Question orale posée à David Clarinval, ministre de l’Emploi, le 10 décembre 2025. Le compte rendu complet de la Commission peut être lu ici.

Ma question :

Monsieur le ministre, une étude récente de l’Institut pour l’égalité des femmes et des hommes (IEFH) met en lumière une réalité qui est inquiétante mais qui ne m’étonne absolument pas. Seule une femme d’origine non-européenne sur deux travaille en Belgique contre trois sur quatre chez les femmes dites d’origine belge. Ce constat place notre pays parmi les moins performants d’Europe en matière d’inclusion sur le marché du travail.

Plus de deux tiers de cet écart s’expliquent par des obstacles structurels et systémiques comme des barrières linguistiques, le fait que les formations en langue sont devenues payantes, trop rares ou organisées à des horaires incompatibles avec la vie familiale. La non-reconnaissance des diplômes étrangers constitue en outre un énorme frein à la valorisation des compétences dont nous avons pourtant besoin, mais cela relève des entités fédérées. Des procédures administratives kafkaïennes complexifient l’accès à l’emploi et aux dispositifs d’aide à l’emploi. Par ailleurs, un manque criant de solutions de garde d’enfants empêche de nombreuses femmes de suivre une formation ou d’accepter un emploi; cela ne s’arrangera évidemment pas avec les mesures qui viennent d’être prises en Fédération Wallonie-Bruxelles où de nouvelles économies seront réalisées dans le secteur de la petite enfance avec pour conséquence la fermeture de toute une série de structures d’accueil.

À cela s’ajoute un autre constat préoccupant, à savoir que 35 % des femmes d’origine non européenne sont surqualifiées pour le poste qu’elles occupent, notamment dans le secteur du nettoyage ou des aides ménagères. Cette double discrimination de genre et d’origine traduit un échec collectif de nos politiques d’inclusion sur le marché du travail.

Dans un contexte où on envisage de réformer en profondeur les règles d’accès et de maintien des allocations de chômage, il apparaît d’autant plus important de garantir à chaque chercheuse et chercheur d’emploi une réelle égalité des chances car on ne peut exiger l’emploi sans offrir l’accès.

Monsieur le ministre, quelles mesures concrètes allez-vous mettre en œuvre pour lever ces obstacles identifiés? Dans le cas de la réforme du chômage, quelles dispositions prévoyez-vous de mettre en œuvre pour faire en sorte que ces femmes aient réellement accès aux opportunités qu’elles méritent à la hauteur des diplômes qu’elles ont empochés en se formant et en travaillant pour les obtenir?

La réponse du ministre :

Madame la députée, le gouvernement a la volonté d’inscrire le plus grand nombre possible de personnes, femmes comme hommes, dans le cercle vertueux du travail. L’emploi apporte des revenus, un épanouissement personnel, une intégration sociale, mais il contribue aussi, via des cotisations sociales, à la solidité de notre sécurité sociale. L’accord de gouvernement fixe clairement l’ambition et la méthode. Pour rappel, l’activation vers l’emploi est une mesure centrale et il est essentiel que le travail reste toujours plus avantageux financièrement que l’inactivité. Mon exposé d’orientation politique et ma note de politique générale Emploi mettent l’accent sur un marché du travail inclusif et sur une meilleure adéquation entre les compétences et les besoins des entreprises.

S’agissant de votre question à propos de l’emploi des femmes d’origine non européenne, les données officielles confirment l’enjeu d’inclusion et d’accompagnement. Ces chiffres issus d’institutions reconnues objectivent la nécessité d’agir sur des obstacles structurels, sans stigmatisation et avec des solutions adaptées.

Premièrement, concernant l’analyse des écarts évoqués pour les femmes d’origine non européenne, les documents de référence soulignent les leviers structurels à activer: améliorer l’adéquation entre compétences et emplois, soutenir les transitions vers l’emploi et renforcer la coordination avec les régions et les partenaires sociaux. Ce sont ces actions concrètes qui permettent de réduire les inégalités, y compris celles qui touchent plus fortement certains publics féminins.

Deuxièmement, en ce qui concerne les mesures fédérales, notre trajectoire est double. La réforme du chômage transforme le système actuel en un système assurantiel avec un soutien initial revalorisé et une dégressivité plus marquée par la suite. Parallèlement, nous modernisons le marché du travail pour adapter les durées et formes du travail tout en préservant la protection des travailleurs.

Troisièmement, dans le cadre de la réforme du chômage, l’équilibre entre solidarité et responsabilité est essentiel. L’accord de gouvernement prévoit que l’activation soit organisée au plus près des réalités régionales et que les critères d’emploi, de disponibilité ou d’exemption s’inscrivent dans un cadre clair. Portés par les services régionaux, l’accompagnement et la formation constituent la passerelle centrale vers l’emploi.

Quatrièmement, pour lutter contre la surqualification et renforcer l’adéquation compétences/emploi, notre priorité est d’adapter davantage l’offre de formation aux besoins du marché et de promouvoir des trajectoires de réorientation vers des métiers en demande, en collaboration avec les services régionaux d’activation et de formation ainsi que les entreprises. C’est ainsi que l’on valorise pleinement les compétences, que l’on évite les déclassements et que l’on réussit les transitions.

Comme vous pouvez le constater, le cap de ce gouvernement est cohérent et profondément inclusif. Nous voulons faire du travail un moteur d’émancipation et soutenir les transitions grâce à la formation et à l’accompagnement.

La réforme du chômage s’ancre dans une logique d’activation juste coordonnée avec les régions. L’accord du gouvernement trace ce chemin et les statistiques officielles en montrent toute la pertinence. Notre action repose sur la responsabilité, la concertation et l’attention portée à chaque personne, afin que chacune et chacun puisse accéder durablement à l’emploi.

Ma réplique :

Monsieur le ministre, à toutes les questions que nous vous posons, vous répondez toujours par le même blabla. Nous connaissons bien vos slogans, « tant les femmes que les hommes », « plus avantageux de travailler que de ne pas travailler », « équilibre entre solidarité et responsabilité », mais où sont les mesures concrètes?

Les chiffres sont sur la table! Vous le saviez dès le premier jour de la mise en place de cette réforme: aujourd’hui, des publics sont éloignés du marché de l’emploi, non pas parce qu’ils s’en sont éloignés, mais parce que le marché de l’emploi ne les inclut pas! Et qu’avez-vous fait? Vous avez poursuivi votre réforme, sans proposer de mesures d’accompagnement ou de lutte contre les discriminations. La situation est la même pour les travailleurs âgés et les plus de 55 ans, qui vont se retrouver exclus du chômage, sans aucune mesure d’accompagnement et de lutte contre les discriminations de ces publics extrêmement discriminés. Mais vous n’en avez rien à faire!

Là, vous venez de me sortir tout un laïus mais vous ne prévoyez aucune mesure concrète, aucune solution, alors que les éléments sont là, les chiffres sont là, les données sont là, et qu’on sait quelles solutions il faut mettre en place, mais cela requiert un peu de courage politique. Il faut confronter les entreprises qui discriminent, il faut identifier ceux qui ne font pas le job. Il faut l’équivalence des diplômes, parce qu’aujourd’hui, ce sont des infirmières qui travaillent comme femmes de ménage, alors qu’on a besoin d’infirmières dans nos hôpitaux pour soigner les gens. Votre politique revient à cracher sur des possibilités pour la société, mais aussi à bousiller des compétences et des parcours pour ces personnes et pour la société tout entière.

Aujourd’hui, il faut que vous mettiez en place le deuxième volet de cette réforme, c’est-à-dire faire en sorte que personne ne soit oublié. Aujourd’hui, vous êtes en train d’abandonner des publics, et qu’allez-vous faire? Vous allez les contraindre à exercer des métiers pour lesquels ils sont surdiplômés, c’est cela que vous voulez faire! Nous connaissons l’envers de votre réforme, et nous allons continuer à la dénoncer.