Question orale posée à David Clarinval, ministre de l’Emploi, le 18 novembre 2025. Le compte rendu complet de la Commission peut être lu ici.
Ma question :
Monsieur le ministre, l’accord de gouvernement prévoit que d’ici au 1er janvier 2027, les partenaires sociaux devront réduire le nombre de commissions paritaires, dans un objectif affiché de modernisation de la concertation sociale.
À ce stade, ce sont les interlocuteurs sociaux qui ont la main, mais sur le terrain, les inquiétudes sont fortes. Dans le secteur du commerce par exemple, les organisations syndicales rappellent que la question des commissions paritaires n’est pas qu’un enjeu technique ou administratif. L’affaire Delhaize a montré combien il était aisé pour une entreprise bénéficiaire de recourir à la franchisation pour changer de commission paritaire et contourner des droits acquis.
Depuis lors, c’est l’ensemble des conditions de travail qui s’est fragilisé: plus de flexibilité imposée, plus de précarité, extension du travail dominical, etc. Aujourd’hui encore, le SETCa souligne que des groupes spécialisés dans les montages juridiques de la franchise utilisent ces failles pour accentuer le dumping social.
Il est donc nécessaire qu’un véritable débat s’ouvre au sein des secteurs afin que la simplification annoncée ne se traduise pas par un nivellement par le bas, mais au contraire par une clarification et un renforcement des protections collectives de tous les travailleurs et de toutes les travailleuses.
Dans ce contexte, mes questions sont les suivantes. Premièrement, quel est l’état des lieux des discussions entre partenaires sociaux sur ce chantier?
Deuxièmement, quelles balises le gouvernement entend-il poser pour garantir que la réforme n’aboutisse pas à une simplification au seul avantage des employeurs, mais bien à une sécurisation accrue des droits des travailleurs et des travailleuses?
Troisièmement, comment vous assurerez-vous que la réduction du nombre de commissions paritaires ne soit pas instrumentalisée par certains pour contourner les normes stratégiques et le droit du dumping social, comme on l’a vu dans le dossier Delhaize?
La réponse du ministre :
Avec la mise en œuvre de l’accord de gouvernement, j’ai demandé au CNT (NAR), où les partenaires sociaux sont réunis, de prendre les initiatives nécessaires pour préparer la réduction du nombre de commissions paritaires et de me transmettre tous les quatre mois un rapport des travaux. Une première réunion a eu lieu le 15 octobre et la suivante est prévue fin novembre.
La question des différentes commissions paritaires dans le commerce de détail, avec des conditions de travail distinctes, est restée particulièrement importante dans le contexte de l’affaire Delhaize et des récents appels médiatiques à une réaction plus forte. Il s’agit principalement des différentes commissions : la CP 201 (commerce de détail indépendant), la CP 202 (commerce alimentaire), la CP 202.01 (entreprises alimentaires moyennes), la CP 311 (grandes chaînes de magasins) et la CP 312 (grands magasins). Selon l’activité principale, la taille et le nombre d’implantations, une entreprise relève de l’une ou l’autre commission paritaire.
Bien que les négociations sectorielles soient coordonnées depuis un certain temps, un certain nombre de différences traditionnelles subsistent. Dans les différentes commissions paritaires, employeurs et syndicats ont conclu des conventions collectives déterminant les conditions de travail et les salaires en fonction des besoins et réalités propres à chaque secteur. Étant donné ces différences de contexte et de réalités sociales, cela conduit à des résultats variés sur le terrain.
Même si un lien peut être établi avec l’exercice général coordonné, la discussion en cours dans le secteur de la distribution doit selon moi être examinée séparément. Mon prédécesseur a déjà invité les partenaires sociaux du secteur à venir avec une proposition concrète.
Dans notre accord de gouvernement fédéral et dans la déclaration de politique générale, l’accent est également mis sur l’harmonisation de la protection sociale et des droits entre les différentes commissions paritaires afin de garantir la faisabilité du débat, indépendamment du travail mené au CNT. L’année dernière, au moment auquel vous faites référence, lors de la suspension, j’ai exprimé l’espoir que les partenaires sociaux se réuniraient rapidement à nouveau autour de la table.
En ce qui concerne un certain nombre de questions spécifiques que vous avez soulevées, tout d’abord, les flexi-jobs : cela n’a rien à voir dans le cadre de ce chantier concernant les paritaires.
Affirmer que les flexi-jobs viennent remplacer les notions de durée hebdomadaire n’est pas correct selon moi. Le système permet en effet d’engager des travailleurs qui pourraient ne pas entrer parfaitement dans un horaire de travail habituel et permet une organisation plus flexible. Il peut également être utilisé structurellement pendant les pics d’activité ou temporairement en prenant le relais durant les weekends.
En ce qui concerne le dumping social, j’ai rappelé le cadre et les conditions de concurrence, actualisées dans le contexte européen et les nouvelles règles en la matière. Les fraudes sont traitées à travers différents canaux, échanges et analyses qui permettent d’identifier les pratiques frauduleuses. Je reste donc ouvert à la discussion, car les discussions au sein du secteur permettront de trouver les solutions les plus pertinentes et efficaces.
En ce qui concerne la sous-question relative à l’ouverture de nouveaux magasins le dimanche, la législature a réaffirmé la nécessité de respecter la flexibilité et les pratiques en place. Il existe aujourd’hui différentes manières de permettre une ouverture dominicale, qu’elle soit autorisée par un plan ou un projet de loi dit « religie » ou par les lois de la collègue Simonet.
En ce qui concerne l’emploi de travailleurs le dimanche, vous trouverez vos possibilités confirmées déjà par le droit du travail, qui permet d’engager des travailleurs le dimanche. Lorsque le cadre actuel s’avère insuffisant, je suis disposé à poursuivre la concertation sur ce sujet.
Par ailleurs, au niveau du gouvernement, nous prenons les mesures nécessaires pour protéger et promouvoir la compétitivité et l’emploi. La volonté de mettre en œuvre ces mesures est également motivée par la problématique de la distribution. Il convient de voir également ce que prévoit le soutien à l’arbitrage actuel, qui vise à assouplir les procédures relatives à son introduction, en particulier dans les secteurs de la distribution et les secteurs connexes, y compris le commerce. Dans cette discussion, nous nous heurtons également à la question du commerce, qui revient dans bon nombre de commissions paritaires.
Pour conclure, je continue à inciter chacun à œuvrer à la mise en place d’un cadre moderne et viable pour les employeurs et les travailleurs du secteur, car c’est la seule façon de stimuler la croissance économique et de soutenir l’emploi.
Ma réplique :
Merci, monsieur le ministre, pour vos réponses.
Monsieur le ministre, je suis fondamentalement en désaccord avec vous sur la question des flexi-jobs qui ne sont ni plus ni moins que des boulots assurés par des gens qui ont déjà un travail. Cela correspond à un allongement collectif du temps de travail parce que l’emploi principal ne garantit pas des revenus suffisants pour pouvoir subvenir à leurs besoins. En tout cas, c’est dans cette optique-là que les personnes s’inscrivent.
Et donc, aujourd’hui, on place les employeurs au pied du mur, en leur disant soit d’engager ces personnes en flexi-job – car ça coûte quatre fois moins cher que d’engager un employé en CDI –, soit d’engager quelqu’un qui aura un job dans lequel il peut se projeter, s’épanouir et avoir un équilibre vie privée-vie professionnelle. Le dénominateur commun de vos politiques, c’est qu’à aucun moment, on ne voit quand vous créez des emplois convenables, stables, de qualité, qui permettent de remplir les conditions mises en place par votre collègue des Pensions pour bénéficier d’une pension complète qui permet de vieillir dans la dignité.
C’est là que réside toute l’incohérence du projet de l’Arizona. Aujourd’hui, ce que je voudrais vous rappeler, c’est que votre rôle en tant que ministre est de garantir l’intérêt général et de vous efforcer d’améliorer les conditions de vie des travailleurs. Aujourd’hui, votre réforme ne doit pas niveler par le bas les conditions de travail au nom de certaines demandes de multinationales.
Parce que ceux qui payeront le prix de l’ouverture dominicale ou de l’extension du travail jusqu’à 21 h, ce sont les petits commerces, les petites structures qui ne peuvent pas aligner des travailleurs H24 sept jours sur sept. Les petites structures vont subir une concurrence de la part des multinationales qui, elles, peuvent se permettre de rester ouvertes pendant toutes ces plages horaires. Cela accentuera la désertification de nos villes qui subissent déjà ce phénomène des devantures qui sont vides. Allez-vous promener en ville, vous le verrez, monsieur le ministre.
Je vous en conjure, faites en sorte d’améliorer la situation plutôt que de la dégrader.

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