Question orale posée à David Clarinval, ministre de l’Emploi, le 18 novembre 2025. Le compte rendu complet de la Commission peut être lu ici.

Ma question :

Monsieur le Ministre,

Cet été, vous répondiez à un travailleur ALE de Fléron – gardien de la paix depuis 24 ans – que les critères d’exemption à la limitation dans le temps des allocations étaient encore « en discussion » et que les emplois socialement utiles ne seraient pas assimilés à de l’inactivité.

Or, depuis, la loi-programme a été adoptée et ces critères sont désormais fixés. Et contrairement à ce que votre réponse laissait entendre, les travailleurs ALE n’apparaissent dans aucune des catégories exemptées.

Entre-temps, les Régions découvrent l’ampleur des impacts et doivent réagir dans l’urgence.

À Bruxelles, Actiris estime que 1.459 travailleurs ALE perdront l’accès au dispositif, dont 6 % dès janvier et 50 % en mars. Les communes alertent : fermetures possibles de cantines, manque d’encadrement aux abords des écoles, perturbations dans les services aux seniors.

En Wallonie, un texte est en préparation pour élargir l’accès au dispositif ALE afin de limiter les effets de votre réforme. À Bruxelles, une mesure similaire est envisagée, mais le calendrier législatif est extrêmement contraint.

Autrement dit, vos déclarations publiques ont laissé croire à des marges de protection pour ces personnes qui sont bien des travailleurs bénéficiant d’allocations de chômage, alors que la loi aujourd’hui oblige les pouvoirs locaux et les Régions à chercher dans la précipitation comment éviter l’effondrement de missions essentielles.

Dès lors, je vous pose les questions suivantes :

  • Confirmez-vous que les travailleurs ALE ne font et surtout ne feront pas partie des catégories exemptées de la limitation des allocations ?
  • Envisagez-vous une exemption spécifique pour les travailleurs ALE, compte tenu de leurs missions essentielles ?
  • Comment expliquez-vous l’écart entre vos propos de l’été et le contenu final de la loi ?
  • Les Régions ont-elles été associées à la définition des exemptions, alors qu’elles subissent directement les conséquences de la réforme ?
  • Confirmez-vous les chiffres d’Actiris (1.459 exclus potentiels, dont 50 % dès mars) ?
  • Quelles mesures envisagez-vous pour éviter que les communes ne soient contraintes de fermer des cantines ou de réduire la surveillance scolaire ?
  • Enfin, comment se fait-il que votre réforme ne prenne nullement en compte les personnes qui, tout en bénéficiant d’allocations de chômage, sont des travailleurs occupés dans des contrats précaires?

La réponse du ministre :

Permettez-moi tout d’abord de souligner une fois encore la contribution précieuse que les travailleurs ALE apportent à notre société. Les activités dans le cadre des ALE ne constituent toutefois pas un emploi régulier. Tel n’est d’ailleurs pas l’objectif du dispositif. Elles permettent à des demandeurs d’emploi éloignés du marché du travail de se réinsérer progressivement grâce à des tâches utiles et de renouer ainsi avec le marché du travail ordinaire. Parce qu’il ne s’agit pas d’un emploi régulier, les activités ALE peuvent être cumulées avec une allocation de chômage. Cela restera d’ailleurs possible après la réforme, mais dans les limites de la limitation dans le temps.

En vue de rétablir le principe assurantiel au sein des allocations de chômage, le lien entre les cotisations sociales et les droits sociaux, en l’occurrence le droit aux allocations de chômage, est renforcé. Comme cela a toujours été le cas, les activités exercées dans le cadre des ALE n’ouvrent aucun droit dans l’assurance chômage. Dans le cadre de la réforme, elles ne constituent pas non plus une exception à la limitation dans le temps des allocations de chômage introduite par la réforme.

Parmi les chômeurs dont le droit aux allocations sera limité dans le temps, à partir de janvier 2026, 2 132 exercent des activités dans le cadre des ALE, y compris les gardiens de la paix.

Le système des ALE est, à la suite de la sixième réforme de l’État, devenu une compétence régionalisée. Ce sont donc les législateurs des entités fédérées qui sont désormais compétents en la matière. Toutes les entités fédérées n’ont pas encore adapté leur législation depuis la sixième réforme de l’État.

La question a effectivement été abordée lors des discussions avec les responsables politiques régionaux, y compris dans le cadre des Conférences interministérielles. À ma connaissance, des initiatives sont en cours de préparation au niveau régional concernant la matière des ALE. Je vous renvoie donc, pour plus de précisions et davantage d’informations, vers les collègues régionaux compétents.

Ma réplique :

Merci, monsieur le ministre, pour vos réponses.

Je pense que dans ce dossier, l’hypocrisie est totale, parce qu’on a laissé des personnes travailler, parfois pendant des années, parfois pendant des dizaines d’années dans des contrats qui en effet étaient précaires et bancals, mais elles étaient là pour s’occuper des gamins pendant les temps de midi, pendant les cantines, durant les garderies. Aujourd’hui leur dire « vous êtes des chômeurs de longue durée et vous allez aller au CPAS », c’est une insulte totale au service qu’elles ont rendu pendant des années à la collectivité.

Aujourd’hui, ces missions vont simplement disparaître, parce que les communes n’ont évidemment pas les moyens de transformer ces contrats ALE en de véritables CDI financés sur fonds propres. C’est d’autant plus vrai au vu de ce que va leur coûter la réforme du chômage que vous avez vous-même lancée. C’est encore plus vrai en raison d’autres charges qui sont en train de retomber sur les communes à cause des réformes lancées au niveau des régions et de la fédération Wallonie-Bruxelles. Aujourd’hui, ce que je constate, c’est que ce sont systématiquement ceux et celles qui prennent soin des autres et qui effectuent des missions communautaires dans l’ombre qui sont pénalisés par des réformes. C’est complètement injuste.