Question orale posée à Anneleen Van Bossuyt, ministre de l’Asile et de la Migration, le 16 décembre 2025. Le compte rendu complet de la Commission peut être lu ici.
Ma question :
Madame la ministre, le 10 décembre dernier, journée internationale des droits humains, les 46 pays membres du Conseil de l’Europe se sont réunis pour discuter d’une déclaration portant sur les questions liées aux migrations et à la Convention européenne des droits de l’homme (CEDH).
Cette réunion faisait suite à la lettre signée par plusieurs pays européens, dont la Belgique, estimant que la CEDH entrave la volonté de leur gouvernement d’expulser des personnes migrantes. On pense par exemple au Royaume-Uni, qui a voulu expulser des migrants non-rwandais, faut-il le préciser, pour les placer dans des conteneurs au Rwanda, alors que ceux-ci risquaient des traitements inhumains et dégradants.
Durant cette réunion, un document a été présenté, signé par 27 pays, dont la Belgique, remettant en cause la CEDH. Ce texte demandait d’amender la Convention, qu’ils estiment trop stricte, pour mieux permettre aux pays d’expulser des personnes migrantes.
On parle ici d’un pouvoir exécutif qui indique au pouvoir judiciaire ce qu’il doit faire, ce qui remet en question la séparation des pouvoirs. C’est une atteinte au principe de non-refoulement, qui interdit d’expulser une personne vers un pays où elle serait en danger.
Madame la ministre, vous étiez la représentante de la Belgique lors de cette réunion. Pouvez-vous nous dire pourquoi c’est vous qui avez représenté la Belgique, et non pas la ministre de la Justice? Quelle position avez-vous défendue pendant cette réunion? Quelle a été votre implication dans ce processus? À quels résultats cette réunion a-t-elle abouti? Je vous remercie.
La réponse de la ministre :
Suite à la lettre cosignée par notre Premier ministre, le Conseil de l’Europe a formulé en octobre une proposition en quatre points pour répondre aux préoccupations de certains dirigeants politiques européens concernant la migration et la Convention européenne des droits de l’homme.
Alain Berset, à l’initiative du Secrétariat général du Conseil de l’Europe, est un groupe informel ministériel de conférence chargé de la promotion du Conseil de l’Europe à Strasbourg.
Sur la base de cette proposition, les 45 États parties au Conseil de l’Europe ont formulé des conclusions qui ont été adoptées lors de la réunion ministérielle informelle de Strasbourg.
Les participants ont demandé que le débat politique sur cette question se poursuive au sein du Conseil de l’Europe et ont prié le Comité des Ministres, premièrement, d’élaborer un projet de déclaration politique sur la sauvegarde des droits de l’homme dans le contexte des migrations irrégulières et de la situation des étrangers condamnés ; deuxièmement, de réaffirmer son soutien à une nouvelle recommandation visant à lutter contre la traite des êtres humains ; troisièmement, d’examiner comment le Conseil de l’Europe peut au mieux traiter les questions migratoires urgentes, éventuellement par le biais d’un nouveau comité intergouvernemental ; et enfin, d’encourager le Secrétaire général à mener des discussions internationales sur les migrations.
Il a donc été décidé que le Comité directeur pour les droits de l’homme sera chargé d’élaborer les éléments constitutifs de la déclaration politique pertinente relative à la sauvegarde des droits de l’homme au titre de la CEDH, compte tenu des défis posés par la migration irrégulière et la situation des étrangers ayant commis des crimes graves, dans une perspective de sécurité nationale et d’ordre public. Le Comité directeur devra présenter son rapport à ce sujet d’ici le 22 mars 2026, afin que les députés puissent finaliser la déclaration avant la 135e session du Comité des Ministres à Chișinău en mai 2026.
Le secret bien gardé du Conseil général de l’Europe, Alain Berset, est le rapport le plus juste du rapport annuel 2026 sur les discussions internationales et les questions migratoires.
Avec 26 autres États parties, j’ai également signé une déclaration commune soulignant l’importance des droits fondamentaux garantis par la CEDH et l’indépendance de la Cour européenne des droits de l’homme. Parallèlement, nous exprimons nos préoccupations, notamment concernant le retour des personnes condamnées pour des infractions non déclarées.
Cette déclaration plaide pour un dialogue ouvert et constructif au sein du Conseil de l’Europe sur les moyens de protéger le système de la CEDH contre toute tentative d’affaiblissement. En effet, la CEDH a été établie dans un contexte qui n’est plus compatible avec la réalité migratoire actuelle et les pressions qu’elle exerce sur nos sociétés.
Les ministres présents ont souligné notre devoir de protéger la population, notamment en garantissant la sécurité, en surveillant efficacement les frontières et en luttant contre la traite des êtres humains. Ce devoir se complexifie face à des défis tels que la grande criminalité commise par les migrants, la traite des êtres humains et l’instrumentalisation des migrations. Ces évolutions mettent à rude épreuve le système actuel des droits de l’homme, conçu en partie à une autre époque et désormais confronté à de nouvelles réalités.
Par ailleurs, il est important de comprendre l’importance de certains aspects de la Convention européenne, notamment la nature de l’identité de la personne, qui constitue un danger pour la cohésion sociale et la rend impossible. Il est nécessaire de trouver un nouvel équilibre entre la prise en compte de la personne migrante et la nécessité, pour les acteurs extérieurs, de garantir la sécurité collective et les libertés des citoyens et de la société.
Comme je l’ai souvent affirmé, le droit doit être une entité évolutive et adaptable, capable de répondre aux défis contemporains. C’est la seule façon de garantir à la fois les droits consacrés par la CEDH et notre sécurité.
Compte tenu du thème de cette réunion ministérielle informelle, j’y ai assisté avec mon collègue, le ministre Verlinden. Les conclusions et décisions ont été prises selon la procédure habituelle de confidentialité, permettant à chaque État contractant de soumettre des amendements. Nous avons soumis des amendements au texte. Le contenu a été examiné lors de la réunion multipartite de base . La déclaration a également fait l’objet d’un examen au sein du gouvernement.
Ma réplique :
Vous co-signez cette déclaration avec des pays comme l’Italie de Meloni et la Hongrie d’Orban. Mais vous n’avez pas à vos côtés, par exemple, la France, les Pays-Bas, l’Espagne.
Madame la ministre, ce qu’on constate depuis plusieurs mois, c’est un basculement de la Belgique, à votre initiative, dans un alignement radicalement opposé aux droits humains et avec des pays avec lesquels nous n’avons jamais été alignés. Ce qui m’interroge, ce n’est pas que vous soyez à l’initiative de cela, ni que le Vlaams Belang vous soutienne et vous encourage à continuer dans cette voie. Aucun étonnement par rapport à cela. Vous ne m’avez en revanche pas répondu sur la raison pour laquelle c’était vous que le gouvernement avait décidé d’envoyer et avec quel mandat vous étiez allés à cette réunion. Est-ce bien avec le mandat, par exemple, des Engagés, que vous vous rendez à ce type de meeting pour pousser ce genre de mobilisation qui va à l’encontre non seulement des droits humains fondamentaux, mais également de l’État de droit.
Madame la ministre, nous continuerons évidemment à suivre ces évolutions très inquiétantes que la Belgique adopte sur la scène internationale, à votre initiative et avec le soutien de l’entièreté de votre gouvernement.

Nederlands