Ce mercredi 17 avril 2024, j’ai eu l’occasion de poser une question en Commission de la Justice, au Ministre de la Justice Paul Van Tigchelt sur la problématique de la divulgation de l’adresse des victimes de violences de genre à leurs agresseurs.

Sarah Schlitz – Monsieur le ministre, comme vous le savez, le Plan national d’action 2021-2025 prévoit en sa mesure 58 d’analyser les procédures permettant de préserver la confidentialité des lieux d’accueil à adresse secrète pour les victimes de violences de genre. Par ailleurs, la circulaire COL 03/2023 dispose que, s’il apparaît que l’adresse ou d’autres données de contact (téléphone, adresse électronique) de la victime sont inconnues du suspect et qu’elles n’apparaissent pas déjà dans des procès-verbaux antérieurs, il soit fait usage de la possibilité de les tenir confidentielles, c’est-à-dire d’enregistrer la victime dans le procès-verbal sans mention de son adresse de résidence ou de ses données de contact, mais avec celle de son registre national. Son adresse et/ou ses données de contact seront conservées, par ailleurs, par le service de police et tenues à disposition du magistrat du parquet et du service d’accueil des 14 victimes. Elle précise que, dans cette hypothèse, il conviendra d’être attentif à ce que cette adresse ne figure pas sur d’autres documents qui seraient ensuite joints au dossier (certificat médical, rapports d’expertise, etc.). Or les retours de terrain montrent malheureusement que, malgré cette avancée, des victimes sont encore mises en danger par la divulgation de leur adresse à leur agresseur. Monsieur le ministre, pourriez-vous m’informer de la manière dont ce passage de la COL est exécuté? Une formation ou information spécifique a-t-elle été mise en place? Disposez-vous de chiffres relatifs à l’usage de cette possibilité?

La réponse du Ministre de la Justice Paul Van Tigchelt – En vertu de l’article 780 du Code judiciaire et de l’article 195 du Code d’instruction criminelle, la loi – je pense que c’est important – prévoit l’obligation de mentionner les coordonnées sur les citations à comparaître et le jugement, en ce compris le nom, le prénom et le lieu de résidence afin d’identifier correctement et sans ambiguïté les parties. Une simple suppression technique n’est donc pas possible dans ce cadre. En outre, une suppression sur ces documents ne serait que superficielle, étant donné que ces données peuvent également être trouvées dans le dossier lui-même, notamment via les procès-verbaux établis par la police et les rapports d’expertise que les parties concernées peuvent consulter. Il est vrai que plusieurs circulaires demandent déjà à la police d’accorder l’attention nécessaire à la confidentialité du domicile et des coordonnées de la victime, tout particulièrement dans des cas de harcèlement et de violence intrafamiliale. Au cours de la formation des policiers, l’accent est à juste titre mis sur cette confidentialité, ce qui ne peut malheureusement pas être garanti à 100 %, car en fin de compte, il revient au policier d’effacer manuellement les données de résidence et d’adresse transmises automatiquement via le registre national dans le procès-verbal et les entretiens pour les remplacer par une adresse de référence spécifiée, comme celle, par exemple, de l’avocat. Je comprends votre question. Dans la lutte contre la violence intrafamiliale, je sensibiliserai à nouveau le Collège du ministère public et le Collège des cours et tribunaux ainsi que les services de police, via ma collègue de l’Intérieur afin qu’une attention particulière soit accordée aux données des victimes dont l’intégrité physique est compromise. Il est exact, chère collègue, que la COL 03/2023, que vous connaissez bien, relative au déploiement à l’échelle nationale de l’alarme mobile antiharcèlement, parle de l’anonymisation des données de la victime. C’est essentiel pour la sécurité des victimes de harcèlement à ce moment. À cette fin, plusieurs formations sont organisées dans chaque zone de police, conjointement avec les centres d’information et les juristes du parquet. Au cours de cette formation, ce point est donc expliqué. L’Institut pour l’Égalité des femmes et des hommes organisera également de nouvelles formations cette année afin d’informer davantage de personnes quant au fonctionnement de l’alarme mobile anti-harcèlement et à propos de la circulaire. J’espère avoir répondu à vos questions.

Ma réplique – Monsieur le ministre, je vous remercie de cette réponse complète. De même, je vous remercie de vous engager à ouvrir des cycles de formation du personnel pour les sensibiliser. Cela dit, ce qui se passe est tout à fait désespérant. Le gouvernement a beau travailler depuis cinq ans en vue de faire reculer les violences intrafamiliales et les féminicides, notamment à travers la généralisation du principe de revisite, le déploiement de l’alarme antirapprochement sur tout le territoire, la loi #Stopféminicide qui permet de prendre des mesures de protection et d’accueil des victimes dans les commissariats pour qu’elles y soient informées et protégées adéquatement, nous devons constater, malgré tout, que de telles situations continuent de se produire. C’est d’autant plus désespérant quand des femmes viennent vers moi pour me dire que ce n’est pas possible, puisque nous leur avions promis une protection et que, néanmoins, leur agresseur dispose de leur adresse, si bien qu’elles doivent de nouveau déménager et rompre le lien social avec les voisins et l’école des enfants, parce qu’elles continuent d’être persécutées par leur harceleur qui continue de mettre leur vie en danger. C’est pourquoi je me dis qu’au-delà des formations, il faut rendre obligatoire cette invisibilisation quand l’évaluation des risques établit que la victimes est bel et bien confrontée à un danger imminent. Bien entendu, des mesures complémentaires peuvent être prises, à travers le suivi de l’auteur pour qu’il arrête d’agresser et de harceler son ex-compagne. Ce sont évidemment des mesures que nous pouvons et devons mettre en œuvre dans les prochaines années. Je vous remercie pour votre réponse volontariste, et j’espère que l’on pourra mieux protéger toutes les femmes qui aujourd’hui pensent pouvoir être protégées et ne le sont malheureusement pas suffisamment.