritaires pour le testing.

Je vous remercie Madame la Ministre et je redéposerai des questions pour la semaine prochaine.