Interpellation de la Ministre Matz le jeudi 12 juin 2025
Madame la Ministre,
Depuis le 29 mai, la grande famille pompiers est en deuil.
Ce jour-là, les pompiers sont appelés pour maîtriser un incendie à la prison de Lantin. Il s’appelait Maxime, il était papa, il allait fêter ses 40 ans, ses collègues le qualifiaient d’extraordinaire. Il est mort en faisant son travail, dans un bâtiment vieillissant, un établissement surpeuplé, mal équipé, des équipes débordées, où une « clé perdue » et des barreaux impossibles à scier ont tout fait basculer… Nous étions à son enterrement : il laisse un vide immense derrière lui.
Le lendemain du drame, un représentant CGSP déclarait: « Aujourd’hui, le temps n’est pas celui de la colère ni des conclusions hâtives ! Mais bien celui de la tristesse, du recueillement et du soutien aux familles, amis et collègues des victimes. Mais le temps viendra de tirer les conclusions de cette tragédie ». Madame la Ministre, le moment est venu : il est temps de se mettre au travail pour que cette tragédie ne se répète pas. C’est notre rôle.
Quand on parle de prisons, on pense immédiatement à la Justice. Mais dans l’ombre de ces murs, c’est la Régie des Bâtiments – un acteur trop souvent invisible et dont les choix financiers sont opaques et totalement déséquilibrés – qui est responsable de leur gestion.
C’est elle qui s’occupe de l’état des lieux, de la sécurité, de la salubrité. C’est elle qui gère aussi les centres fermés et les palais de justice.
Et cela fait des années, Madame la Ministre, que des voix s’élèvent. Des experts, des magistrats, des organisations indépendantes, des détenus et des agents pénitentiaires eux-mêmes, et mon groupe, les écologistes. On rappelle la même chose : les bâtiments sont vétustes, dangereux, parfois carrément illégaux.
Et aujourd’hui, c’est un drame évitable qui vient nous rappeler le prix de l’inaction.
Parce ce qu’il s’est passé à la prison de Lantin est un échec collectif, mais la responsabilité première en revient à l’État, et en partie à la Régie des Bâtiments.
Chers collègues, je vais vous raconter des choses dures, mais je pense qu’il est important de pouvoir mettre un contexte à mon interpellation.
Le foyer de l’incendie se situait dans un bâtiment particulier : la buanderie. D’après mes informations, la disposition des lieux et la structure du bâtiment ont compliqué la tâche des pompiers.
Dans un premier temps, l’intervention aurait été rapide, la situation était sous contrôle. Mais c’est en avançant dans l’espace, les pompiers se seraient retrouvés bloqués par un mur de chaleur les matraquant au sol, avec une visibilité zéro. Désorientés, ils auraient perdu leur chemin, et seraient parvenus jusqu’à un local près de la cour. Ils en auraient brisé une fenêtre, leur permettant d’entrer en contact visuel et oral avec leurs collègues à l’extérieur.
Les pompiers présents dehors ne seraient pas parvenus à briser les barreaux, malgré l’utilisation poussée de nombreux moyens à leur disposition, comme des instruments de désincarcération ainsi que le recours à un camion, s’étant attaché aux barreaux et cherchant à les dégonder. Ils ont tenté de scier les barreaux métalliques d’une fenêtre mais leur outil n’a pas permis d’en venir à bout.
Une autre porte aurait pu permettre d’accéder aux pompiers en détresse. Mais, ici, ce sont les gardiens de la prison qui ne seraient pas parvenus à mettre la main sur les clefs. Comme ce sont des portes de prison, il a fallu un long laps de temps pour parvenir à les démonter et à entrer dans le local. Trop tard pour un pompier.
Cet incendie s’est terminé avec des pompiers dans l’impossibilité d’intervenir correctement, faute de coordination, faute d’accès, faute de clé. Un collègue pompier coincé dans la buanderie, privé de solution, privé d’oxygène. Maxime Coessens est mort, Madame la Ministre. 3 autres blessés grièvement, l’un d’entre eux, Marc Sarlet, était jusque peu entre la vie et la mort.
Ce qui est pointé par les pompiers est le côté insalubre et mal géré de la prison, de part l’absence manifeste de moyens. Les locaux sont complètement inadéquats face à une intervention des pompiers, les normes élémentaires face aux incendies ne sont pas respectées…
Nous sommes face à un problème systémique et non pas monocausal. Une logistique absurde, des procédures déficientes, et une absence d’anticipation flagrante.
Ce drame ne tombe pas du ciel. Les rapports, eux, sont tombés. Encore et encore. Et ils sont accablants.
Le rapport 2024 du CCSP sur Lantin est sans appel : Bâtiment vétuste, problèmes d’infrastructure, sécurité déficiente, salubrité en chute libre. Il est même écrit dans ce rapport qu’il faut financer une prochaine phase sur la gestion d’incendie ! Et ce n’est pas un cas isolé.
À Saint-Gilles, la cour d’appel de Bruxelles a récemment condamné l’État belge pour traitements inhumains. Les cellules sont infestées de vermines, les vitres sont brisées, le chauffage fonctionne à peine. On parle d’une prison du 21e siècle dans un pays soi-disant respectueux des droits humains.
Mais comment peut-on espérer une réinsertion, comment peut-on parler de justice, si l’État lui-même traite les personnes privées de liberté de manière illégale ? Un détenu maltraité ne ressort pas meilleur citoyen. Il ressort brisé, parfois plus dangereux qu’à son entrée.
Même l’ancien secrétaire d’État chargé de la Régie Mathieu Michel l’a reconnu : Saint-Gilles doit fermer d’ici fin 2024. Et pourtant, rien ne bouge.
Ce qui s’est passé à Lantin, c’est aussi l’histoire de pompiers empêchés de faire leur métier. Être pompier, c’est une vocation – on risque sa vie pour sauver les autres. Mais ils s’attendent à ce que quand ils entrent dans un bâtiment géré par l’État, pour une opération somme toute banale (de la fumée), que ceux-ci puissent rentrer chez eux le soir sains et saufs.
Ce sont des victimes collatérales d’un chaos administratif et politique, une gestion des libéraux et des catholiques depuis au moins 15 ans.
Et pourquoi ? Parce que les visites topographiques prévues par les normes ne sont pas organisées, ou trop rarement. Parce qu’il n’y a pas de coordination régulière entre les services d’urgence, le personnel pénitentiaire, et la Régie. On ne peut pas leur demander de réagir vite dans un bâtiment qu’ils ne connaissent pas, avec des procédures qu’ils découvrent le jour-même.
C’est le minimum vital, Madame la Ministre : assurer les conditions de sécurité pour les intervenants extérieurs dans les bâtiments qui sont de votre compétence.
Mes questions :
- Bien sûr, madame La Ministre, vous n’êtes pas 100% responsable de cette situation, résultat de décennies de sous investissements et mauvais choix stratégiques. Allez-vous réaliser un audit de la régie des bâtiments? Avez-vous entamé le travail de cadastre que vous avez annoncé en début de législature et que les écologistes réclament depuis des années ?
- Deux jours après le drame, vous avez déclaré dans la presse : « En tant que ministre de la Régie des bâtiments, je suis aussi là pour évaluer les dégâts et tenter d’amener des solutions rapides pour le bon fonctionnement de la prison ».
- Quelles sont les solutions rapides que vous allez amener ou avez amené pour le bon fonctionnement des prisons? Quand ces solutions seront-elles déployées? Comment s’assurer que les pompiers seront en sécurité si ils doivent, demain, intervenir dans une prison?
- Vous avez affirmé que les dispositifs incendie avaient bien fonctionné et que le compartimentage de la pièce dans laquelle le feu s’est déclaré avait empêché les flammes de se répandre.
- Comment pouvez-vous déjà conclure que les dispositifs incendie ont bien fonctionné? Sur quels éléments vous basez-vous?
- Des sprinkler/arroseurs devraient normalement se trouver dans une pièce telle que celle où s’est déclaré l’incendie, était-ce le cas ? Des extincteurs automatiques étaient-ils présents ? Si oui, ont-ils fonctionné ?
- Le bâtiment concerné répondait-il aux exigences réglementaires en vigueur en matière de prévention et de lutte contre les incendies ? Des audits techniques avaient-ils été menés récemment, et si oui, quelles en étaient les conclusions ?
- Allez-vous mettre en œuvre les recommandations urgentes du CCSP et d’Unia, notamment en matière de sécurité incendie, d’insalubrité, et de mises aux normes légales, dans l’ensemble des établissements pénitentiaires ?
- Des exercices de coordination et des visites de terrain avec les pompiers seront-ils désormais rendus obligatoires dans chaque établissement, au moins une fois tous les deux ans, comme cela devrait être le cas ?
- Reconnaissez-vous que la Régie des Bâtiments a une responsabilité directe dans le drame de Lantin ? Que comptez-vous mettre en place pour qu’une telle situation ne se reproduise plus jamais ?
Madame la Ministre,
La politique pénitentiaire ne peut pas reposer sur des discours de façade et des projets lointains. Elle commence par des bâtiments dignes, sûrs et humains. Aujourd’hui, le constat est accablant. Il est temps d’agir.
Je vous remercie.
Réponse de la Ministre :
Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, il y a des mots, vous l’avez dit, qui résonnent plus lourdement dans cet hémicycle. Maxime Coessens, ce nom, celui d’un pompier dévoué, tombé en service alors qu’il luttait contre l’incendie à la prison de Lantin, restera évidemment gravé dans nos mémoires.
C’est avec une profonde émotion que je tiens, au nom du gouvernement, à saluer sa mémoire et à adresser à nouveau à sa famille, à ses proches et à ses collègues, nos plus sincères pensées.
Je veux aussi assurer les trois pompiers blessés de tout mon soutien et de ma plus grande compassion à l’égard de toute l’équipe qui a perdu un collègue, un ami.
Je tiens une nouvelle fois à remercier l’ensemble des services de secours pour leur professionnalisme, leur engagement et leur courage exemplaire dans des circonstances extrêmement périlleuses.
L’incendie survenu à la prison de Lantin soulève un ensemble de questions. Vous les avez adressées et vous savez que je n’ai pas pour habitude d’éluder quoi que ce soit. J’ai été longtemps sur les bancs du Parlement et il m’était insupportable qu’on ne réponde pas aux questions qui étaient posées. Toutefois, plusieurs questions – je ne veux pas les éluder – relèvent des compétences des ministres de la Justice et de l’Intérieur, notamment concernant la résistance de l’infrastructure face aux différents types de dangers, incendies, attaques, événements majeurs.
Ce que je voudrais ici vous expliquer par rapport à la Régie des Bâtiments, car on l’ignore trop souvent, et c’est valable pour n’importe quel bâtiment, c’est que la Régie des Bâtiments fournit un bâtiment comme un propriétaire fournit un bâtiment à un locataire, en l’espèce le SPF Justice. Il y a donc un certain nombre de travaux qui appartiennent à ce locataire. Évidemment, les gros travaux d’infrastructure sont à charge de la Régie des Bâtiments en tant que propriétaire, mais, suivant l’occupation qui est faite de ce bâtiment, les normes ne sont pas toutes les mêmes. Et, de ce fait, le locataire doit solliciter un certain nombre de travaux, disant ce dont il a besoin pour ce bâtiment-là au niveau des conditions de sécurité et du type d’aménagement. Pour ce faire, il sollicite la Régie.
La définition des normes applicables relève donc des compétences du SPF Justice, qui établit les prescriptions de sécurité pénitentiaire.
Donc, c’est le SPF Justice qui indique à la Régie ce dont il a besoin pour que, par exemple, le bâtiment soit sûr. La Régie exécute ensuite ces prescriptions dans ses interventions.
Toutefois, en tant que ministre de la Régie des Bâtiments, je veux apporter des informations aussi complètes que possible pour comprendre et tirer les leçons, tout en respectant les devoirs d’enquête en cours. L’enquête devra déterminer les différentes causes qui ont mené à ce drame. Il convient donc à ce stade de faire preuve de prudence et de respect vis-à-vis du travail d’investigation qui est en cours.
Je peux confirmer que l’utilisation de la buanderie est encadrée par des règles strictes de sécurité et de fonctionnement. Face au dramatique événement de Lantin, les autorités compétentes devront évaluer avec courage et clairvoyance les procédures d’accès dans les établissements pénitentiaires afin qu’un tel drame ne se reproduise pas. Tout d’abord, sachez que, lorsque la Régie effectue des travaux tels que la construction d’une prison, elle respecte les normes en vigueur. Par la suite, la vérification du respect des normes incombe à l’occupant. La gestion de l’ouverture manuelle ou électronique des portes fait partie des procédures de sécurité qui relèvent de la gestion de la prison. Ces dernières années, de nombreux travaux, notamment liés à la sécurité incendie, ont été entrepris par la Régie à la demande du SPF Justice, selon un calendrier précis et en accord avec les autorités compétentes. Au total, les investissements s’élèvent à plus de 19 millions d’euros. L’accent a été mis sur les travaux de compartimentage, l’installation de portes coupe-feu, mais aussi sur la rénovation des systèmes électriques. C’est, du reste, ce compartimentage – car il me semble avoir entendu le contraire – qui a permis de contenir la propagation des flammes dans la zone sinistrée. Le dernier rapport de prévention, remontant à 2023, constate les efforts entrepris ces dernières années relativement aux travaux demandés dans le rapport du service régional d’incendie du 14 septembre 2018, que vous êtes plusieurs à avoir évoqué.
S’agissant des dispositifs anti-incendie, je peux confirmer que la prison de Lantin est dotée d’un système de détection incendie qui s’est révélé conforme et opérationnel lors des faits. Dans le rapport du service régional d’incendie de 2018 auquel j’ai eu accès après l’incendie, un sprinklage est abordé dans les mesures à prévoir si un désenfumage est techniquement impossible à enclencher.
En effet, ce désenfumage est lui-même conditionné – il faut bien suivre – à la présence d’une charge calorifique importante qui le rendrait obligatoire. C’est en fonction de la charge calorifique que ce système est, ou pas, nécessaire.
Cette évaluation de la charge calorifique ne peut être réalisée que par l’occupant, c’est-à-dire le SPF Justice, et non par la Régie, puisqu’elle doit être déterminée sur la base de l’utilisation quotidienne de cette buanderie. Ce n’est pas le propriétaire qui va pouvoir dire: « la buanderie est utilisée avec un tel volume et ce système est donc, ou n’est pas, nécessaire ». C’est évidemment en fonction de la charge calorifique.
À ce stade, la Régie des Bâtiments n’a pas reçu de demande d’installation d’un système de sprinklage ou de désenfumage. Les questions portant sur les équipements d’urgence – comme les disqueuses ou autres outils d’intervention –, le plan d’évacuation et la coordination de l’intervention lors de l’incendie doivent, en toute rigueur, être adressés aux ministres compétents de l’Intérieur et de la Justice. Je ne manquerai pas, évidemment, de me concerter avec chacun afin d’apporter des solutions concrètes et coordonnées.
Enfin, je souhaiterais affirmer l’engagement de la Régie des Bâtiments en matière de sécurité. Tous les projets classés comme critiques au regard de la sécurité font l’objet d’un suivi prioritaire en lien étroit avec les autorités compétentes. D’autres établissements pénitentiaires ont en effet également bénéficié d’interventions ciblées selon des priorités qui ont été définies en concertation avec le SPF Justice.
De plus, la Régie se tient à la disposition du SPF Justice afin d’évaluer les travaux pertinents à réaliser pour assurer la sécurité des bâtiments. Nous attendons également avec une grande attention les conclusions de l’enquête judiciaire afin d’avoir, dès qu’elle sera disponible, une vue d’ensemble et de prendre, si cela s’avère nécessaire, toutes les mesures utiles. Nous le devons aux services de secours et singulièrement aux pompiers qui se battent au quotidien pour protéger notre population.
Depuis de nombreuses années, dans mon rôle de députée et aujourd’hui comme ministre, j’ai à cœur de les soutenir dans leurs missions souvent périlleuses. Nous le devons aussi à l’ensemble du personnel pénitentiaire qui, chaque jour, travaille dans ces établissements.
Mesdames et messieurs les députés, ce drame nous oblige collectivement. Je tiens à souligner l’étroite collaboration entre la Régie des Bâtiments, le SPF Justice, les directions pénitentiaires et l’ensemble des acteurs concernés.
Dès le lendemain, nous nous sommes tenus à disposition pour assurer la remise en état rapide de la prison et la rendre à nouveau opérationnelle, qu’il s’agisse de vérifier la stabilité du bâtiment, sa sécurisation, d’évaluer les risques de toxicité et d’évacuer les déchets.
L’heure n’est pas au rejet des responsabilités envers les uns et les autres. Nous devons œuvrer ensemble, de manière transversale, pour améliorer sans relâche la sécurité de nos établissements.
Ce n’est qu’en unissant nos efforts dans un dialogue constant et exigeant que nous pourrons garantir des conditions de travail sûres pour le personnel, une détention digne et sécurisée et une réaction efficace en cas de crise.
En ce qui concerne le Masterplan prisons, je tiens à réaffirmer avec force ma volonté de poursuivre sa mise en œuvre. Je travaille en étroite collaboration avec la ministre de la Justice. Nous voulons sortir de la logique du colmatage et répondre durablement aux besoins criants de nos établissements pénitentiaires, tant pour les détenus que pour le personnel. C’est un travail de longue haleine que je m’engage à poursuivre avec volonté et détermination.
Je ne nie pas les tensions budgétaires que nous connaissons. C’est pourquoi j’ai demandé, dès mon entrée en fonction, un cadastre unique des bâtiments afin d’évaluer l’ensemble du parc immobilier et de cibler les économies possibles en réduisant les espaces inoccupés et en valorisant les biens qui n’ont plus d’utilité fédérale.
Je veux le dire clairement ici, je me bats au quotidien pour que les moyens alloués à l’entretien et à la modernisation de nos prisons soient renforcés, notamment dans le contexte actuel de surpopulation.
La surpopulation a un impact direct sur les conditions de détention et de travail du personnel pénitentiaire. J’ai pu le constater lors de récentes visites que j’ai menées, aussi comme parlementaire, dans plusieurs établissements pénitentiaires, dont Lantin. C’est pour cela que j’ai déjà sollicité des crédits supplémentaires, notamment dans le cadre de la task force sur la surpopulation.
Je poursuivrai ce combat avec conviction et détermination. Il en va de la sécurité des détenus, des agents, des services de secours et, plus largement, de celle de notre société entière.
Concernant la question spécifique du maintien en activité de la prison de Saint-Gilles, la Régie a procédé à des estimations quant aux travaux et au budget nécessaires. Ceci doit faire l’objet d’une discussion au niveau du gouvernement.
Permettez-moi, pour conclure, d’élargir un instant notre regard. Si la sécurité dans les prisons est un impératif absolu, elle l’est aussi dans d’autres bâtiments publics accueillant du personnel et des visiteurs, qu’il s’agisse des palais de justice, des bâtiments de police ou des services administratifs. Chaque citoyen, chaque fonctionnaire mérite de pouvoir évoluer dans un environnement sécurisé, digne et adapté à ses missions.
La prévention, la maintenance et la mise en conformité ne sont pas un luxe. Ce sont des nécessités. Je n’accepterai jamais que l’on diminue le niveau de sécurité auquel nos concitoyens, nos agents publics et nos visiteurs ont droit.
Ce combat, je le mène dans les prisons mais aussi au-delà, pour tous les bâtiments de l’État où la sécurité doit rester une priorité qui soit non négociable.
Je voudrais juste ajouter un tout petit mot. Certains ont eu l’honnêteté intellectuelle de reconnaître que la situation, notamment de la surpopulation dans les prisons, ne datait pas de quatre mois, depuis que je suis en fonction. J’ai évidemment pris ce problème à bras-le-corps. Je n’ai pas changé depuis que j’étais là et que je suis ici maintenant. C’est évidemment une priorité. Je voulais juste dire qu’il est difficile de vouloir me faire porter l’ensemble de la responsabilité de la surpopulation carcérale et de la vétusté des bâtiments, alors que plusieurs d’entre vous, plusieurs de vos formations politiques se sont succédé au niveau du gouvernement et ont tant bien que mal peut-être essayé d’apporter des solutions.
Nous savons que c’est un problème qui s’inscrit dans la durée. Alors, ce n’est pas pour cela que je vais le mettre de côté, sûrement pas. Sûrement pas! Je l’ai pris à bras-le-corps dès mon entrée en fonction et je ne compte pas changer. J’espère évidemment que nous pourrons tous aller dans le même sens car c’est une priorité absolue pour la ministre de la Régie des Bâtiments que je suis, et évidemment dans les compétences qui sont les miennes.
Ma réplique :
Madame la ministre, je vous remercie pour vos réponses.
On comprend, dans ce que vous nous décrivez, que ce système fonctionne en silos. J’entends que vous ne renvoyez pas la responsabilité à vos collègues. Par contre, on voit bien que le partage des responsabilités ne permet pas une action cohérente et forte pour permettre que la sécurité règne dans nos bâtiments publics.
Vous allez d’une certaine manière vous tourner vers l’avant. Vous parlez d’investissements prévus mais on voit bien au travers du budget que les moyens ne suivent pas. On se pose donc des questions quant à savoir où cet argent sera pris pour l’orienter vers cette urgence désormais déclarée pour faire en sorte que ce drame n’arrive plus jamais. Nous sommes en droit de nous demander comment les budgets seront réorientés. Je comprends que vous n’allez pas commencer à tirer sur l’ambulance ou à critiquer votre administration.
Personnellement, pour avoir été secrétaire d’État et pour avoir dépendu de la Régie des Bâtiments pour certaines rénovations dans mes administrations, je peux vous dire que c’était la croix et la bannière pour réparer un ascenseur en panne depuis des années alors qu’un centre d’archives était situé à l’étage. Imaginez-vous devoir transporter de la documentation en quantité sans ascenseur! Des telles situations se répétaient en permanence. Je ressens quand même un décalage entre ma pratique de la Régie des Bâtiments et la situation que vous nous décrivez, qui ne serait pas si problématique alors que les rapports sont là.
Vous êtes là depuis quatre mois! Je souhaite que vous preniez le dossier à bras-le-corps. Réalisez un audit et réalisez ce cadastre! Faites en sorte de faire ce que vos prédécesseurs n’ont pas fait! Je pense que c’est la mission qui vous incombe aujourd’hui.
Le métier de pompier est un métier à risque. C’est un choix. Leurs familles savent qu’il existe un risque. Par contre, ces gens n’ont pas signé pour être mis en danger par les défaillances de l’État. C’est, je crois, ce qui les met le plus en colère en plus du manque de considération face aux difficultés de leur profession – je songe à l’allongement des carrières jusqu’à 67 ans. La coupe est pleine et il m’apparaît qu’il est grand temps d’avoir une vraie reconnaissance pour ces personnes.
Le jour de l’enterrement, une phrase d’un intervenant m’a marquée: « Les enfants rêvent d’être pompiers et non pas politiciens ou prêtres ». J’espère, madame la ministre, que grâce à vos actions, les enfants pourront à nouveau rêver d’être pompiers sans avoir peur d’intervenir dans des situations qui semblent simples et qui deviennent dramatiques.
J’ai déposé une motion qui demande cinq choses: de mettre en place un véritable cadastre public des biens de la Régie des Bâtiments, en ce compris les prisons, avec les informations caractéristiques importantes au regard des diverses normes d’accessibilité, de sécurité, d’état de vétusté, la présence d’amiante etc., comme nous l’avions déjà demandé sous la législature précédente; de commander un audit sur la gestion de la Régie des Bâtiments sur les deux dernières législatures; de commander un audit technique sur la prison de Lantin afin de connaître la conformité du bâtiment concerné aux exigences réglementaires en vigueur et les failles potentielles qui ont mené à la mort d’un pompier et la blessure grave de trois autres; d’appliquer toutes les recommandations des rapports du Conseil central de surveillance pénitentiaire des prisons belges, en ce compris ceux de la commission de surveillance de Lantin 2024, pour permettre une remise à niveau des bâtiments et d’y mettre les moyens financiers; enfin, de collaborer avec les services internes des prisons et les services externes qui sont susceptibles d’y entrer pour que des visites de terrain et des formations puissent avoir lieu de manière régulière, pour que tous les services puissent être préparés à des situations de crise.
Je vous remercie et nous continuerons évidemment à suivre le dossier.