Question orale posée à David Clarinval, ministre de l’Emploi, le 10 décembre 2025. Le compte rendu complet de la Commission peut être lu ici.
Ma question :
Monsieur le Ministre,
Depuis le début des années 2000, les difficultés de recrutement occupent une place centrale dans les discours sur l’emploi. On incrimine surtout un manque de main-d’œuvre “adéquate”, et les réponses politiques se concentrent sur l’orientation scolaire, le matching, ou encore diverses formes de dérégulation du marché du travail. Or, le dernier rapport de l’IWEPS vient fortement nuancer cette lecture. L’étude suit sur cinq ans les parcours de 7.652 jeunes sortis de l’enseignement professionnel et technique en 2014, dont un peu plus d’un quart ont été formés dans une filière censée mener à un métier en pénurie ou à une fonction critique.
Et les résultats sont interpellants :
- le délai moyen d’accès au premier emploi reste d’environ un an, quelle que soit la filière ;
- les premiers emplois sont très largement précaires : beaucoup d’intérim, de temps partiel, de bas salaires ;
- 88 % des jeunes connaissent au moins un épisode de chômage dans les cinq premières années ;
- 5 ans après la sortie, seul un tiers travaille dans un secteur correspondant réellement à sa formation initiale ;
- et les inégalités de genre sont très marquées : les femmes issues de ces filières mettent plus de temps à s’insérer, connaissent plus de discontinuité et occupent des emplois de moindre qualité.
Par ailleurs, pour les métiers déclarés en pénurie en 2015, les offres publiées aujourd’hui montrent que plus de 80 % sont toujours des contrats d’intérim, et seulement 12 % des CDI.
Monsieur le Ministre, au vu de ces chiffres :
- Comment analysez-vous le fait que les filières menant à un métier en pénurie n’offrent, en pratique, ni une insertion plus rapide ni une insertion plus stable ?
- Dans quelle mesure les listes de métiers en pénurie sont-elles aujourd’hui évaluées à l’aune de la qualité réelle de l’emploi proposé ? Une révision de la méthode est-elle envisagée ? En avez vous discuté en CIM Emploi?
- Ensuite, que comptez-vous mettre en place pour réduire les écarts entre hommes et femmes, puisque l’étude montre qu’ils sont particulièrement pénalisés dans ces filières déjà présentées comme “en tension” ?
- Enfin, l’IWEPS introduit la notion d’“employeurabilité”, c’est-à-dire la capacité des entreprises à attirer, fidéliser et valoriser leur main-d’œuvre. Comptez-vous intégrer cette notion dans votre politique de lutte contre les pénuries ? Et quelles mesures envisagez-vous pour améliorer l’attractivité réelle et la stabilité de l’emploi dans ces secteurs ?
Je vous remercie.
La réponse du ministre :
Madame la députée, j’ai bien pris connaissance de l’étude de l’Institut wallon de l’évaluation, de la prospective et de la statistique (IWEPS), soit de l’autorité statistique de la région Wallonne sur les métiers en pénurie. Comme vous le savez, la question des métiers en pénurie relève de la compétence des régions. Les métiers en pénurie sont ainsi identifiés principalement par les services régionaux de l’emploi. Je ne peux donc pas me prononcer sur l’ensemble des questions qui ne relèvent pas de la compétence fédérale.
Toutefois, comme déjà indiqué, la politique de l’emploi n’a de sens que si elle s’inscrit dans une stratégie plus large; elle ne peut être pensée en silo. L’introduction de l’étude précitée le démontre bien, la difficulté de recruter de la main d’œuvre est au cœur des débats. Il y est notamment repris que la Commission européenne a indiqué que les pénuries de main d’œuvre et l’inadéquation de compétences persistent, la Belgique enregistrant l’un des taux de vacances d’emplois les plus élevés en 2024.
Ce n’est qu’en mobilisant l’ensemble des leviers disponibles que nous pourrons augmenter le taux d’emploi et contrer cette tendance. Nous avons déjà et nous allons continuer à œuvrer au sein de notre compétence pour améliorer l’activation des personnes aptes à travailler. Par ailleurs, en ce qui concerne la capacité des entreprises à attirer des talents, il est essentiel d’apporter de la flexibilité, recherchée également par les travailleurs sur le marché du travail, notamment en ce qui concerne leurs horaires de travail

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