Le Conseil des Ministres a adopté aujourd’hui la contribution fédérale au Plan d’action interfédéral de lutte contre le racisme, sous mon impulsion et celle du Premier Ministre Alexander De Croo, avec la collaboration de 8 autres membres du Gouvernement : Frank Vandenbroucke, Vincent Van Quickenborne, Pierre-Yves Dermagne,, Georges Gilkinet, Petra De Sutter, Annelies Verlinden, Mathieu Michel et Nicole de Moor.
Pour le consulter dans son entièreté : NAPAR – Mesures fédérales du Plan d’Action National contre le Racisme
Le racisme sous toutes ses formes, la discrimination, la xénophobie et l’intolérance gangrènent notre démocratie et abime notre vivre-ensemble. Que ce soit dans le domaine de l’emploi où il prend la forme de discrimination à l’embauche ou encore sur les réseaux sociaux où les discours à caractère raciste se multiplient.
C’est un problème croissant en Belgique: les chiffres sur les incidents racistes dont disposent Unia, les services de police et la Justice l’indiquent année après année.
Les signalements pour discriminations basées sur les critères raciaux auprès d’UNIA sont en augmentation, avec près de 4000 signalements en 2021. Ils représentent 32,4% de l’ensemble des dossiers. Les secteurs les plus concernés sont le logement, les soins de santé, la vie en société et le travail.
Des efforts intenses sont donc autant nécessaires qu’urgents.
Cette contribution fédérale contient plus de 70 mesures qui touchent à l’égalité des chances, l’emploi, l’économie, l’asile et la migration, la santé, la justice, la police, la fonction publique, les affaires étrangères, le digital et la mobilité. Elle a vocation à s’inscrire en complément des mesures des entités fédérées. Elle vise à lutter contre différentes formes de racisme : antisémitisme, romaphobie, islamophobie, afrophobie. Elle regarde en face les réalités racistes dont sont encore victimes trop de nos concitoyens et reconnaît le besoin urgent de formations dans de multiples secteurs à ce sujet.
Ces mesures fédérales s’inscrivent dans une approche intersectionnelle. Ainsi, pour ne laisser personne au bord du chemin, nous tenons compte du fait qu’un individu ou groupe d’individus peuvent être confrontés à plusieurs formes de discrimination (ex. conviction religieuse ou philosophique, sexe, genre, âge, handicap, orientation seuxelle…).
Lutter contre le racisme, c’est faire en sorte que tous les citoyens puissent mener une vie digne en ayant accès aux mêmes opportunités, que ce soit pour se loger ou pour trouver un emploi. Une société plus juste et plus égalitaire profite à toutes et tous.
Alexander De Croo, Premier Ministre : Le racisme est un problème structurel, en Belgique aussi, et nous devons oser le reconnaître. Avec les mesures fédérales que nous prenons aujourd’hui, nous passons des paroles aux actes : nous travaillons avec toute l’équipe gouvernementale pour une société plus inclusive.
Sarah Schlitz : Il y a plus de 20 ans, en 2001, la Belgique s’est engagée lors de la Conférence de Durban à élaborer un Plan d’action interfédéral contre le racisme. Avec ces mesures fédérales, nous voulons assumer notre responsabilité dans l’élaboration de ce Plan très attendu par les personnes concernées. J’ai associé la société civile à son élaboration, et je poursuivrai dans cette voie en m’appuyant sur son expertise pour sa mise en œuvre et son évaluation. Je suis fière que le gouvernement fédéral prenne ses responsabilités pour enfin donner les mêmes chances à tous les citoyens de notre pays.
Quelques mesures :
Soutien et consultation de la société civile
Sarah Schlitz n’a pas attendu l’adoption de ces mesures pour commencer à agir. Cette année, elle a débloqué 500 000€ pour lancer un appel à projets Act Against Racism pour soutenir différentes initiatives associatives de lutte contre le racisme.
Avec ce plan, le Gouvernement va un cran plus loin en s’engageant collectivement à soutenir financièrement le secteur associatif.
La collaboration avec les associations sera également pérennisée dans le suivi et l’évaluation du plan. Un comité de monitoring, composé d’associations concernées, sera mis sur pied.
Recherches sur le colonialisme
Le milieu académique a lui aussi un rôle central à jouer. Il est prévu que de nouvelles recherches soient menées, notamment sur le néo-colonialisme et la décolonisation.
En effet, pour lutter contre le racisme actuel, il est nécessaire de comprendre l’histoire de son enracinement dans le contexte belge, notamment durant l’entreprise coloniale. Bien que les historiennes et historiens aient désormais établi l’essentiel des grands traits de l’histoire de la colonisation belge (par exemple avec le récent ouvrage Le Congo colonial), les continuités postcoloniales, en termes de racisme et de discriminations, méritent d’être décodées et exemplifiées davantage par le biais de nouvelles recherches en sciences humaines et sociales.
Intérieur et migration
La question du racisme sera inclue dans la formation de la police et des acteurs en matière d’asile et migration et de la Police. Ainsi, l’Office des étrangers, Fedasil et le Conseil du Contentieux des Etrangers évalueront et compléteront leur offre de formation avec des thèmes comme le racisme et les préjugés inconscients et non-intentionnels. Le Commissariat général aux réfugiés et aux apatrides (CGRA) continuera également à être attentif à la thématique du racisme dans son offre de formations.
La pratique du profilage professionnel et l’évitement de la polarisation sera désormais dans tous les programmes de formation de base de la Police Intégrée. Le profilage professionnel désigne un mode de fonctionnement suivant certaines règles à chaque étape d’un contrôle d’identité, afin d’exclure tout caractère arbitraire. Le profilage professionnel vise, outre d’objectiver les raisons pour lesquelles le contrôle d’identité a lieu, à développer une approche correcte vis-à-vis des personnes contrôlées.
La digitalisation de l’enregistrement des contrôles d’identité sera étudiée.
Les services de police accorderont une attention particulière à l’organisation systématique de debriefings, avec l’accent sur la question de la diversité lors des interventions.
En ce qui concerne les plaintes internes, la hiérarchie donnera un signal clair que les abus et les comportements discriminatoires ne soient pas tolérés et les procédures de plaintes seront rappelées via une communication interne. La police disposera également d’inspecteurs de référence.
Emploi
Une première étape importante a déjà été franchie par le gouvernement fédéral à l’initiative de Pierre-Yves Dermagne et Sarah Schlitz : la procédure permettant d’enclencher des tests de discrimination auprès des employeurs a été simplifiée afin de faciliter leur usage.
Dans un même ordre d’idée, il est prévu que les administrations fédérales se soumettront volontairement à des tests de discrimination afin d’évaluer le niveau d’impartialité de leurs services et de vérifier si les fonctionnaires des services publics répondent à des demandes discriminatoires.
Un soutien sera apporté aux entreprises qui souhaitent investir de façon proactive dans le développement de politiques de diversité inclusives.
Au sein des entreprises, différents mécanismes et plans pourront être mis sur pied afin, d’une part, de responsabiliser les employeurs concernant leur politique de ressources humaines notamment lors de l’embauche, et, d’autre part, de faciliter le recours des travailleurs à divers moyens de protection lorsqu’ils sont victimes de racisme ou de discrimination.
Le SPF emploi sera chargé, avec des académiques, de recueillir les informations nécessaires pour réaliser un monitoring sur l’état des discriminations et la présence d’une diversité chez les employés dans les différents secteurs d’activité.
Le régime de protection des victimes de racisme sera élargi aux témoins leur portant assistance afin de les protéger de représailles de leur employeur.
Fonction publique
La possibilité de permettre aux personnes extra-européennes d’occuper certaines fonctions statutaires au sein des administrations sera étudiée. Aujourd’hui, les emplois statutaires dans le service public sont réservés aux personnes de nationalité belge, suisse ou d’un pays de l’Espace économique européen. Nous voulons rendre la fonction publique plus représentative de sa population et ne nous priver d’aucun talent.
Le personnel des administrations fédérales suivra à intervalles réguliers des formations et sensibilisations sur le racisme, la discrimination et la diversité au sein de la fonction publique.
Signalements des actes racistes
En Belgique il existe des antennes locales de Unia auprès desquelles les citoyens peuvent signaler un cas de discrimination. Nous lancerons une campagne pour mieux les faire connaître.
Cyberhaine
La diffusion de messages de haine sur Internet connaît une évolution inquiétante. La lutte contre la diffusion de messages de haine nécessite une approche stratégique intersectionnelle et ciblée. Le cadre normatif sera renforcé :
L’article 150 de la Constitution constitue, à l’état actuel, un obstacle majeur dans la lutte contre les discours de haine punissables et doit être révisé.
Les mesures de prévention, en particulier aux médias, devront être renforcées.
En concertation avec les plateformes Internet, les pouvoirs publics sensibiliseront le grand public à l’usage de ces plateformes.
Les plateformes elles-mêmes seront sensibilisées afin qu’elles puissent plus rapidement détecter et supprimer les messages discriminatoires ou haineux, et à leur tour sensibiliser leurs utilisateurs.
Le Gouvernement soutiendra des initiatives visant à promouvoir l’égalité des chances et la lutte contre le racisme sur Internet, en particulier sur les réseaux sociaux, ainsi que les actions de la société civile en matière de sensibilisation et de lutte contre la cyberhaine. Le déploiement d’outils technologiques est à l’étude afin de soutenir la détection des discours de haine en ligne, par exemple au moyen d’algorithmes.
Lors d’un dépôt de plainte, l’enregistrement du motif de discrimination dans les délits de haine sera rendu possible. Cela permettra d’avoir des données plus fiables sur le phénomène.
Santé
A l’heure actuelle, le racisme et la discrimination dans les secteurs de la santé, du bien-être et de l’aide aux personnes ne sont pas suffisamment documentés. Une étude sera lancée sur la discrimination et le racisme dans les secteurs de la santé. Cette étude pourrait évaluer qualitativement et quantitativement les expériences des utilisateurs des services mais aussi du personnel issus de l’immigration.
Les autorités compétentes apporteront un soutien institutionnel à la médiation interculturelle dans les secteurs de la santé et la développeront, dans le but d’en garantir l’accès à toutes et tous.
Propriété
L’accès à la propriété de son logement est une aspiration de nombreux citoyens. C’est un rempart contre la pauvreté qui permet d’assurer dans la pérennité le droit au logement. Les pouvoirs publics doivent s’assurer que l’accès aux crédits hypothécaires soit non-discriminatoire. Une étude sera menée pour évaluer les potentielles pratiques discriminatoires et leur ampleur dans l’accès aux crédits hypothécaires.
Mobilité
La SNCB mettra en œuvre une politique efficace de diversité et d’inclusion des ressources humaines pour la sélection et le recrutement.
Le personnel d’Infrabel et de la SNCB sera formé à l’importance de ces thématiques en ce compris les questions liées à l’interculturalité et au racisme.
Des groupes de travail thématiques traitant des questions de diversité et d’inclusion seront créés chez Infrabel.
Une enquête sur la perception de la diversité et l’inclusion au sein de l’entreprise sera également réalisée.
NAPAR – Mesures fédérales du Plan d’Action National contre le Racisme