Question orale posée au Ministre Jambon le 30 Septembre 2025. Le compte rendu intégral de la commission se trouve ici.
Monsieur le ministre, la question date un peu, étant donné qu’elle avait été déposée avant l’été. Cependant, elle reste d’actualité. Votre projet de plafonner progressivement les périodes assimilées jusqu’à ne plus reconnaître que 20 % d’une carrière à partir de 2031 suscite une inquiétude forte dans le secteur.
Vous indiquez en commission que ce dispositif s’appliquerait également aux travailleurs et travailleuses des arts au motif que leurs allocations relèvent de l’ONEM. Cela revient à considérer les périodes pendant lesquelles une personne bénéficie de la protection sociale du statut de travailleur des arts comme de simples périodes de chômage. Autrement dit, un artiste qui aurait travaillé 45 ans ou avant et qui est mort sans bénéficier du statut, et alors que dès 45 ans ne seraient aucunement des périodes de chômage reconnues, et en venant, au moment de la pension, que neuf années reconnues sur une carrière entière !
Alors, la loi elle-même, lors de la réforme récente du statut, a reconnu que cette intermittence n’est pas un choix individuel, mais une réalité professionnelle et structurelle des métiers exigeant une protection adaptée.
Monsieur le ministre, votre projet assimile-t-il, dans le calcul des pensions, les périodes sous statut de travailleur des arts à des périodes de chômage qui ne seraient donc reconnues que dans la limite de 20 % d’une carrière ? Comment justifiez-vous une mesure qui efface jusqu’à 38 années de travail artistique, rendant la quotité de la pension des travailleurs des arts dérisoire alors qu’une carrière professionnelle continue ? Corrigez-vous cette interprétation pour nous donner plus de clarté sur ce statut qui reste bien reconnu en tant que travail et non en tant que chômage ? Plus largement, comment le gouvernement compte-t-il défendre l’accès à une pension décente pour celles et ceux dont les carrières sont discontinues mais réelles, aujourd’hui ? S’agissant des arts du spectacle où l’essence même des professions ou de l’intermittence est inhérente au métier ?
Réponse du ministre :
À partir du 1er janvier 2027, certaines périodes assimilées ne seront plus prises en compte pour le calcul de la pension des travailleurs salariés si elles représentent plus qu’un certain pourcentage de la carrière. Ce taux-limite s’élèvera à 40 %, 35 %, 30 % ou 20 % en fonction de la date de naissance de l’intéressé. Parmi ces périodes, certaines, notamment celles de chômage complet, seront prises en considération, tandis que les périodes de maladie et les congés pour soins seront exclues de ce calcul.
Toutefois, les discussions relatives aux modalités précises de la mesure et aux périodes qui seront effectivement prises en compte se poursuivent au sein du gouvernement. Elles incluent également la possibilité de prévoir un assouplissement de la mesure pour certaines catégories de travailleurs ayant un statut particulier, par exemple les travailleurs des arts bénéficiant d’une allocation de travail des arts.
Je tiens également à souligner que, pour la pension d’un travailleur salarié, non seulement les jours de travail effectivement prestés par le travailleur des arts sont toujours pris en compte pour la pension, mais aussi que les jours non indemnisables des artistes au titre de la réglementation du chômage sont considérés comme des jours de travail et comptent pour la pension. Ces jours ne seront donc jamais soumis à l’application du pourcentage de limitation.
Le gouvernement prévoit des réformes durables et socialement justes, qui contribueront à la stabilité à long terme de notre système de retraite. Il associe étroitement les partenaires sociaux à l’élaboration et à l’exécution de ces réformes. Leur implication est essentielle à la réussite de cette réforme. En concertation avec les partenaires sociaux, le gouvernement examinera quelles mesures d’atténuation peuvent être prises afin de tenir compte de l’irrégularité de la carrière de certains travailleurs.
Ma réplique :
Monsieur le ministre, je vous remercie pour la réponse. J’entends que la négociation au sein du gouvernement est toujours en cours, mais j’imagine qu’il y a aussi des contacts avec les secteurs concernés pour faire en sorte que la mesure soit calibrée au mieux avec l’intermittence, parce qu’elle est inhérente à la production et au rythme du travail des arts.
Monsieur le ministre, je vous invite vraiment à avoir comme boussole, dans toute votre réforme des pensions, le fait que chaque citoyen, chaque citoyenne en Belgique puisse avoir accès à une pension digne pour pouvoir vieillir dans la dignité. C’est cette boussole que vous devez vous fixer.
Les choix politiques que vous prenez en matière budgétaire ne sont pas des obligations. Vous nous direz sans cesse “on est obligé en raison de la charge de la dette”. Mais ce sont en fait des choix. Quand vous décidez de faire des cadeaux à certaines entreprises, quand vous décidez de faciliter la vie aux personnes qui ont fraudé le fisc, c’est un choix politique. Et, aujourd’hui, décider de raboter la pension des travailleurs des arts, c’est un choix politique. Et c’est catastrophique pour les années à venir.
Monsieur le ministre, je vous invite vraiment à faire en sorte que cette réforme ne soit pas faite au bazooka, mais justement en prenant en considération les spécificités de chaque secteur, en particulier celui-ci en ce qui concerne cette discussion.