Question orale posée à David Clarinval, ministre de l’Agriculture, le 18 novembre 2025. Le compte rendu complet de la Commission peut être lu ici.
Ma question :
Monsieur le Ministre,
Selon une mise à jour récente de la Liste rouge de l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN), entre 30 et 40 % des espèces d’abeilles sauvages en Belgique sont aujourd’hui menacées d’extinction, un taux anormalement grave qui place notre pays parmi les mauvais élèves, alors que la moyenne européenne atteint 9 %.
Cette situation s’explique par plusieurs facteurs, notamment la perte d’habitat, l’utilisation de pesticides et le changement climatique, qui affectent particulièrement notre pays en raison de sa densité agricole et de la fragmentation de ses espaces naturels.
Selon l’ONU, les abeilles pollinisent 71 des 100 espèces cultivées, fournissant 90% des denrées alimentaires mondiales. Leur déclin constitue donc une menace grave pour la biodiversité et pour les services écosystémiques essentiels, comme la pollinisation des cultures, indispensable à la sécurité alimentaire. En d’autre terme, c’est notre autonomie alimentaire qui est menacée.
Dans ce contexte, je souhaiterais savoir quelles mesures vous envisagez de mettre en œuvre pour :
- Réduire l’usage des pesticides nocifs pour ces pollinisateurs ;
- Soutenir les pratiques agricoles favorables à la biodiversité, afin d’inverser cette tendance inquiétante.
- Pourriez-vous préciser si des objectifs chiffrés à court et moyen terme ont été fixés pour assurer la sauvegarde des populations d’abeilles sauvages en Belgique, et, le cas échéant, comment leur atteinte sera suivie et évaluée ?
- Ce sujet sera-t-il abordé avec vos collègues des régions ?
D’avance, je vous remercie.
La réponse du ministre :
Madame Schlitz, l’Autorité fédérale agit depuis de nombreuses années en faveur des pollinisateurs à travers les plans fédéraux pour les pollinisateurs, s’inscrivant dans la stratégie nationale 2021-2030 et coordonnés avec les actions européennes et belges. Le plan fédéral de réduction des pesticides comprend plusieurs mesures visant à identifier, évaluer et gérer les risques des produits phytos pour les pollinisateurs. Je soutiens notamment l’utilisation d’un pictogramme abeille sur les étiquettes des produits phytos afin de sensibiliser les utilisateurs et encourager soit le choix d’alternatives, soit une application plus prudente.
Au niveau européen, l’Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA) et la Commission développent un document d’orientation sur l’évaluation des risques pour les abeilles, que la Belgique soutient pleinement. Certaines lignes directrices sont d’ailleurs déjà appliquées au niveau belge. Je tiens à rappeler que les applications pour lesquelles aucun risque acceptable ne peut être démontré ne sont pas autorisées et des mesures de réduction de risques peuvent être imposées, par exemple éviter l’usage pendant la floraison ou lorsque les abeilles butinent.
La mortalité des abeilles est multifactorielle et nécessite une approche intégrée. Une task force fédérale, pilotée par le SPF Santé en collaboration avec l’administration de l’Environnement, coordonne tous ces travaux. Le gouvernement finalise actuellement le troisième plan fédéral pour les pollinisateurs, incluant des mesures contre les frelons asiatiques.
Le groupe de travail fédéral sur les abeilles, réunissant apiculteurs, autorités et experts, organise régulièrement des concertations. L’AFSCA assure une surveillance annuelle de la mortalité des abeilles et partage ses résultats lors du groupe de travail. Depuis de nombreuses années, la principale cause de mortalité reste le parasite varroa, même si le frelon asiatique devient de plus en plus préoccupant.
L’agence publie chaque année des recommandations de lutte et intervient en cas de maladie à déclaration obligatoire.
Lors de la réunion du 28 octobre 2025, le groupe de travail a réaffirmé la nécessité de renforcer la sélection de reines résistantes au varroa et d’améliorer l’usage des méthodes biotechnologiques. Je soutiens également des projets de recherche visant à développer de nouvelles pistes de lutte contre le varroa.
Enfin, les pratiques agricoles, le suivi de la biodiversité et la sensibilisation des autorités locales relèvent des compétences régionales, tandis que les actions de sensibilisation fédérales pour les biodiversités et les pollinisateurs sont du ressort du ministre Crucke. Pour ce qui concerne vos questions, je vous invite donc à contacter les ministres compétents.
Ma réplique :
Monsieur le ministre, je vous remercie pour vos réponses.
Je ne manquerai pas d’également déposer une question à l’attention de votre collègue Crucke. Néanmoins, je pense que la question des pesticides est un levier sur lequel il est absolument nécessaire d’agir. Cela fait trop longtemps que la Belgique se positionne comme le mauvais élève de la classe européenne sur ce sujet, en multipliant les demandes de dérogation et en ne soutenant pas suffisamment les alternatives et les agriculteurs, les petits producteurs locaux qui, eux, se démènent avec des alternatives aux pesticides. Aujourd’hui, ce sont ces personnes-là qui doivent être encouragées et soutenues. On doit absolument se battre pour ne pas qu’elles mettent la clé sous le paillasson. Or on sait que c’est le cas pour nombre d’entre elles.
Aujourd’hui, on parle d’abeilles. On peut se dire que, les abeilles, c’est mignon. Mais ces insectes assurent notre sécurité alimentaire, autrement dit, la capacité des humains en Belgique à se nourrir et à disposer de nourriture produite localement. Et, pour vous qui aimez les exportations, c’est aussi un enjeu essentiel pour pouvoir continuer à produire et exporter. Poursuivre aujourd’hui cette tendance extrêmement inquiétante revient en fait à couler la capacité de nos agriculteurs, qu’ils soient à nourrir la population belge mais aussi à exporter à l’étranger. C’est donc à la fois un enjeu de capacité à se nourrir, mais également un enjeu économique. Monsieur le ministre, je vous encourage dès lors à agir au plus vite pour stopper cette tendance.

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