Question posée au Ministre Jambon le 16 juillet 2025. Retrouvez le compte-rendu intégral ici.

Monsieur le Ministre,

Le rapport annuel 2025 du Comité d’Étude sur le Vieillissement (CEV) révèle des éléments particulièrement préoccupants sur les conséquences à long terme de la réforme des pensions mise en œuvre par votre gouvernement.

Selon ce rapport, le « benefit ratio » – soit le rapport entre la pension moyenne et le revenu professionnel moyen – diminuera de manière significative d’ici 2070 : de 11,9 % pour les pensionnés de la fonction publique, de 9,2 % pour ceux du régime salarié, et de 3,1 % pour les indépendants.

Le rapport pointe également un élargissement du fossé entre les pensions des salariés et des indépendants, et un effet particulièrement défavorable pour les femmes salariées : une femme sur deux subira une pénalité sur sa pension si elle part avant 67 ans.

  • Êtes-vous conscient que cette réforme, en l’état, aggrave les inégalités entre régimes, entre genres, et au détriment des futures générations de pensionnés ?

Toujours selon les projections du comité, la réforme entraînera un report significatif de l’âge effectif de départ à la retraite : 40 % des femmes et 30 % des hommes devront travailler plus longtemps, dont 80 % d’un an supplémentaire et 20 % de plus d’un an.

  • Pouvez-vous préciser ces chiffres ?
  • Combien de personnes devront travailler deux, trois, quatre, voire cinq années de plus à la suite de l’harmonisation des conditions de carrière pour accéder à la retraite anticipée ?

Enfin, les pensions belges figurent déjà parmi les plus faibles d’Europe occidentale. L’OCDE indique un taux de remplacement net de 61 % en Belgique, contre 72 % en France, 90 % au Luxembourg, et 89 % aux Pays-Bas. Seule l’Allemagne fait légèrement moins bien avec 55 %.

  • Comment justifiez-vous une politique qui risque de faire glisser encore davantage la Belgique vers le bas du classement européen en matière d’adéquation des pensions ?

Au vu de ces éléments, une révision des équilibres entre soutenabilité budgétaire et justice sociale ne s’impose-t-elle pas ?

Je vous remercie pour vos réponses précises.

 

Réponse du ministre : 

Chers collègues, il semble que nous ne vivions pas dans le même pays. En tout cas, certains d’entre vous nient la situation budgétaire difficile et désastreuse dans laquelle nous nous trouvons tous et les coûts sans cesse croissants liés au vieillissement de la population. Avec ce gouvernement, nous nous attaquons aux défis majeurs et prenons la décision de redresser la situation budgétaire dans l’intérêt de tous. C’est aussi cela, la solidarité : prendre soin les uns des autres et de l’avenir. Les réformes que nous mettons en œuvre avec ce gouvernement ne sont ni simples ni faciles, mais elles sont absolument nécessaires pour notre pays.

Le rapport de la Commission sur le vieillissement montre clairement que ce gouvernement prend une mesure fondamentale dans la gestion financière des coûts des pensions. D’ici 2070, les coûts globaux du vieillissement diminueront de moitié et la facture supplémentaire des pensions baissera de près de 60 %, soit plus de la moitié, grâce à nos réformes. Les dépenses sociales, telles que les retraites et les soins de santé, continueront d’augmenter en raison du vieillissement de la population, passant de 25,8 % du PIB en 2024 à 27,5 % en 2070.

Par rapport au rapport de 2024, cette augmentation est moins importante sur cette période, avec une réduction de 1,9 point de pourcentage du PIB grâce aux mesures prises par le gouvernement fédéral en faveur des prestations sociales et des retraites en particulier. Telle est la réalité révélée par le rapport de la Commission sur le vieillissement. Si l’on considère uniquement les pensions, on constate que le coût budgétaire diminuera de 1,8 point de pourcentage du PIB entre 2024 et 2070 grâce aux mesures que nous prenons en matière de pensions.

Le coût budgétaire des pensions augmentera encore, mais en tant que gouvernement, nous prenons des mesures décisives pour réduire de plus de moitié cette augmentation. Chers collègues, ce rapport contraste fortement avec le bilan des gouvernements précédents, qui ont encore alourdi la facture des retraites.

Je suis bien sûr conscient de l’impact sur les femmes. Bon nombre de nos réformes visent précisément à réduire davantage l’écart entre les hommes et les femmes en matière de participation au marché du travail et d’accumulation de droits à pension, qui s’est creusé au fil du temps. Pour ce faire, nous accordons une plus grande importance aux périodes d’emploi dans le calcul des droits à pension et encourageons les gens à travailler plus longtemps. Aujourd’hui, ce sont en effet davantage les femmes qui assument des responsabilités familiales ou restent à la maison pour s’occuper de leur famille. Il n’y a rien de mal à cela en soi, mais avec notre réforme des pensions, nous encourageons les hommes et les femmes à choisir d’acquérir davantage de droits à pension grâce à une participation accrue au marché du travail, réduisant ainsi structurellement leur risque de pauvreté. De ce point de vue, notre réforme est donc un projet émancipateur par excellence.

En ce qui concerne votre deuxième question, je vous renvoie à ma réponse à votre question écrite n° 47 du 28 février 2025. Celle-ci porte sur l’harmonisation des conditions de carrière pour la retraite anticipée.

En ce qui concerne votre troisième question, je peux clairement affirmer que le gouvernement renforce le lien entre le travail et les pensions, mais aussi qu’il travaille à des réformes du marché du travail qui permettront d’y parvenir.

Madame Schlitz, la Comité d’études de vieillissement créé en 2001 fait partie du Conseil supérieur des Finances. Le Bureau fédéral du Plan est chargé du secrétariat du comité. Le Bureau fédéral du Plan est un organisme d’intérêt public indépendant de fait et qui relève de la tutelle du premier ministre et du ministre de l’Économie. En effet, il analyse l’impact social sur les inégalités de revenus et sur le risque de pauvreté des futurs pensionnés. Actuellement, le Bureau fédéral du Plan est confronté au départ à la pension des experts concernés.

Il lui sera néanmoins demandé d’analyser l’impact social comme l’impact sur l’écart entre les genres et le risque de pauvreté. À mon sens, cet impact social est très important. Ces analyses permettront d’identifier s’il y a des adaptations à faire dans notre réforme structurelle des pensions. Si c’est le cas, ces adaptations seront examinées en préparation de la deuxième lecture de notre projet de loi.

 

Ma réplique :

Merci. J’entends votre réponse. Manifestement, vous n’allez pas changer votre réforme, malgré le fait qu’elle a un effet particulier sur les femmes. Les Belges, avec cette réforme, vont devoir travailler plus longtemps pour des pensions moindres. Nous le savions déjà, mais, ici, nous en avons la confirmation.

Monsieur le ministre, arrêtez de nous dire que la situation budgétaire est grave, parce que, si c’était vraiment le cas, vous ne vous engageriez pas dans des dépenses militaires somptueuses. Vous ne savez même pas où vous allez trouver le premier euro de ces 34 milliards que vous avez été promettre à l’OTAN.

D’autre part, vous avez décidé de ne pas faire contribuer certaines catégories de la population qui en ont pourtant les moyens. Et vous allez faire peser la charge de toutes vos réformes sur les épaules de la classe moyenne, de la grande majorité de la population, et ce n’est pas acceptable. Vous savez très bien qu’on peut aller chercher de l’argent dans la fraude fiscale, mais vous ne le faites pas. On peut aussi taxer véritablement les plus-values, et non en faire un gruyère comme c’est le cas actuellement. Assumez vos décisions et arrêtez de dire que c’est la situation budgétaire qui l’impose, parce que ce sont des choix politiques.