Question orale posée à David Clarinval, ministre chargé de la tutelle de l’AFSCA, le 18 novembre 2025. Le compte rendu complet de la Commission peut être lu ici.

Ma question : 

Madame la présidente, ma question date également du mois de mai. Depuis lors, si je peux me permettre, pas mal d’eau a coulé sous les ponts.

Monsieur le ministre, le 20 mai dernier, une commission d’enquête du Sénat français a rendu un rapport accablant concernant les pratiques de Nestlé Waters dans la production et la commercialisation de certaines eaux minérales, en particulier la marque Perrier. Selon ce rapport, la multinationale aurait utilisé pendant plusieurs années des systèmes de traitement interdits, tels que la microfiltration à 0,2 micron et le rayonnement, pour masquer la présence de contaminants chimiques, dont des pesticides interdits, des nitrates et des PFAS.

La commission dénonce une dissimulation systématique de ces infractions par plusieurs échelons de l’État français jusqu’à l’Élysée. Des rapports de l’Agence régionale de santé ont été modifiés, sur demande explicite de Nestlé, pour ne relever qu’une référence aux contaminations. Le préfet du Gard, en lien avec le cabinet ministériel de la Santé, a lui-même été impliqué dans la manœuvre. Bref, je vous parle ici d’un scandale d’État.

Malgré ces révélations, aucune mesure de retrait ni de suspension de la commercialisation de l’eau Perrier n’a été prise à ce jour, y compris dans d’autres pays européens, dont la Belgique.

La législation belge, alignée sur les normes européennes, interdit les traitements chimiques ou par rayonnement pour les eaux minérales naturelles. Seuls certains traitements physiques, tels que l’élimination du fer ou du gaz, sont autorisés sous conditions strictes. L’AFSCA réalise des échantillonnages annuels pour détecter d’éventuels contaminants.

Monsieur le ministre, au vu de ce scandale des traitements illégaux à base de rayonnement et de microfiltration qui ont été utilisés en France, comment allez-vous nous assurer que ceux-ci n’ont pas été utilisés en Belgique?

L’AFSCA, le SPF Santé publique ou le SPF Économie ont-ils été informés, par les autorités françaises ou par la Commission européenne des résultats de cette enquête ou des mesures sanitaires prises en France? Sinon, avez-vous initié un contact officiel pour demander des explications ou des analyses complémentaires?

Enfin, Nestlé possède également une usine à Étalle, en province de Luxembourg, qui a fait l’objet d’une perquisition judiciaire en mars 2025. Pouvez-vous nous informer du motif précis de cette perquisition, de l’état de la procédure en cours et des suites que votre administration a données aux éléments éventuellement relevés à cette occasion?

La réponse du ministre :

La directive européenne relative à l’exploitation et à la mise dans le commerce des eaux minérales naturelles a été transposée en droit national par l’arrêté royal du 8 février 1989 concernant les eaux minérales naturelles et les eaux de source. Cette législation établit le principe général d’interdiction des traitements de ces deux types d’eau. Seul un nombre limité de traitements sont autorisés.

La cellule anti-fraude de l’AFSCA mène, en collaboration avec le SPF Économie, des contrôles ciblés auprès des producteurs belges d’eau minérale naturelle. Ces contrôles visent à examiner les méthodes de traitement appliquées à l’eau, notamment l’éventuel recours illégal à des systèmes de filtration. Les traitements tels que le filtrage sur charbon actif, le traitement avec le rayonnement UV ou l’usage de sulfate de fer sont strictement interdits.

La microfiltration est permise à condition qu’elle n’ait pas d’effet désinfectant sur la flore microbienne présente dans l’eau captée à l’émergence et/ou qu’elle ne la modifie pas de manière significative. La dénomination “eau minérale naturelle” ou encore “eau de source” est effectivement interdite si des traitements autres que ceux prévus dans la législation en vigueur sont appliqués. En cas d’infraction constatée officiellement, le SPF Santé publique peut retirer l’autorisation de commercialisation aux opérateurs belges incriminés.

La législation prévoit également que les eaux traitées illégalement sont déclarées nuisibles, ce qui implique qu’elles ne sont plus autorisées dans le commerce. Le fabricant doit en informer l’autorité chargée du contrôle officiel. Mes administrations n’ont pas été officiellement informées par les autorités françaises. Néanmoins, un contact a été établi via le système européen d’alerte rapide dès qu’une nouvelle réponse était mise à jour, selon les informations actuellement disponibles.

La fraude constatée en France ne constitue pas un risque pour la sécurité alimentaire. Il convient toutefois de rappeler que toute méthode de traitement altérant la composition originelle de l’eau minérale naturelle ou de l’eau de source est interdite, même si elle vise à renforcer la sécurité de l’eau. Bien évidemment, l’eau, même filtrée, reste toujours potable.

Le producteur belge concerné a bien été inspecté dans le cadre des contrôles susmentionnés. Une enquête judiciaire est en cours à l’encontre de cet opérateur.

Par conséquent, aucune information complémentaire ne peut être communiquée à ce stade, de façon à préserver l’intégrité de la procédure judiciaire.

Enfin, à la suite d’analyses scientifiques, le SPF Santé publique a rendu des conclusions négatives sur le principe de la filtration à 0,2 micromètres mis en place par Nestlé, qui considérait cela comme autorisé.

Dans un courrier daté du 21 mai 2024, le SPF a imposé au fabricant de retirer les filtres en question et de se mettre en conformité avec la législation. Dès le 21 mai 2024, ces filtres ont donc été retirés. Les résultats d’un contrôle mené par l’AFSCA en février 2025 montrent que Nestlé a pris les mesures nécessaires en retirant effectivement les filtres, et que les nouvelles actions – nettoyage et désinfection des drains – sont efficaces.

Ma réplique :

Merci pour ces réponses, monsieur le ministre. Nous analyserons tout cela au regard des législations actuelles.

Je m’étonne néanmoins du peu d’émoi suscité par ces infractions consenties de Nestlé. Nous connaissons tous les méthodes utilisées par ce type de multinationales, notamment dans les pays du Sud. Il s’agit aujourd’hui d’un scandale sanitaire ici et en France.

Je pense donc qu’aujourd’hui, un véritable rappel à la règle doit être fait vis-à-vis de ces multinationales et que les contrôles doivent être multipliés sur l’ensemble des entreprises qui seraient susceptibles d’effectuer le même type de traitements totalement illégaux et dangereux pour la santé de nos consommateurs. Je compte sur votre vigilance, monsieur le ministre.