Madame la Ministre,
Que ce soit dans l’Union européenne ou en Belgique, les voyants en matière d’atteinte des objectifs climatiques ne sont pas au vert !
Un rapport publié le 22 juin par l’office européen de statistiques, Eurostat, montre qu’au cours des cinq dernières années les progrès accomplis par l’Union en vue de la réalisation des ODD horizon 2030 sont réels, mais inégaux, tant dans leur ampleur que dans leur trajectoire.
Le bilan est notamment insuffisant pour l’objectif “égalité des sexes” et “l’action climatique”.
Concernant l’action climatique, l’Union n’en a pas fait assez pour lutter contre le changement climatique lors des cinq dernières années d’après Eurostat. De 2013 à 2018 les émissions européennes n’ont baissé que de 2,7 %. À ce rythme, l’UE n’atteindra pas l’actuel objectif de 40 % de réduction des émissions à l’horizon 2030.
En Belgique, le 18 juin dernier, les jeunes militants pour le climat ont accordé un 4 sur 10 à la Belgique pour sa politique en matière environnementale. Ils s’appuyaient sur la note du « Climate change performance index », de 4,5/10, encore rabotée : la Belgique est en effet l’un des neuf pays membres de l’Union européenne, et le seul parmi les fondateurs, à ne pas avoir signé l’appel des ministres de l’Environnement pour maintenir les ambitions climatiques malgré la crise.
Madame la Ministre,
Comment expliquez-vous un tel retard de notre pays ?
Que comptez-vous faire pour placer notre pays dans une trajectoire ambitieuse en matière climatique ?
Pourriez-vous défendre une position ambitieuse sur le plan Européen afin que l’Europe s’engage à réduire les émissions de gaz à effet de serre d’au moins 55% et même 65%, contre 40% actuellement ?
Je vous remercie, Madame la Ministre, pour vos réponses à mes questions.
Réponse de la Ministre Marghem (01/07/2020) :
D’après le dernier inventaire d’émissions de gaz à effet de serre de la Belgique, les émissions non-ETS ne diminuent plus depuis 2011 (hormis une baisse ponctuelle observée en 2014, en raison d’un hiver exceptionnellement doux), après avoir connu une diminution de 6,9% entre 2005 et 2011. Les émissions ETS n’ont plus diminué non plus depuis 2014 (elles sont même reparties à la hausse depuis 2016). En particulier, deux secteurs ont vu leurs émissions augmenter significativement durant la période 2013-2018 : le transport (+ 5,0 %) et les processus industriels (+ 5,8%).
Concernant les émissions du secteur non-ETS, il n’est pas encore clair si la Belgique sera en mesure de respecter ou non son objectif au titre de la décision européenne « Effort sharing » (Décision 406/2009/CE), qui fixe les trajectoires linéaires d’émissions des états-membres pour la période 2013-2020. Les inventaires d’émissions ne sont en effet disponibles qu’avec deux ans de retard, il faudra donc attendre 2022 pour avoir un décompte final pour l’ensemble de la période, et vérifier la conformité de la Belgique, compte tenu des flexibilités prévues dans la décision « effort-sharing » (notamment la possibilité de combler le déficit d’une année par le report du bonus d’une autre année).
Cela dit, les émissions de gaz à effet de serre ne sont pondérées qu’à 40% dans le « Climate change performance index », les autres facteurs – chacun pondéré à 20% – étant les énergies renouvelables, la consommation d’énergie et la politique climatique nationale et internationale de notre pays. Selon toute vraisemblance, les objectifs 2020 en matière énergétique ne pourront être atteints, comme l’indique le rapport d’évaluation de l’atteinte des objectifs 2020 en matière d’énergies renouvelables récemment établi par la groupe CONCERE, en application de l’Accord de coopération « burden-sharing », que je tiens à votre disposition. Pour ce qui est de l’évaluation de notre politique climatique, il ne sort pas clairement du rapport comment notre performance a été évaluée. La complexité institutionnelle de notre pays en serait-elle la cause ? Je ne manquerai pas de m’informer auprès des auteurs pour clarifier cela.
De toute façon, il est clair que nous devons intensifier nos efforts. Dans le contexte de la crise COVID-19, les investissements nécessaires pour nous mettre sur la voie vers la neutralité climatique, qu’on doit de toute façon réaliser, pourraient être une opportunité pour relancer notre économie. La transition verte devrait se trouver au cœur de la relance et on ne peut pas se satisfaire d’un retour au ‘Business-as-Usual’ non-durable. La Belgique a défendu cette position lors du Conseil européen de fin avril, qui est en ligne avec l’appel à renforcer l’ambition climatique à l’horizon 2030, lancé par douze états-membres, à l’initiative de Danemark, même si nous n’avons pu atteindre un consensus au niveau belge pour souscrire à cette initiative, comme vous le savez.
Au niveau belge, je pense qu’il est primordial que les investissements dans les bâtiments publics, le transport public, les infrastructures pour les modes de transport doux et les réseaux d’électricité adaptés à l’augmentation des renouvelables, figurent au cœur de notre plan de relance. prix incite au recours accru aux combustible.
Plus généralement, il nous faut de toute façon développer une vision stratégique pour la transition de la Belgique. Une telle stratégie devra être développée de façon intégrée entre le fédéral et les entités fédérées, et ancrée dans la réalité européenne, afin de réaliser cette transition d’une manière efficace et effective.
Par rapport à l’ambition européenne pour l’année 2030, vous savez que la Commission publiera en septembre sa proposition pour porter l’objectif de réduction des émissions de gaz à effet de serre de l’UE en 2030 à au moins 50 % et jusqu’à 55 % par rapport à 1990. Comme vous le savez, le gouvernement fédéral défend la position d’un objectif européen de réduction des émissions de gaz à effet de serre d’au moins 55 % d’ici 2030 par rapport à 1990, en lien avec la résolution de ce parlement du 20 décembre 2018. Les gouvernements des régions bruxelloise et wallonne sont sur la même ligne et ont même inclus cet objectif dans leurs accords de gouvernement. J’espère vivement qu’un consensus national pourra être trouvé afin que la Belgique puisse jouer un rôle positif et constructif dans ce débat au niveau européen.