Question orale posée à Vanessa Matz, Ministre de la Régie des Bâtiments, le 23 septembre. Le compte rendu complet se trouve ici.
Madame la ministre,
C’est avec effroi que nous avons appris, par presse interposée, la décision du gouvernement de mettre fin au financement qu’il assurait dans le cadre du plan grand froid, dispositif qui permettait l’hébergement des personnes sans-abri dans cinq grandes villes belges – Anvers, Bruxelles, Charleroi, Gand et Liège – durant l’hiver.
Cette décision, qui entrera en vigueur dès cet hiver, est particulièrement brutale quand on sait à quel point les décisions de l’Arizona impactent déjà plus rudement la Wallonie, et plus encore les grandes villes qui sont, finalement, le réceptacle de différents problèmes tels que la pauvreté et le sans-abrisme.
D’autres décisions sont prises à d’autres niveaux de pouvoir et ont également un impact sur les grandes villes. Je pense notamment à la suppression des subsides pour la gestion du sans-abrisme en milieu rural. Cela implique que les grandes villes devront gérer davantage de situations de détresse, alors même qu’elles ne disposent pas des moyens nécessaires pour y faire face.
Je pense également à la décision de la ministre Van Bossuyt d’exclure des familles migrantes des centres d’hébergement du réseau Fedasil, malgré la disponibilité de places – nous en avons parlé en commission la semaine dernière. Dès lors, ce cocktail explosif me fait extrêmement peur, madame la ministre, moi qui vis au centre-ville en milieu urbain et qui suis déjà confrontée à ces réalités.
- Si certains bâtiments seront mis à disposition par la Régie, tant pour les plans grand froid régionaux que pour Fedasil en vue de l’hiver 2025/2026, quelle est votre position quant à cette possibilité de mettre à disposition des bâtiments ?
- Des concertations sont-elles déjà en cours avec les Régions à ce sujet, sachant que ce sont elles ainsi que les communes concernées qui devront assumer les conséquences sur le terrain ?
Réponse de la Ministre Matz :
Merci, madame Schlitz, pour votre question, qui me permet évidemment de digresser un petit peu sur le champ de mes compétences.
Pour bien préciser les choses, nous avons, l’ensemble des partenaires de la majorité Arizona, à l’exception évidemment de la ministre compétente, découvert vendredi soir – en même temps que vous, je suppose – la décision qui a été communiquée par voie de presse. Il s’agit d’une décision unilatérale, jamais délibérée en Conseil des ministres, de supprimer, non pas le plan grand froid mais la subvention fédérale au plan grand froid. Cela représente cinq fois 65 000 euros pour autant de grandes villes concernées : deux en Wallonie – Liège et Charleroi –, Bruxelles et deux en Flandre, Gand et Anvers.
Cette décision – que nous avons découverte en même temps que vous – a été prise via un arrêté ministériel qui n’a jamais été débattu en Conseil des ministres. Nous avons fait part d’un peu plus que notre étonnement à la ministre concernée, en lui demandant sur quelles bases elle justifiait une décision de cette nature. Si elle voulait prendre une décision, elle devait à tout le moins être délibérée en Conseil des ministres.
Cette décision, qui intervient à quelques encablures de l’hiver, est irrespectueuse tant des structures que des travailleurs et des citoyens qui y sont bénévoles. Nous avons protesté de manière assez vive à son encontre. Vous savez en outre que depuis, en toute hypothèse, pour ce qui concerne la Wallonie, le ministre-président et le ministre Coppieters – qui est en charge de cette matière en Wallonie – ont déclaré la prise en charge de ce différentiel de 65 000 euros par grande ville.
De ce côté-là, nous sommes rassurés sur le fait qu’il n’y aura pas un euro de moins pour ces structures et pour l’accueil des personnes sans-abri. En ce qui concerne les questions que vous me posez, j’ai évidemment pleinement conscience des difficultés que rencontrent les personnes sans-abri, singulièrement dans une grande ville comme celle où vous habitez, et je comprends l’inquiétude légitime que suscite cette annonce.
La Régie des Bâtiments est mobilisée pour identifier, en concertation avec les autorités compétentes, les bâtiments qui sont susceptibles d’être adaptés à un tel usage. La Régie continue à assurer ce rôle à côté des autres niveaux de pouvoir, qui doivent évidemment lui dire les besoins pour garantir le bon déroulement du plan grand froid.
Pour la Région de Bruxelles-Capitale, il y a un accord de coopération du 12 mai 2014, relatif au sans-abrisme et à l’absence de chez soi, qui précise la répartition des rôles entre les différents niveaux de pouvoir. Mon intervention en tant que ministre fédérale, c’est d’apporter un soutien spécifique dans le cadre de l’accueil hivernal par l’intermédiaire du SPP Intégration sociale.
À ce jour, je n’ai pas encore reçu de demande officielle du SPP Intégration sociale concernant l’organisation de l’accueil hivernal pour cette année, en ce qui concerne évidemment les bâtiments. Je reste toutefois vigilante et pleinement disposée, à l’écoute des besoins des Régions, à trouver des solutions d’accueil afin de garantir que personne ne soit laissé de côté.
Je vous remercie.
Ma réplique :
Merci, madame la ministre, pour ces éclaircissements.
J’entends que vous avez découvert la décision en même temps que nous. J’entends que vous êtes fâchée. Par contre, je ne vois pas de conséquences à ce mécontentement. Cela veut-il dire que vous avez un gentleman’s agreement pour laisser Mme Van Bossuyt avancer toute seule et faire tout et n’importe quoi dans ces domaines – qui sont pourtant des domaines cruciaux ?
Quand on parle d’asile et de migration, c’est l’enfer. On a des politiques qui, aujourd’hui, nous rapprochent de celles de la Hongrie. C’est la honte nationale. Aujourd’hui, c’est le plan grand froid. Et demain, ce sera quoi ? Allez-vous juste nous dire à chaque fois qu’elle a décidé toute seule et que vous vous êtes fâchée ? Mais vous n’avez pas fait revoir cet arrêté royal ? Je ne comprends pas comment on peut, dans un gouvernement de coalition comme le vôtre, laisser faire une chose pareille et juste dire qu’il n’y a pas de problème, que ce sont les Régions qui vont payer et que M. Coppieters a déjà une enveloppe.
C’est inadmissible parce qu’aujourd’hui, les grandes villes sont en train de payer la facture des décisions du fédéral et des coupes du fédéral qui sont fondamentalement injustes, et vous le savez. Que ce soit l’exclusion des chômeurs, qui vont se retrouver avec des pertes de revenus et des personnes qui vont basculer dans la grande précarité. Où ces personnes vont-elles se retrouver ? Dans les grandes villes. Aujourd’hui, on a des CPAS qui vivent dans la peur, qui sont obligés de licencier du personnel en raison de l’arrêt de certains subsides – à un moment, on ne les compte plus – alors qu’ils devraient précisément être en train de s’organiser et d’engager pour faire face à la vague de demandes qui va arriver avec l’exclusion des chômeurs.
Aujourd’hui, c’est la pagaille. Ce sont des travailleurs qui trinquent. Ce sont des travailleurs sociaux qui sont en train de se demander comment ils vont pouvoir gérer toute cette misère. Ce sont des bourgmestres, des communes qui, elles aussi, se demandent comment elles vont pouvoir faire face à toutes ces difficultés sociales.
Je ne comprends donc pas comment vous pouvez, vous Les Engagés, vous laisser embrigader dans des méthodes pareilles qui, par ailleurs, sont aussi des régionalisations déguisées. Vous le savez très bien, madame la ministre.
Nous continuerons à suivre ce dossier et je vous remercie pour la mise à disposition que vous êtes en train d’évaluer en matière de bâtiment. Ce serait une avancée positive. Toutefois, en termes d’équilibre, cela reste insuffisant face à la décision unilatérale prise par la ministre Anneleen Van Bossuyt. C’est pourquoi nous en attendons beaucoup plus de votre part sur ce point.