Question orale posée à la Ministre Van Bossuyt le 1 octobre. Le compte-rendu intégral de la commission se trouve ici.

Madame la Ministre,

La Belgique accueille chaque année des milliers de réfugiés, fuyant la guerre, les persécutions ou des crises humanitaires graves. Ces personnes, souvent fragilisées par des parcours traumatisants et confrontées à des difficultés économiques et sociales majeures, dépendent du revenu d’intégration sociale non seulement comme filet de sécurité vital, mais aussi comme condition sine qua non pour amorcer leur insertion dans la société belge.

Vous avez annoncé envisager de conditionner l’octroi d’une partie de ce revenu à un « degré estimé d’intégration ». Une telle mesure soulève des interrogations sérieuses sur ses objectifs réellement poursuivis, sur sa faisabilité concrète, sur l’impact sur des populations déjà vulnérables et le risque manifeste de plonger des familles dans la précarité ou Plus encore, cette approche introduit une distinction arbitraire entre bénéficiaires selon leur statut (qu’ils soient bénéficiaires de la protection subsidiaire, de la protection internationale ou non) ou leur capacité à se conformer à des critères d’intégration, posant de graves questions d’équité, de cohésion sociale et de respect des droits fondamentaux garantis par la législation nationale et les conventions internationales.

En cela, madame la ministre, je souhaiterais connaître votre position à plusieurs égards : Quels critères précis seront retenus pour déterminer si un réfugié satisfait aux exigences d’intégration ? Ces critères seront-ils adaptés aux situations individuelles, notamment en cas de vulnérabilité (handicap, traumatismes, obligations familiales) ? Quels mécanismes de recours seront prévus pour les réfugiés estimant avoir été évalués de manière injuste ou sanctionnés à tort ? Si de tels dispositifs existent, comment garantira-t-on leur réelle accessibilité, compte tenu des obstacles administratifs et linguistiques auxquels cette population est confrontée ? Comment le contrôle de la participation et de l’effort d’intégration sera-t-il mis en œuvre concrètement ? Quels mécanismes d’accompagnement seront prévus pour aider les bénéficiaires à atteindre ces exigences ? Quelles garanties seront mises en place pour éviter toute discrimination entre réfugiés et autres bénéficiaires du revenu d’intégration, ou entre différents groupes de réfugiés ? N’estimez-vous pas qu’une telle politique constitue un facteur de stigmatisation, en ce qu’elle rend les réfugiés « responsables » de leur précarité en raison de critères d’intégration subjectifs ?

Réponse de la ministre :

Madame Schlitz,

Dans l’accord de gouvernement, nous avons prévu que les réfugiés reconnus ayant droit au revenu d’intégration doivent suivre un parcours d’intégration renforcé, en collaboration avec les entités fédérées. Dans le cas contraire, leur revenu d’intégration sera réduit.

En ce qui concerne les bénéficiaires de la protection subsidiaire et les personnes temporairement déplacées, elles pourront compléter leur revenu d’intégration réduit par des primes basées sur leur effort d’intégration. L’intégration relève de la compétence des Communautés. Le revenu d’intégration est lié aux connaissances linguistiques, à l’intégration et aux efforts pour trouver un emploi. Les conditions concrètes sont déterminées par les entités fédérées. Le gouvernement fédéral se limite à définir le cadre général et offre ainsi une incitation aux entités fédérées pour renforcer les efforts d’intégration des nouveaux arrivants. Il appartient ensuite aux Régions de mettre en œuvre cet instrument.

Un dialogue est cependant nécessaire car une application asymétrique pourrait entraîner des effets indésirables. Cette semaine, mon cabinet consulte les cabinets régionaux compétents. Les modalités concrètes, notamment en ce qui concerne les possibilités professionnelles et le contrôle de la participation, seront ensuite élaborées.

Nous attendons des nouveaux arrivants qu’ils s’investissent pleinement pour participer activement à notre société. En même temps, les critères tiendront compte des vulnérabilités individuelles, telles que les problèmes de santé, afin que personne ne soit exclu de manière déraisonnable.

Ainsi l’équilibre est recherché entre droits et devoirs: la garantie d’un filet social, d’une part, et la responsabilité de s’intégrer, d’autre part. L’objectif de cette politique n’est pas la stigmatisation mais le renforcement des chances de participation pleine et entière à la société.

Ma réplique :

Votre réponse me donne déjà quelques éléments. C’est du côté des Régions que les critères vont être définis. En réalité, ce qui me revient du terrain est que quand des personnes s’inscrivent pour avoir des cours de français – puisque je suis du côté francophone –, il y a des listes d’attente, et ces personnes attendent parfois pendant plusieurs mois pour accéder à ces parcours d’intégration.

Je pense donc, madame la ministre, que vous utilisez de faux prétextes pour poursuivre votre stigmatisation des personnes issues de l’immigration et qui cherchent en fait à s’intégrer chez nous.

En réalité, vous choisissez d’ignorer le fait qu’aujourd’hui, il n’y a pas assez de moyens et pas assez de place dans les parcours d’intégration, tout simplement. Je vous invite à monitorer cet aspect-là et, vous verrez, vous serez surprise. Vous nous dites vouloir que les personnes qui viennent ici s’intègrent. Mais que faites-vous? Vous décidez de fermer les initiatives locales d’intégration, qui sont des structures de petite taille dans les milieux urbains ou dans les cœurs de village, qui permettent à des familles réfugiées de s’intégrer dans la vie locale, de créer des liens sociaux etc. Vous les fermez au profit de grands centres, situés en dehors des collectivités et en dehors des milieux urbains.

Donc, en fait, l’exclusion, c’est vous qui la créez, avec d’une part des discours stigmatisants et, d’autre part, avec des politiques qui visent à exclure et à empêcher que le lien social se crée. Avant de venir raconter que ce sont les personnes qui ne veulent pas s’intégrer, posez-vous la question des politiques que vous mettez en place. Elles bloquent l’intégration de ces personnes qui ne demandent qu’une chose, c’est de travailler ici, de voir leurs enfants aller à l’école et être en sécurité avec un toit au-dessus de la tête. C’est cela que ces personnes veulent. Je pense que vous devriez dès maintenant vous inscrire dans une politique rationnelle en matière d’immigration. Les sondages montrent que le Vlaams Belang est en tête en Flandre.

C’est avec des discours comme le vôtre qu’on arrive à des résultats comme celui-là. Poursuivre cette fuite en avant après le Vlaams Belang est une extrêmement mauvaise idée, madame la ministre, aussi bien pour les personnes concernées que pour votre score électoral.