Question adressée au Premier Ministre Bart De Wever lors de la séance plénière du 13/03, renvoyée à la Ministre de la politique scientifique Matz. Retrouvez le compte rendu intégral de la plénière ici.
Égalité, diversité, inclusion, antiracisme, handicap, justice sociale, santé mentale, climat, crise climatique, pollution. Alors non, chers collègues, ce n’est pas la liste de mes mots préférés. Enfin, ça pourrait. C’est une partie de la longue liste qui est désormais interdite au sein de l’administration américaine sous Trump.
Kate Calvin, climatologue en chef à la NASA, a été virée ce lundi. Son département ainsi que deux autres ont été tout simplement démantelés. Le travail essentiel sur l’observation de la planète est mis sur pause. Et ce ne sont pas des cas isolés. Des chercheurs témoignent avoir eu une heure, montre en main, pour ramasser leurs affaires dans leur bureau et sauvegarder leurs recherches. Des bases de données entières sont supprimées, des recherches sur le climat et le genre effacées.
En fait, tout ce qui n’intéresse pas Trump, tout ce qui va à l’encontre de ses idées et de ses projets est censuré. La science n’est plus une vérité. C’est une opinion. Il refuse d’entendre les vérités qui dérangent et d’écouter ceux qui ne sont pas d’accord avec lui. Cela a un impact, déjà aujourd’hui, sur la liberté académique et sur la coopération scientifique internationale. Une équipe de l’UCLouvain voit une de ses recherches stoppée, sur laquelle elle collaborait avec des chercheurs américains, sur le lien entre la pollution et les animaux marins. Arnaud Ruyssen le résumait assez bien sur La Première: pour l’Administration Trump, il s’agit de casser le thermomètre pour qu’il arrête de montrer la fièvre.
Madame la ministre, face à cette crise, qu’allez-vous faire pour que la Belgique soit une terre d’accueil pour tous ces chercheurs, tous ces cerveaux et pour que leurs recherches ne soient pas menacées? Quelles mesures le SPF Politique scientifique peut-il mettre en place pour intégrer au sein de nos universités et centres de recherche?
Réponse de Vanessa Matz, ministre:
Madame la députée, je vous remercie car votre question me permet d’aborder un thème qui m’est cher et qui le sera tout au long de la législature.
Nous assistons aujourd’hui à un phénomène grave aux États-Unis. Chaque jour l’administration remet en cause les principes fondamentaux qui régissent nos démocraties. Elle s’attaque frontalement à la production de savoirs scientifiques, allant jusqu’à entraver la diffusion de recherches dont les conclusions ne cadrent pas avec son agenda politique. Depuis plusieurs semaines maintenant, nous observons des signaux alarmants: des publications scientifiques suspendues ou censurées, des chercheurs licenciés, des études reléguées aux oubliettes sous prétexte de lutte contre le wokisme et une pression accrue exercée sur les institutions académiques. Ces dérives, que l’on pourrait croire appartenir à une autre époque, sont aujourd’hui une réalité dans la première puissance scientifique et économique mondiale. L’histoire nous a montré que lorsqu’on s’attaque à la science, c’est la démocratie elle-même qui vacille.
Cette situation m’alarme. Je tiens à le dire avec force, je me dresserai contre toutes les formes d’obscurantisme, quelles qu’elles soient et d’où qu’elles viennent. La Belgique a fait un choix clair, celui de bâtir une économie de la connaissance, où la science et l’innovation jouent un rôle central. La recherche est un levier stratégique pour répondre aux défis actuels et futurs: changement climatique, pandémies, transition énergétique, égalité des genres ou encore intelligence artificielle. Bien entendu, notre pays se tient prêt et est disposé à accueillir les chercheurs américains qui voudraient éviter la censure.
Je suis extrêmement sensible à la question et compte porter le point à l’agenda du Conseil européen pour me concerter avec mes collègues afin de coordonner l’opportunité belge d’accueillir des chercheurs américains dans nos universités et centres de recherche. Je suis par ailleurs de très près les différentes initiatives et développements européens à ce sujet. Des projets de synergies et de développement des capacités et talents peuvent en outre être examinés dans le cadre de programmes de recherche (…)
Réponse de Sarah Schlitz (Ecolo-Groen):
Madame la ministre,
En tant que Ministre, vous ne pouvez pas simplement pleurer aux côtés de ces chercheurs et de ces scientifiques; vous devez agir. Et ne vous cachez pas derrière l’Union européenne! La Belgique dispose déjà de leviers pour agir. Je ne vous ai pas entendue parler de tentatives de concertations avec votre collègue de la Migration, mais j’espère qu’elles auront lieu, par exemple, pour délivrer des visas. Ce sont des choses que je n’ai pas entendues.
En fait, je vais vous dire une chose: j’ai peur. J’ai vu ici, en Belgique, des personnalités politiques copier les stratégies de Trump sur le wokisme. Et voyez où cela nous mène aujourd’hui: dans votre accord de majorité, on réduit les budgets pour les politiques scientifiques; de même, on réduit d’un quart les budgets pour Unia et on diminue les budgets pour la Coopération au développement. Quelle sera la prochaine étape? Interdire des mots dans l’administration?