Cette question a été adressée au Ministre de l’Emploi, David Clarinval, lors de la commission Affaires sociales du 8 avril 2025. Le compte rendu complet est disponible ici.
Précision importante : après vérification, il s’avère que les propos tenus par le Ministre sur les prétendus dérapages sont faux. En effet, la trajectoire budgétaire était connue dès le départ : la Vivaldi avait chiffré l’ambition de la réforme avec une enveloppe complémentaire de 75 millions structurels. Le chiffre de 11 millions avancé par le ministre est incorrect, il ne correspond pas aux décisions politiques passées auxquelles il a lui même participé. Il s’agit d’un faux procès budgétaire visant à décrédibiliser une réforme pourtant assumée collectivement, et donc par le Ministre lui-même, sous la Vivaldi.
Par ailleurs, concernant ceci :
Le ministre a déclaré ne pas vouloir anticiper la discussion au sein du gouvernement, mais a souligné que le maintien du système actuel pour les artistes « pourrait conduire à une inégalité de traitement des différentes catégories de salariés, qui ne peut pas être expliquée. »
L’avis du Conseil d’Etat rendu au moment de la réforme est très clair concernant ce point. Il considère que les justifications dans les exposés des motifs étaient suffisantes pour qu’on ne puisse pas parler de discrimination.
Ma question :
Le régime du statut de l’artiste, auquel vous avez contribué lors de la réforme de 2022, est menacé: la limitation des allocations de chômage à deux ans aurait des effets dévastateurs sur les personnes sous ce statut, en leur imposant une logique administrative fondée sur des critères incompatibles avec les réalités du secteur culturel. Cette remise en cause repose sur un exposé budgétaire biaisé, qualifiant d’ »explosion » une augmentation pourtant attendue et budgétée, y compris par le MR. Ce que vous appelez « explosion des chiffres », c’est l’extension du droit à des personnes tels que les techniciens, soutiens, jeunes, femmes, précaires, voulue par la réforme du statut.
Garantirez-vous que les personnes sous statut d’artiste ne seront pas affectées par la limitation des allocations de chômage à deux ans? Quelle forme prendrait votre idée de créer un statut de travailleur des arts en dehors de la sécurité sociale? Quel budget financerait ce statut? Confirmez-vous votre intention, à terme, de mettre fin au soutien public à la culture et aux arts?
Réponse du Ministre de l’Emploi David Clarinval
Le système mis en place depuis octobre 2022 est devenu pleinement opérationnel en 2024, avec la création de la Commission du travail des arts. Pour être admis au bénéfice des allocations, le travailleur des arts doit disposer d’une attestation délivrée par la Commission du travail des arts et satisfaire à une condition d’admissibilité de seulement 156 jours de travail durant une période de référence prolongeable de 24 mois.
Le bénéfice des règles spécifiques est accordé pour une période de maximum 36 mois, prolongeable indéfiniment par la suite, pour autant que le travailleur des arts soit toujours en possession d’une attestation et prouve au moins 78 jours de travail. Le montant de l’allocation correspond à 60 % du salaire brut moyen, plafonné à 3 199 euros sur une base mensuelle, perçu pendant la période de référence. Les chiffres de l’ONEM démontrent que la souplesse des conditions d’admissibilité, le grand nombre d’attestations délivrées par la Commission du travail des arts et les avantages qu’implique le régime conduisent à une augmentation exponentielle du nombre de travailleurs des arts au sein de la population des chômeurs complets.
À cause de la souplesse des conditions d’admissibilité, le nombre de travailleurs des arts au sein des chômeurs complets a augmenté de façon exponentielle, passant de 5 038 en 2022 (coût: 5 millions d’euros/mois) à 8 560 en 2024 (pour 11 millions/par mois en moyenne). C’est donc un coût supplémentaire de plus de 60 millions d’euros par an, nettement supérieur au budget prévu en 2024, qui était de seulement 11,4 millions. Près de la moitié des chômeurs complets bénéficiant d’allocations du travail des arts, soit 3 989 pour 2024, sont au chômage complet depuis cinq ans ou plus, et leur durée moyenne d’occupation n’est que d’environ 65 jours par an.
Selon l’administration, le maintien du régime très divergent des allocations du travail des arts conduirait à un traitement disproportionné et injustifiable entre travailleurs des arts et chômeurs complets, à la fois quant à l’admissibilité aux droits, aux allocations, à la limitation du droit dans le temps et au montant des allocations.
Je défends des réformes justes et équilibrées. Nous travaillons donc à une réforme ambitieuse des allocations de chômage. Le gouvernement se positionnera bientôt.
Ma réplique
Vous m’avez fourni beaucoup d’informations non demandées mais peu de réponses au sort réservé aux travailleurs des arts. Vous ne confirmez pas une limitation du chômage dans le temps, mais vous utilisez le terme « juste » en évoquant souvent un nivellement par le bas.
L’augmentation exponentielle résulte de la mise en place de ce statut. L' »explosion », ce ne sont que les effets d’une réforme assurant des moyens d’existence digne à des artistes et tenant compte des spécificités du secteur, tels que des revenus intermittents, des périodes de création, etc. Dire aujourd’hui que cela coûte trop cher n’est pas une réponse. Il faut assurer des budgets pour ces personnes.
Vous dites que certaines ne travaillent que 65 jours par an. Mais se produire au théâtre 65 fois par an, en tenant compte de la création, des répétitions, etc., c’est énorme! On ne peut traiter ces gens comme des profiteurs.
Tout cela nous inquiète. J’entends parler de réformes en discussion. Je me demande aussi quels seront les droits à la pension pour tous. Enfin, j’espère qu’il n’y a pas un plan caché pour museler les voix contestataires.