Contexte général

De 1980 à 2017, la Belgique a perdu 68% de ses exploitations. La province de Liège n’échappe pas à cette tendance : il existait 10.727 exploitations agricoles en 1980, on n’en compte plus que 3.158 en 2017 (les chiffres sont disponibles ici).

Si la disparition de ces fermes continue à ce rythme, il n’y aura tout simplement plus qu’une seule grosse exploitation agricole monopolistique en 2024 au sein de la province. C’est donc le triomphe du modèle agro-industriel qui va vers des fermes de plus en plus grandes, et de moins en moins d’agriculteurs. La pente liégeoise est plus rapide que la tendance wallonne, d’où la nécessité de s’atteler à la question de l’agriculture.

Phénomène corollaire à cette désertification : la superficie moyenne par exploitation a plus que doublé en Wallonie, alors que la main-d’œuvre agricole a été divisée par deux.

Comment sommes-nous parvenus à une telle situation d’extinction de masse ?

Notre agriculture est victime du modèle productiviste engagé en Europe à la sortie de la Seconde Guerre. Depuis cette époque, le mot d’ordre fut de produire abondamment à bas prix. La poursuite de ce leitmotiv capitaliste a profondément bouleversé le modèle paysan en vigueur jusqu’alors. Car si les ambitions du marché ont bien été rencontrées, le revers de la médaille est quant à lui beaucoup moins flatteur : mécanisation de la production (et donc augmentation des émissions de gaz à effet de serre) ; utilisation massive de produits phytosanitaires ; dégradations des sols, de l’eau et de la biodiversité ; perte du contenu micronutritionnel des denrées ; explosion des maladies liées à la baisse de qualité de l’alimentation ; conditions économiques et psychologiques des paysans profondément dégradées ; irruption répétée de scandales sanitaires ; et évidemment disparition des petites fermes paysannes au profit de complexe agro-industriel.

Le tableau n’est pas tout noir cependant, un grand nombre d’initiatives alternatives à ce système voient le jour depuis quelques années. Des AMAPs, en passant par les ruches, aux potagers collectifs, au renouveau de la permaculture, ou encore aux innovations en agriculture urbaine, beaucoup d’acteurs d’horizons divers entrent en résistance face au modèle dominant. La Ceinture Aliment-Terre liégeoise est évidemment le meilleur exemple de cette transition à contre-courant du modèle industriel dominant : produire des aliments bons, propres et justes pour tous en filière courte, proche du citoyen.

Admettons-le : bien que très prometteuses, toutes ces initiatives n’en demeurent pas moins marginales pour le moment. Et pour cause : le système d’aide actuel prévu par la PAC et nos politiques nationales en la matière restent très majoritairement au bénéfice des grandes exploitations conventionnelles. Une véritable volonté politique qui fasse rupture avec cette logique productiviste est donc requise pour l’essor d’un nouveau modèle agroécologique.

Le gouvernement Michel n’a pas incarné cette force disruptive espérée. Il a plutôt favorisé le « business as usual » tourné vers le commerce international au détriment des initiatives locales, notamment en acceptant de signer le TTIP et en refusant de soutenir la Déclaration des droits des paysans à l’ONU.

Causes du problème

En 10 ans, le prix des terres agricoles en Belgique a triplé, passant de 9.727 euros par hectare en 1995 à 27.190 euros en 2006. Il se situe aujourd’hui aux alentours de 40.000 euros par hectare.

Plus spécifiquement, en ce qui concerne la raréfaction d’agriculteurs, il faut pointer plusieurs facteurs qui concourent à l’aggravation de la tendance.

D’abord, nous sommes confrontés à un profond manque de motivation des jeunes à se lancer dans ce secteur. Et on peut les comprendre ! En 10 ans, le prix des terres agricoles en Belgique a triplé, passant de 9.727 euros par hectare en 1995 à 27.190 euros en 2006. Il se situe aujourd’hui aux alentours de 40.000 euros par hectare. Par conséquent, l’accès à la terre en Wallonie est aujourd’hui devenu un vrai obstacle à l’installation des producteurs.ices.

À ce premier coût qu’ils doivent supporter se rajoute celui de l’investissement nécessaire dans la mécanisation d’une exploitation agricole. La rentabilité exige de la part des exploitant.e.s l’achat de machines et d’infrastructures qui ne sont pas sans prix. Cette perspective d’un endettement massif comme étape nécessaire au démarrage d’une activité agricole a de quoi démotiver une jeunesse qui aspire à un avenir professionnel serein.  La conséquence directe de cette situation c’est un vieillissement rapide de la population agricole : moins de 5 % des fermiers ont moins de 35 ans et 65 % d’entre eux se verront pensionnés dans les 10 années à venir, dont la majorité sans repreneur.euse.

Ensuite, les conditions mêmes de travail dans le monde agricole ont de quoi faire fuir même les plus téméraires. Certes ces dernières varient d’une structure à l’autre, mais le son de cloche général qui s’en dégage n’est pas positif. En effet, les heures de travail prestées sont excessives, le salaire horaire perçu ne permet pas de vivre décemment, la typologie du contrat précarise le travailleur (la majorité d’entre eux se trouvent sous contrat  saisonnier), et rien ne leur garantit une sécurité sociale digne de ce nom.

Enfin, si ces conditions matérielles et financières de travail offrent très peu de perspectives d’épanouissement, il faut également se demander si les principes productivistes qui sous-tendent ce modèle agricole conventionnel sont vraiment à même d’attirer une jeunesse en quête de sens. Ecolo fait le pari que l’attractivité du monde agricole sera retrouvée en renouant avec une approche paysanne qui soit fière du produit qu’elle délivre, cultivant un lien de connivence avec la nature et les animaux avec lesquelles il.elle collabore, et participant activement à la transition écologique de nos sociétés.

Propositions

Les écologistes entendent bien être au cœur du changement de modèle agricole. Spécifiquement, pour répondre au problème de la disparition des agriculteurs, nous mettons 3 mesures sur la table :

  • Au niveau européen,

et dans toutes les instances concernées, promouvoir une réforme de la Politique agricole commune (PAC) assurant la transition vers l’agroécologie. Nous sommes en pleine révision de la PAC. C’est donc le moment. Ecolo défend un autre usage des aides publiques issues de la Politique agricole commune (PAC) afin de réorienter le développement de l’agriculture wallonne vers l’agriculture durable. Les gouvernements ont une opportunité pour rendre la PAC performante via la réforme qui est actuellement en discussion, dans le cadre d’une liberté majeure dans la définition des plans régionaux. Tous les petits producteurs et petits maraîchers ne sont aujourd’hui pas gâtés par la PAC et ne sont même pas pris en compte dans les statistiques (ils ne déclarent bien souvent pas). La PAC doit bénéficier davantage aux pratiques agricoles durables, adaptées aux défis climatiques, à l’agriculture familiale, à la production de services écosystémiques (biodiversité, mitigation du changement climatique, protection des sols et des eaux, etc.), aux jeunes, aux nouveaux agriculteurs, aux femmes et aux circuits alimentaires plus courts.

  • Au niveau fédéral,

promouvoir l’agriculture biologique par la mise en place d’une TVA dégressive et ramenée à 0% pour tout produit non transformé, certifié bio ou par un système de garantie participative. Le mode de production des aliments biologiques maximise les avantages pour nous toute.s. La réduction de la pollution de l’eau engendre des économies potentiellement énormes sur les factures d’eau. L’amélioration de la santé du sol réduit l’érosion et les risques d’inondation et de sécheresse, assurant ainsi une plus grande sécurité alimentaire à long terme. Les produits biologiques sont bons pour la préservation de la faune et des espèces qui sont en train de disparaître des terres agricoles, dont les abeilles indispensables à la pollinisation. Moins de pesticides dans nos aliments réduit les risques pour notre santé et pour celle des agriculteurs. C’est aussi moins d’émissions de gaz à effet de serre et plus de séquestration du carbone, moins d’additifs alimentaires, plus de normes pour le bien-être animal, etc. Le secteur biologique est en plein essor : Ecolo veut que cet essor ne se fasse pas aux dépens des avantages à l’origine du secteur bio et sera attentif à ce que les petits producteur.trice.s soient protégé.e.s et soutenu.e.s.

  • Au niveau local,

développer et encourager des ceintures alimentaires et filières courtes de qualité et de proximité autour de Huy, Waremme, Liège, Verviers, Eupen. Face à l’industrialisation et à la mondialisation de l’alimentation, il apparaît légitime et nécessaire de transformer nos systèmes alimentaires et mettre en place un système alimentaire qui réponde aux besoins de relocalisation, decarbonisation et rentabilité. Les projets de ceinture alimentaire visent à dépasser les initiatives isolées en rassemblant les acteur.rices de la transition agroécologique, en identifiant les besoins prioritaires pour le développement des filières locales, en mutualisant les outils et savoir-faire et en développant des liens avec les mangeur.euses.

Ecolo veut soutenir la mise en place de réseaux de ceintures alimentaires autour de chaque grande ville en favorisant le processus de coopération entre acteurs d’un même territoire et en pérennisant ces modèles avec une stratégie à long terme. On a toutes les ressources pour nourrir Liège et la Province ! Aux pouvoirs publics de mettre les gens ensemble et toutes les entreprises et coopératives en réseaux pour identifier les besoins, créer les chaînons manquants et amorcer la transition agroécologique.