Question orale posée à David Clarinval, ministre de l’Emploi, le 18 novembre 2025. Le compte rendu complet de la Commission peut être lu ici.

Ma question :

Monsieur le Ministre,

La CGSLB, la CSC et la FGTB introduisent des recours devant la Cour constitutionnelle concernant la limitation dans le temps des allocations de chômage. Cette mobilisation syndicale unanime confirme les inquiétudes majeures que nous avons exprimées tout au long des débats en commission et en plénière sur l’impact social de votre réforme. Cette mesure risque de produire des conséquences profondément injustes pour plusieurs catégories vulnérables : les personnes proches de la retraite qui pourraient se retrouver sans revenus, les femmes ayant interrompu leur carrière pour des raisons familiales, et les travailleurs à temps partiel exclus du système malgré eux. La Ligue des familles a également alerté sur le caractère disproportionné de ces mesures, qui risquent de creuser les inégalités existantes.

Les syndicats soulignent que toute réforme ne peut légitimement créer de nouvelles inégalités et appellent à une nouvelle concertation sociale sur cette réforme du chômage.

Monsieur le Ministre, je souhaiterais savoir :

  • Comment le gouvernement entend-il répondre aux inquiétudes légitimes exprimées par l’ensemble des organisations syndicales concernant les impacts disproportionnés de cette réforme sur les travailleurs les plus vulnérables ?
  • Envisagez-vous de réévaluer certains aspects de la réforme pour garantir une protection minimale des catégories à risque, telles que les personnes proches de la retraite, les travailleurs à temps partiel et les femmes ayant interrompu leur carrière ?
  • Le gouvernement est-il prêt à lancer une nouvelle concertation sociale, et si oui, dans quels délais et selon quelles modalités cette concertation pourrait-elle se tenir afin d’éviter des injustices supplémentaires ?
  • Enfin, comment comptez-vous assurer un suivi et une évaluation continue de l’impact social de la réforme, afin d’adapter les mesures si des situations de précarité sévère se présentent ?

Je vous remercie pour vos réponses.

La réponse du ministre :

En ce qui concerne le fond du dossier, je renvoie aux modifications apportées au projet de loi du gouvernement à la suite de l’avis du Conseil d’État et des observations des partenaires sociaux représentés au comité de gestion de l’ONEM. Je renvoie également à l’exposé des motifs détaillé que le gouvernement a joint à son projet de loi lors du dépôt de celui-ci au Parlement.

La loi-programme dont faisait partie la réforme de l’assurance chômage a été approuvée par ce Parlement le 18 juillet 2025.

Lors de la finalisation de son projet de loi, le gouvernement a accordé une attention particulière à l’avis du Conseil d’État et aux remarques des partenaires sociaux. Je suis dès lors convaincu du caractère équilibré et légitime de cette réforme.

Le Parlement a approuvé la semaine dernière la réforme nécessaire du droit à l’intégration sociale en ce qui concerne la compensation des CPAS à la suite de la limitation dans le temps des allocations de chômage. L’ONEM est pleinement engagé dans la mise en oeuvre de la nouvelle réglementation. Il appartient à la Cour constitutionnelle de se prononcer sur les demandes de suspension, comme celle qui a été récemment introduite, et, ensuite, sur les recours en annulation. Il est sain en démocratie qu’un recours existe pour défendre les droits fondamentaux. Le Conseil d’État a rendu un avis dans le cadre du contrôle préventif de constitutionnalité. Nous avons pu examiner ici les arguments du gouvernement pour affirmer le bien-fondé de sa réforme. Il n’y a aucune surprise dans les recours introduits en suspension, en tout cas en ce qui me concerne.

À la question de savoir s’il convient ou non de reconnaître la personnalité juridique aux organisations syndicales – question reprise par deux collègues absents –, je peux vous dire que cela constitue un débat intéressant. Plusieurs propositions de loi à ce sujet sont en discussion au sein de cette commission. Ce débat me paraît toutefois distinct du principe selon lequel tout citoyen a le droit de saisir un tribunal lorsqu’il estime que ses droits ont été violés, avec ou sans le soutien d’une organisation de la société civile.

Ma réplique :

Merci monsieur le ministre pour vos réponses.

Je pense qu’aujourd’hui les syndicats ont raison d’introduire ces recours, dans la mesure où les droits des personnes sont bafoués. Elles ont cotisé pour pouvoir accéder au droit au chômage et se retrouveront, du jour au lendemain, privées d’un revenu. Cette perte les plongera dans de graves difficultés.

Beaucoup d’entre elles travaillent déjà. C’est notamment le cas de travailleurs et travailleuses sous contrat ALE, des personnes travaillant de façon intermittente, ayant parfois travaillé pendant des périodes de moins de trois mois, non comptabilisées dans le système, mais qui pourtant ont bel et bien travaillé. C’est aussi le cas de toutes les personnes qui vont se retrouver sans solution, parce que le marché de l’emploi ne veut pas d’elles et que vous ne mettez rien en place pour favoriser leur inclusion. Je citerai à titre d’exemple les travailleurs âgés de 55 ans et plus, les personnes en situation de handicap ainsi que les jeunes, dont les premiers emplois sont de plus en plus difficiles à obtenir, notamment en raison de l’intelligence artificielle qui, petit à petit, remplace les postes juniors qui leur permettaient de se lancer. Je pense également aux personnes issues de l’immigration, qui sont également très fortement discriminés sur le marché du travail.

Dans le même temps, nous avons appris il y a quelques jours que vos collègues Vandenbroucke et Van Bossuyt ont décidé de durcir l’accès aux allocations de remplacement que pourrait constituer le CPAS, rendant encore plus difficile l’accès à ces revenus. Quelle provocation!

À quelques jours de la Journée internationale de lutte contre les violences faites aux femmes, vous allez plonger certaines d’entre elles dans des situations inextricables de dépendance économique extrême, parfois vis‑à‑vis de conjoints violents. Ces femmes, vous allez les oublier et les abandonner.

Monsieur le ministre, nous en reparlerons dans un an. Vous verrez à quel point vos décisions auront conduit ces personnes à sombrer dans des misères sociales qui auront engendré des violences intrafamiliales.