Question parlementaire sur le plan grand froid à la ministre Van Bossuyt. Lien vers le compte rendu complet de la commission.
Ma question :
Madame la ministre, dans une lettre ouverte, le Réseau belge de lutte contre la pauvreté interpelle sur les conséquences possibles de la fin du financement fédéral du plan Grand Froid. À l’approche de l’hiver, les acteurs de terrain sont déjà très inquiets quant à la capacité d’accueil.
Selon le réseau, le nombre de personnes sans abri est beaucoup plus élevé que prévu en Flandre et en Wallonie, et en très forte croissance à Bruxelles. Face à ce constat, les signataires de la lettre ouverte appellent à un réexamen de la décision de mettre fin au financement annuel du plan Grand Froid par le gouvernement fédéral.
Les organisations à l’origine de l’appel demandent également qu’une consultation urgente soit organisée dans le cadre de la Conférence interministérielle de l’Intégration sociale et de l’Économie sociale (CIM) afin d’aboutir à « des solutions structurelles à court et à long terme ».
Madame la ministre, pouvez-vous m’indiquer combien de personnes sont sans abris aujourd’hui, région par région? Avez-vous évalué l’impact des mesures de votre gouvernement sur l’augmentation du sans-abrisme? Avez-vous mis ce sujet à l’ordre du jour de la CIM? Quand s’est-elle réunie? Quelles décisions ont été prises afin de coordonner efficacement la lutte contre le « sanschezsoirisme »? Vos collègues des Engagés ont exprimé leur indignation face à cette suppression. Ont-ils été en mesure de bloquer votre initiative? Quelles actions ont-ils entreprises pour y parvenir?
La réponse de la ministre :
Mesdames Meunier, Pirson et Schlitz, je vous remercie. Comme vous l’avez souligné dans vos questions, l’accueil des sans-abris relève avant tout de la compétence des pouvoirs locaux. Par le passé, un soutien fédéral a été débloqué pour les grandes villes à titre strictement supplétif.
En réponse à vos questions, au total, nous mettons fin aux subsides pour l’accueil hivernal dans cinq villes. Il s’agit de Liège, Charleroi, Bruxelles, Anvers et Gand, soit 65 000 euros par ville. Je considère évidemment que l’accueil hivernal est très précieux, mais l’accueil des sans-abris n’est pas une compétence fédérale. Depuis des années, des instances indépendantes, telles que le SPF BOSA et l’Inspection des Finances, soulignent qu’il n’est pas admissible que nous continuions à payer au niveau fédéral pour des compétences régionales ou locales.
Ce gouvernement fédéral a très clairement convenu dans l’accord de gouvernement que nous ne paierons plus pour des matières qui ne relèvent pas de la compétence fédérale. C’est notamment de cette manière que le gouffre de la dette est devenu si profond. Pour chaque problème, des subsides étaient accordés. Nous y mettons un terme.
Il est assez cynique que les partis qui nous ont conduit à ces difficultés crient aujourd’hui depuis les tribunes que cette politique est dure, alors que ce sont précisément eux qui ont détruit tout le système. Bien trop longtemps, on a omis de rétablir l’ordre. On a toujours demandé à quelqu’un d’autre de payer l’addition. Mais cela ne constitue pas une politique durable.
J’ai entre-temps appris qu’Anvers tout comme le ministre-président wallon reconnaissent la répartition des compétences et assumeront leurs responsabilités en prévoyant eux-mêmes le montant de 65 000 euros. Chacun doit jouer son rôle dans cette problématique très complexe du sans-abrisme.
J’ai bien reçu, le lundi 29 septembre, la lettre du Réseau Belge de Lutte contre la Pauvreté. Comme je viens de le dire, je reconnais que l’accueil hivernal est particulièrement précieux, mais l’accueil des personnes sans abri ne relève pas des compétences fédérales.
Dans le cadre de la Conférence interministérielle Politique des grandes villes, Intégration sociale et Lutte contre la pauvreté, une première réunion s’est tenue fin juin, au cours de laquelle une concertation a eu lieu avec mes collègues ministres des Régions et Communautés afin de délimiter les domaines d’action de chaque partie. Le 1er octobre, voici deux semaines, s’est tenue la première réunion d’un groupe de travail sur le sans-abrisme. Nous y discuterons de la manière de mieux coordonner les efforts et de parvenir à une politique cohérente en matière de sans-abrisme dans le respect des compétences de chacun.
En ce qui concerne l’accueil hivernal dans la Région de Bruxelles-Capitale, bien que l’Inspection des finances évoque également ici un dépassement de compétences, nous comprenons évidemment la situation difficile dans laquelle se trouve la ville de Bruxelles. Je comprends que la suppression simultanée du soutien financier à la ville et à la Région aurait un impact important.
Dans son avis, l’Inspection des finances a laissé la possibilité de prolonger le soutien pour la Région Bruxelles-Capitale d’une année supplémentaire. Je cite l’avis de l’Inspection des finances: « (…) éventuellement permettre, à titre de mesure transitoire et afin de pouvoir communiquer préalablement, un dernier accueil hivernal en 2025-2026.
Ma réplique :
Madame la ministre, je vous remercie de vos réponses. Je n’en attendais pas plus de votre part, puisque nous avons déjà eu cette discussion. Au demeurant, je savais bien que le courrier envoyé par les associations qui tentent de vous alerter au sujet des graves difficultés auxquelles vont se heurter plusieurs personnes cet hiver n’allait pas vous faire bouger d’un iota. Bref, cela ne me surprend pas. Cela dit, je me demande parfois comment cela se passe dans votre cabinet. Un de vos collaborateurs est-il chargé d’identifier dans quelles politiques sociales il faut couper? Je suppose qu’il y a des points bonus quand cela peut toucher davantage les francophones ou des villes de gauche. Est-ce ainsi que cela fonctionne, madame la ministre? À la fin du mois, consulte-t-on un petit tableau pour voir qui a réussi à couper le plus pour emmerder les bourgmestres « rouges » en Wallonie?
Blague à part, ce que vous êtes en train d’accomplir est absolument catastrophique. Vous vous dissimulez derrière des arguments invoquant des compétences usurpées. Or, en réalité, votre gouvernement est en train de refourguer ses problèmes aux autres en excluant 180 000 personnes du chômage, en faisant la chasse aux malades, en réduisant le montant des pensions à tel point que certains vieilliront dans une précarité extrême avec une pension moyenne de 1 072 euros par mois. Que voulez-vous faire avec cela? En parallèle, ce sont les grandes villes qui vont trinquer, ce sont les CPAS qui vont devoir assumer certaines missions à votre place en accompagnant des personnes qui ont été exclues d’un système dont elles avaient le droit de bénéficier. Or vous n’assumez pas vos responsabilités. Les CPAS sont en train de licencier à cause des coupes que vous avez décidé d’opérer. Une de mes amies, Barbara, travaille dans un CPAS. Après 10 ans de travail, elle a été licenciée à quelques mois de l’exclusion des chômeurs. Les CPAS ne sont pas prêts à accueillir toutes ces personnes. Par conséquent, nous allons au-devant de très grandes difficultés, madame la ministre.