Monsieur le ministre,

j’aimerais vous interroger sur la méthodologie adoptée par l’EFSA pour l’évaluation des risques liés aux pesticides pour les abeilles, et plus particulièrement sur la dernière réunion du comité SCoPAFF qui s’est tenue les 24 et 25 janvier 2019. Lors de celle-ci, la Commission a proposé aux gouvernements de l’UE deux choses principales.
Il s’agit, d’une part, de ne mettre en oeuvre qu’une petite partie des orientations de l’EFSA de 2013 dans l’ensemble des évaluations des risques de l’UE relatifs aux pesticides et, d’autre part, de charger l’EFSA de réexaminer ces recommandations.
Pour nous, cette proposition de la Commission supprime les exigences relatives à l’évaluation de la toxicité chronique et de la toxicité pour les larves d’abeilles. Elle supprime également les délais dans lesquels l’UE devrait évaluer tous les pesticides pour déterminer les risques potentiels pour les abeilles sauvages. Si cette proposition aboutissait, l’Union entraverait l’application du document d’orientation détaillé de l’EFSA sur les abeilles au lieu de la faire progresser. Cela bloquerait l’application des normes de pointe en matière de sécurité des abeilles pour les pesticides pour les années à venir.

Monsieur le ministre, quelle position le gouvernement belge a-t-il soutenue face une telle proposition de la Commission?

Pour plus de détails, pouvez-vous nous donner plus d’informations sur ces différents éléments?
  • Il s’agit d’abord du Règlement CE 283/2013 de la Commission qui oblige les fabricants à soumettre des tests de toxicité chronique et de toxicité pour les larves. Toutefois, dans le cadre des propositions actuelles, ces tests ne seront pas évalués conformément au document d’orientation 2013 de l’EFSA sur les abeilles. Est-il correct que l’UE ignore les données de sécurité pertinentes soumises par les fabricants ?
  • Ensuite, les évaluations de l’EFSA sur le risque pour les abeilles de trois néonicotinoïdes, publiées en 2016 et 2018, étaient toutes basées sur le document d’orientation de 2013 de l’EFSA sur les abeilles. Est-il correct que l’UE évalue certains pesticides, mais pas d’autres, selon la dernière méthodologie d’évaluation des risques ? Cela ne conduira-t-il pas à une situation dans laquelle l’Union européenne ouvrira la voie à l’approbation de la mise sur le marché de pesticides qui pourraient être tout aussi dangereux pour les abeilles ?
  • Enfin, comment votre gouvernement va-t-il gérer l’évaluation des produits formulés ? Utilisera-t-il le document d’orientation de l’EFSA sur les abeilles, indépendamment de la décision de l’Union européenne, ou bien utilisera-t-il des directives obsolètes de 2002-2010 ?

Denis Ducarme, ministre

L’EFSA Bee Guidance a pour objectif d’implémenter de nouvelles méthodologies pour mieux évaluer le risque des produits phytosanitaires pour les abeilles. Nous savons combien c’est important. Je soutiens ce document et je souhaite même aller plus loin, par exemple en évaluant la toxicité chronique et pas seulement la toxicité aiguë ou encore, en examinant la toxicité pour les bourdons mais aussi pour les autres espèces sauvages et pas uniquement pour les abeilles domestiques.

Je peux donc vous rassurer en affirmant que la Belgique est l’un des pays européens à avoir devancé le Comité. Dès 2017, dans le cadre du Plan abeilles, notre pays a en effet publié un document de guidance national qui implémente déjà le guide de l’EFSA. La Belgique a toujours défendu une adoption du document d’orientation de l’EFSA, bien que certains éléments, singulièrement les protocoles d’essai, ne soient pas encore disponibles. Cela explique le report de l’application dudit document.

En ce qui concerne la toxicité chronique et la toxicité pour les larves des abeilles, la Belgique a toujours insisté pour une application, sans délai, du document d’orientation. Il faut constater qu’un plan qui prévoit l’application, sans délai, du document d’orientation en ce qui concerne la toxicité chronique et la toxicité pour les larves des abeilles ne bénéficie pas aujourd’hui d’une majorité qualifiée nécessaire pour faire adopter ledit document. La Commission cherche depuis cinq ans une solution pour la mise en œuvre du document d’orientation. Elle a finalement proposé un plan d’implémentation du document d’orientation qui ne prévoit plus l’application, sans délai, des parties en rapport avec la toxicité chronique et la toxicité pour les larves des abeilles.

Je ne peux, au nom de la Belgique, que regretter cette situation, d’autant qu’elle applique déjà ce document. Mais finalement, la Commission a fait savoir qu’elle peut accepter, avec réticence – il faut le dire-, cette dernière version du plan d’implémentation.

Cette position se justifie donc par le fait qu’un plan, même peu ambitieux, est toujours préférable à la situation actuelle, soit un blocage complet. Il est cependant évident que, dans l’hypothèse où une majorité qualifiée se dégagerait, la Belgique soutiendrait la proposition de la Commission tout en continuant, madame Schlitz, à appliquer le document de l’EFSA. Depuis quelques années, l’EFSA se base systématiquement sur son document d’orientation pour l’ensemble des substances actives qu’elle évalue et ce, malgré le fait que ce document n’a pas encore été adopté par la Commission.

Les données que les producteurs de substances actives doivent soumettre en application du Règlement CE 283/2013 ne sont donc pas ignorées dans le processus d’évaluation de l’UE. Elles sont toutes évaluées par l’EFSA en appliquant la méthodologie d’évaluation du document d’orientation. Au niveau national, nous avons décidé d’appliquer les lignes directrices du document d’orientation de l’EFSA. Il est notamment stipulé clairement que toutes les études prévues par le Règlement 284/2013, qui sont les exigences en matière de données à soumettre pour les formulations, doivent être bien appliquées et que l’évaluation des études concernant la toxicité chronique et la toxicité pour les larves des abeilles doivent bien être réalisées en application du document d’orientation de l’EFSA.

Je pense que vous pouvez considérer combien nous voulons être à la pointe sur ces questions.

Ma réplique

Monsieur le ministre, je vous remercie pour ces réponses encourageantes en ce qui concerne la position de la Belgique. Il est regrettable qu’il y ait toujours des blocages au niveau européen, mais je ne doute pas que vous tenterez de convaincre vos homologues de l’importance de cette majorité qualifiée.

L’incident est clos.