Madame la Ministre, Monsieur le Ministre,

Je vous ai envoyé le 10 mars dernier une question concernant les avions qui, pour ne pas perdre leurs slot, effectuaient des vols à vides. C’est vous Monsieur le Ministre qui y avez répondu. Vous déclariez alors ceci :

“Le règlement CEE n°95/93 du 18 janvier 1993 fixe les règles d’attribution des créneaux horaires dans les aéroports de la Communauté. Quand un transporteur ne peut atteindre l’utilisation de 80% des créneaux demandés, le coordinateur peut, après avoir entendu ses arguments, décider de maintenir les créneaux pour ce dernier ou les lui retirer pour le reste de la période de planification, s’il estime les raisons invoquées litigieuses. Le slot peut alors être attribué à un autre. Face à cela, la Commission européenne a suspendu les effets du règlement jusqu’au 30 juin 2020, et le délai est prorogeable. La Commission a, depuis, proposé une modification législative pour permettre aux transporteurs aériens de suspendre leurs liaisons sans perdre leurs droits sur les créneaux horaires.” 

Rappelons qu’en 2016, le secteur de l’aviation a été responsable de 3,6% des émissions de gaz à effet de serre de l’UE28 et de 13,4% des émissions de gaz à effet de serre liées au secteur du transport. Mais surtout il s’agit de la source de gaz à effet de serre ayant la croissance la plus rapide, avec une augmentation de près de 130% depuis les années 2000.

Madame la Ministre, Monsieur le Ministre,

La crise du COVID aura dévoilé l’absurdité d’un mécanisme qui incite les compagnies aériennes à effectuer des vols sans corrélation avec la demande. Cela va totalement à l’encontre des objectifs en matière de réduction des émissions.

S’il est heureux que ce système ait été rapidement suspendu, il semble évident que ce système ne devra pas être remis en place au-delà de la crise du Coronavirus.

La Belgique va-t-elle adopter une position ferme au niveau européen en faveur de l’abrogation de cette règle européenne du 80/20 ? 

Je vous remercie, Madame la Ministre, Monsieur le Ministre, pour votre réponses à ma question.

Réponse de la Ministre Marghem :

Madame la Députée,

Comme je vous l’ai déjà indiqué, je suis absolument en faveur d’une stratégie de sortie de la crise COVID-19 qui est cohérente et en synergie avec la transition énergétique et environnementale, le Green Deal européen etc… Cela implique qu’un simple retour au ‘business as usual’ n’est pas nécessairement la meilleure option à choisir et cela vaut pour tout secteur.

Je partage votre analyse que le secteur de l’aviation doit contribuer à la réussite de cette transition ; cette transition constitue un réel défi pour ce secteur.

Par rapport à votre question précise, je devrais me concerter avec le Ministre Bellot.

 

Réponse du Ministre Bellot (Commission Mobilité du 17/06/2020) :

Qu’ils soient de longue, moyenne ou de courte distance, les vols commerciaux sont opérés dans notre pays comme dans tout autre pays européen par des transporteurs aériens dans le cadre du Règlement (CE) N°1008/2008 du Parlement et du Conseil du 24 septembre 2008 établissant des règles communes pour l’exploitation de services aériens dans la Communauté. Ce Règlement ne comprend aucune limite en termes de distance ou de proximité. Toute modification de règles en matière de distance ne peut donc se faire que dans un cadre européen.

Il existe donc peu de levier permettant d’agir en dehors de ces deux cadres.

Il est important de rappeler que dans certains cas, que ce soit pour des raisons de maintenance d’avions, de problème technique ou des raisons contractuelles, le transporteur se voit parfois obligé de procéder à un vol dit de positionnement (à vide) afin d’acheminer son avion sur une plateforme technique ou, le cas échéant, de permettre l’embarquement des passagers sur une autre plateforme aéroportuaire. Ce type de positionnement est d’ailleurs également connu pour d’autres moyens de transport tels que le rail et les autocars.

Le règlement européen que vous citez est complexe. La presse a affirmé que les compagnies maintenaient des vols à vide pour maintenir leur droit historique, ce qui est faux. Les compagnies organisent les vols selon des critères d’efficacité et de profit. Le nombre de passagers n’est pas le seul critère pertinent. Le cargo embarqué est essentiel dans la gestion de la crise sanitaire. Le vol retour de cet avion doit aussi être pris en compte.Lors des grandes crises touchant le secteur aérien, les autorités ont suspendu cette règle, à la demande du secteur, pour éviter ses effets pervers. Le secteur soutient cette règle utile et efficace en temps normal qui élimine des vols régulièrement annulés et rationalise l’utilisation des infrastructures.

Le mécanisme d’attribution des créneaux affine les prévisions de vol et permet de ne pas dépasser la capacité aéroportuaire. De plus, une programmation coordonnée des vols réduit les retards, les surcharges de trafic aérien et, par conséquent, permet une utilisation à plus grande échelle des procédures de moindre consommation. Enfin, les vols éliminés sont remplacés par des projets plus rentables. Supprimer cette règle ne réduirait pas les vols et entraînerait des situations chaotiques.

S’il apparaît opportun, lorsqu’une alternative existe, de limiter le nombre de vols entre deux destinations relativement proches l’une de l’autre, il faudra néanmoins rester nuancé et à l’écoute des besoins opérationnels du secteur pour les raisons énoncées précédemment.

 

Ma réplique :

Au début de la crise, les compagnies aériennes ont fait voler des avions vides. Les instances européennes ont suspendu cette mesure suite à l’indignation populaire. Je ne réclame pas sa suppression complète mais sa révision en l’adaptant aux crises. La dissonance entre votre réponse et celle de MmeMarghem me surprend.

 

Réponse écrite du Ministre Bellot :

Le règlement UE régissant l’attribution et le maintien des slots à un aéroport est assez complexe, j’en conviens. Je me permets de revenir sur les faits dénoncés dans la presse et de rappeler brièvement comment fonctionnent les règles en vigueur.

Nous avons pu lire dans la presse, il y a déjà quelques mois, que les compagnies aériennes effectuaient des vols « à vide » pour maintenir leurs droits historiques. Cette information est totalement erronée. Les compagnies aériennes volent avant tout avec des critères d’efficacité et de profitabilité. Il faut par ailleurs éviter de juger de l’opportunité pour une compagnie aérienne d’effectuer un vol sur la seule base du nombre de passagers présents à bord. D’une part, le cargo embarqué (particulièrement essentiel à la gestion de la crise actuelle) et, d’autre part, le vol retour de l’avion vers sa base, sont autant d’éléments pris en compte par la compagnie pour évaluer la profitabilité de la rotation.

Lors des grandes crises qui ont touché le secteur aérien, comme le volcan islandais Eyjafjallajökull en 2010, le SARS en 2011, les attaques terroristes de Bruxelles en 2016 et maintenant la crise du COVID-19, les autorités, avec un support unanime de l’industrie, ont suspendu la règle européenne du 80/20 pour la période de la crise. Cette décision contribuait directement à éviter tout effet pervers du système. A chaque fois, la suspension de cette règle a été demandée par le secteur afin de, justement, éviter que des compagnies soient tentées d’effectuer des vols à perte. Le secteur ne demande pas la remise en question de cette règle car, en temps normal, elle est utile et efficace.

La règle des 80/20 participe par ailleurs à éliminer du système les séries de vols qui, principalement à cause de leur manque de rentabilité, sont régulièrement annulés ou non opérés. Ceci contribue aussi à mieux utiliser les infrastructures nécessaires pour opérer des vols dans un meilleur environnement de sécurité, environnementalement et économiquement efficace :

  • meilleur environnement de sécurité car le mécanisme d’attribution des slots d’aéroport contribue à établir des prévisions de vols plus précises et de s’assurer que la capacité de l’aéroport ne sera pas dépassée ;

  • environnementalement efficace car une programmation des vols correctement coordonnée tend à réduire les retards et à éviter des surcharges de trafic aérien, permettant ainsi une utilisation à plus grande échelle des procédures de moindre consommation telles que les opérations de descente continue, ce qui a une incidence positive sur l’impact environnemental de ce secteur ;

  • économiquement efficace car le système des 80/20 est suivi avec précision sur tous les aéroports coordonnés et les séries de vols éliminées par ce système peuvent être remplacées par des projets économiques plus rentables.

Il serait erroné de croire que la suppression de la règle des 80/20 aurait un effet quelconque sur la quantité de vols effectués. Cela n’aurait aucun impact, mais amènerait au contraire des situations chaotiques sur les grosses plateformes aéroportuaires. Cette règle est en effet uniquement appliquée dans les aéroports de taille importante comme Bruxelles-National. Dans les aéroports de plus petite taille, cette règle n’est pas d’application.