Question orale posée à Vanessa Matz, ministre des Entreprises Publiques, le 16 décembre 2025. Le compte rendu complet de la Commission peut être lu ici.

Ma question : 

Madame la Ministre,

Il a récemment été annoncé que bpost, entreprise dont l’État belge détient environ 50 % du capital, a conclu un accord de principe avec la plateforme de commerce en ligne Temu. Ce partenariat vise notamment à renforcer la coopération logistique en Belgique et au Canada, à tester de nouveaux modèles de livraison et à étendre le réseau de points de retrait et de dépôt.

Cette annonce a provoqué de vives réactions de la part des fédérations patronales Comeos et Unizo, qui dénoncent une « gifle » infligée aux commerçants et PME respectant les règles, alors que les autorités belges et européennes tentent précisément de limiter l’afflux massif de colis bon marché en provenance de Chine. Ces colis posent régulièrement des problèmes de conformité, de sécurité et de qualité. Selon ces organisations, en collaborant avec Temu, bpost contribue à normaliser des pratiques commerciales déloyales et fragilise l’économie locale.

Cette collaboration soulève également des questions de cohérence de l’action publique. Le choix d’une entreprise publique fédérale de s’associer à l’un des principaux acteurs de cette dynamique intervient au moment même où le gouvernement affirme vouloir mieux encadrer ces importations et protéger les entreprises européennes.

Par ailleurs, l’article 1er du Relationship Agreement entre l’État belge et bpost prévoit que l’entreprise informe préalablement l’État de toute décision stratégique majeure, ce qui interroge sur le respect des engagements contractuels existants.

Dès lors, je souhaiterais vous poser les questions suivantes :

  1. Avez-vous été informée au préalable de l’accord de principe entre bpost et Temu ?
  2. Dans la négative, estimez-vous que cette absence d’information constitue une violation du Relationship Agreement liant l’État à bpost, et avez-vous interpellé l’entreprise à ce sujet ?
  3. Comment conciliez-vous cette collaboration avec les efforts du gouvernement visant à limiter l’afflux de colis étrangers problématiques et à lutter contre les pratiques commerciales déloyales ?
  4. Quelle est votre analyse de l’impact de ce partenariat sur les commerçants, indépendants et PME belges ?
  5. Le gouvernement entend-il maintenir, ajuster ou remettre en question la facilitation des activités de plateformes telles que Temu via bpost ?

Je vous remercie pour vos réponses.

La réponse de la ministre :

Je n’ai pas d’éléments nouveaux à ajouter à ce débat, hormis la réponse que j’ai donnée en séance plénière. Tout comme vous, j’ai pris connaissance dans la presse du protocole de coopération entre bpost et Temu. Bpost est une entreprise publique autonome qui fait ses propres choix opérationnels ; je n’ai pas mon mot à dire à ce sujet.

Les commissions de la Mobilité et de l’Économie ont décidé d’organiser des auditions avec bpost, les fédérations commerciales et la SFPIM. Elles pourront y exposer leurs points de vue.

À mon initiative, nous avons également eu une réunion avec bpost, les fédérations commerciales et ma collègue Simonet. Cette discussion a été constructive et ouverte. Les fédérations commerciales ont exprimé leur inquiétude face à la concurrence déloyale croissante due à l’arrivée sur le marché européen de produits qui ne respectent pas les normes européennes. C’est une préoccupation que je partage.
Bpost a souligné que le projet de coopération avec Temu vise à renforcer le commerce local grâce à des livraisons locales et paneuropéennes. Les différentes parties ont décidé de poursuivre le dialogue lors d’une prochaine réunion en janvier.

Ma réplique :

J’ai bien entendu votre réponse assez courte, madame la ministre, et je vous avoue que je juge décevant cet aveu de faiblesse permanent que vous exprimez par rapport aux possibilités que vous avez d’agir sur les organismes dont vous avez la tutelle. Lorsque l’on interroge le ministre Crucke sur certaines décisions incompréhensibles du côté de la SNCB, nous recevons des réponses. Je ne comprends donc pas qu’on ne puisse aujourd’hui avoir des réponses sur les actions de bpost, dont l’État détient près de 50 % du capital. On ne comprend pas pourquoi il est impossible non seulement d’avoir davantage d’informations en ce qui vous concerne, mais également de pouvoir recevoir des réponses en tant que députés.

Au-delà de ces éléments, il est extrêmement choquant pour la population d’entendre d’une part que l’on va mettre en place une taxe de deux euros – ce qui était la revendication au sein des négociations budgétaires – et d’autre part que l’Europe a décidé d’une taxe de trois euros sur les petits colis. Tout cela devrait s’inscrire dans un plan global. On ne peut déclarer l’augmentation du prix de certains produits importés de pays hors Europe – mesure que nous soutenons – sans que cela ne s’inscrive dans des mesures plus larges visant à atteindre un objectif de soutien aux PME et à faire en sorte qu’on arrête de voir ces commerces dans les centres-villes fermer les uns après les autres.

C’est ici une véritable gifle qui leur est infligée. Nous ne pouvons continuer à dérouler le tapis rouge à ces sociétés peu scrupuleuses qui ne respectent ni les consommateurs, ni le climat, ni même la sécurité – certains produits ne sont même pas conformes aux règles européennes – tout en continuant à négocier des Mercosur et des contrats comme ceux-ci avec Temu ou Shein. Je vous remercie pour vos actions futures à cet égard.