Question orale posée le 23 septembre au Ministre du Climat Jean-Luc-Crucke, compte rendu intégral à retrouver ici.

Monsieur le ministre, l’été 2025 qui s’achève a de nouveau été marqué par des catastrophes climatiques majeures. L’Espagne, la France ou encore le Portugal ont subi des incendies d’une ampleur dramatique – plusieurs milliers d’hectares détruits, des populations entières évacuées, des morts, des infrastructures réduites en cendres. Les scientifiques insistent sur la tendance structurelle. Le changement climatique rend les étés plus longs, plus secs et plus propices à des feux incontrôlables ou à des inondations ravageuses.

La Belgique n’est pas épargnée par ces évolutions. En effet, nos forêts connaissent une mortalité accrue des arbres, des sols plus secs et des canicules répétées, autant de facteurs qui augmentent la vulnérabilité aux incendies. Au début de l’été, je vous ai interrogé sur les mesures que vous comptez prendre pour anticiper ces phénomènes. Dans votre réponse, vous indiquiez avoir demandé la réunion de plusieurs acteurs, tant fédéraux que régionaux, afin d’améliorer la coordination et l’anticipation des risques.

Cette réunion s’est-elle tenue ? Quand et en présence de quels acteurs ? Quelles décisions concrètes y ont été prises ? Vous mentionniez également le rapport du CERAC qui avait servi de base fiable pour identifier les risques prioritaires et proposer des mesures de prévention et de protection. Ce rapport formulait notamment des recommandations sur le renforcement de la surveillance des forêts, l’amélioration de la coordination entre acteurs régionaux et nationaux ainsi qu’un investissement dans des moyens matériels et humains nécessaires à la prévention et à la lutte contre les incendies. Monsieur le ministre, ont-elles été prises en compte par le groupe que vous réunissiez ? Lesquelles seront-elles mises en œuvre ?

Lors de la dernière commission, j’avais également souligné la nécessité d’investissements stratégiques dans ce domaine et, en lien, tant qu’à faire, avec les dépenses militaires. Quelles mesures concrètes ont-elles dès lors été prises à ce niveau pour doter la Belgique de moyens adaptés à la prévention et à la lutte contre les incendies ?

Je vous remercie, monsieur le ministre, pour vos réponses en suivi à ce dossier qui sera de plus en plus brûlant (clin d’oeil) ces prochaines années.

Réponse du Ministre Crucke :

Tout d’abord, permettez-moi vraiment de vous remercier de l’intérêt que vous portez au problème des feux de végétation.

C’est un thème qui, dans le passé, n’a trop souvent reçu l’attention politique que temporairement, pendant un été chaud et sec, pour ensuite disparaître de l’agenda. Je peux vous assurer que j’ai vraiment l’intention de ne pas laisser cela se produire au cours de la législature. L’accord de gouvernement est également clair à cet égard, un plan d’action interfédéral pour les conditions météorologiques extrêmes sera élaboré.

Je souhaite me baser sur l’évaluation belge des risques climatiques du CERAC, qui sera publiée le 8 novembre et qui identifiera les 28 risques climatiques et environnementaux les plus importants pour la Belgique. Comme vous le savez, au printemps, le CERAC a publié l’étude scientifique sur les feux de végétation et j’ai écrit à tous les ministres compétents, à tous les gouverneurs provinciaux, afin de recevoir leur feedback sur ce rapport, ceci dans l’intention de convoquer une conférence interministérielle cet automne.

Ils ont tous répondu, et chaque fois de manière constructive. Tout le monde s’accorde à dire qu’il y a du travail à faire. Au cours de la prochaine décennie, notre pays risque d’être confronté à plusieurs feux de végétation complexes en même temps. Les feux de végétation de l’avenir représentent un risque majeur. Nous y sommes, à l’heure actuelle, pas préparés.

Sur cette base, j’ai établi une liste de priorités pour l’élaboration d’un plan d’action national contre les feux de végétation. Cette liste sert actuellement de base à des entretiens exploratoires avec des collègues compétents en vue de la conférence interministérielle.

La liste des priorités est la suivante :

  1. Création d’un organe national de coordination pour la prévention contre les feux de végétation.
  2. Renforcement de l’action préventive. C’est ici, monsieur Lejeune, que nous pouvons demander aux Régions d’étudier si des actions comme les voies d’accès coupe-feu sont nécessaires.
  3. Élaboration d’une banque de données nationale des feux de végétation.
  4. Établissement d’une cartographie des risques.
  5. Établissement d’une évaluation des dangers.
  6. Amélioration de la détection.
  7. Amélioration de la mise en œuvre d’un système d’alerte précoce.
  8. Renforcement des capacités et moyens opérationnels des interventions d’urgence, et pourquoi pas des moyens duals que militaires et civils.
  9. Améliorer la coopération internationale.
  10. Assurer un cadre légal clair et la disponibilité du financement nécessaire.

Notons qu’une approche bottom up est également développée entre-temps. Sous la direction du professeur Jan Batens (Université de Gand), toutes les parties belges compétentes, des pompiers aux DNF en passant par les services de secours, se sont réunies au sein du Belgian Wildfire Network. Il est clair que le vécu que nous impliquons en réseau dans la poursuite de l’élaboration d’un plan d’action interfédéral contre les feux de végétation doit émerger de la conférence interministérielle.

Il est à noter que la gestion des forêts et la prévention des incendies de forêt relèvent d’abord des compétences régionales – pour les bois et réserves naturelles gérés par le Département de la Nature et des Forêts (DNF) en Wallonie. Toutefois, il existe aussi une dimension fédérale importante : mise à jour des normes incendies, planification de crise et de sécurité qui dépend du monologue et du ministère public, notamment à travers la police et l’armée et des centres fédéraux de coordination.

Concernant votre question sur la collaboration DNF, son existence, je vous renvoie aux évaluations et analyses faites au niveau fédéral et vers la Région wallonne. La multitude des acteurs impliqués dans la gestion forestière n’exclut pas le besoin d’une collaboration interfédérale renforcée et constante. C’est pourquoi l’objectif de ce plan interfédéral reste essentiel : un plan est toujours perfectible par ajout de stratégies nouvelles. L’orientation prise reste de travailler avec les Régions à une actualisation et à une consolidation de leurs plans.

L’élaboration du plan interfédéral visera à combler les lacunes, à mieux relier les plans régionaux et fédéraux entre eux, à identifier les synergies et les complémentarités et à améliorer la coopération, notamment avec les forces armées, les services d’intervention civile et les gestionnaires régionaux de la nature.

Ma réplique :

Merci pour vos réponses, monsieur le ministre. J’insiste véritablement sur l’urgence à agir. Nos forêts subissent déjà aujourd’hui les effets du dérèglement climatique.

Nous n’avons peut-être pas le même profil que l’Espagne ou le sud de la France, mais le risque d’incendie est là. L’Agence wallonne de l’Air et du Climat l’a publié aujourd’hui. Ce sont 541 000 ménages, soit un ménage sur trois en Wallonie, qui se trouvent actuellement à moins de 200 mètres d’une zone à risque d’incendie moyen élevé à élevé. C’est énorme. Les risques sont donc énormes.

Pour être claire, il ne s’agit pas seulement de réunions ou de plans sur papier, mais bien de mesures concrètes dont nous avons besoin. Nous avons aussi besoin d’investissements matériels, de moyens humains, de surveillance renforcée, de coordination et de suivi effectif des recommandations des comités scientifiques. Cela m’inquiète, car aujourd’hui je ne vois pas les moyens suivre.

Je vois certains de vos collègues qui s’auto définissent comme climatosceptiques dans un contexte comme celui-ci où un tiers des ménages wallons est en risque de subir un incendie. Ce qui m’inquiète également, c’est la propagation de certaines théories scientifiques et le désinvestissement dans la recherche et dans les universités. Celle-ci est fondamentalement nécessaire pour pouvoir prévenir et anticiper les effets du dérèglement.

Sur la question militaire, il est indispensable de faire en sorte qu’une partie de ces budgets faramineux qui seront débloqués pour les investissements militaires permettent aussi des actions civiles, notamment la prévention des incendies. Les images de citoyens espagnols seuls face à des incendies, qui appellent leurs voisins à prendre des tuyaux d’arrosage et des seaux d’eau pour éteindre des incendies qui causent des morts, m’ont terrifiée cet été. Ce sont des images qui sont terrifiantes alors que l’on se trouve dans des États civilisés. En fait, nous ne sommes pas prêts, pas organisés ni coordonnés entre pays européens.

C’est une vraie menace, qui est là aujourd’hui. Ce n’est pas quelque chose qui va se produire « plus tard, peut-être, un jour, on ne sait pas ». Non, c’est ici et là, et vous avez la responsabilité politique d’agir pour que nos citoyens soient protégés.

Je vous remercie.