Question posée au Ministre Crucke le 15 juillet 2025. Compte-rendu intégral à retrouver ici.
Monsieur le ministre,
L’Europe est depuis des semaines le théâtre d’incendies d’une violence inouïe. En Espagne, en Grèce, encore récemment aux abords de Marseille, ce sont des milliers d’hectares partis en fumée, des maisons détruites, des habitants évacués ou confinés, des pompiers blessés. En Belgique aussi, un incendie s’est déclaré dans le parc de la Haute Campine, ravageant 70 hectares de forêt. Les feux de forêt géants font désormais partie des incontournables estivaux en Europe.
Les scientifiques nous alertent: nous ne sommes pas prêts. Et pourtant, les mesures de base sont connues. Il faut cartographier les zones à risque, identifier les chemins forestiers praticables pour les camions d’intervention, équiper les pompiers du matériel adéquat, et investir dans des moyens aériens adaptés, comme les canadairs.
- Monsieur le ministre, allez-vous suivre les recommandations des experts pour anticiper et neutraliser ce risque croissant de feux de forêt géants en Belgique ? Quel est votre plan d’action ?
- Quel renforcement est-il prévu pour les pompiers, qui seront de plus en plus sollicités face à ce type d’incendies ?
- Vous avez mentionné l’envoi de courriers: quelles réponses avez-vous reçues ? Les rappels que vous avez effectués ont-ils été plus fructueux que le premier envoi ? Je vous vois hausser les sourcils, j’anticipe la réponse, mais je me réjouis tout de même de l’entendre.
- Vous avez aussi parlé de deux réactions spontanées, de l’Institut royal météorologique (IRM) et du représentant belge au Groupe d’experts sur les incendies de forêt de la Commission européenne. Quel est leur contenu, et en quoi le soutien qu’ils peuvent vous offrir consiste-t-il ?
Réponse du Ministre :
Chère collègue, comme vous le soulignez, le rapport du Centre d’analyse des risques du changement climatique (Cerac) est alarmant. Il tire la sonnette d’alarme: notre pays n’est absolument pas préparé à la multiplication des feux de forêt attendue au cours des 10 à 15 prochaines années. C’est une conséquence directe du réchauffement climatique. Alarmant, certes, mais aussi très intéressant. On entend parfois remettre en question nos outils scientifiques fédéraux. Je suis heureux d’avoir pu compter sur un outil tel que le Cerac, et je tiens à saluer aujourd’hui son sérieux et sa compétence.
Il est clair désormais que les incendies de forêt ne sont plus un danger réservé au sud de l’Europe: la Belgique est concernée, et nous l’avons déjà constaté cette année, malheureusement, avec l’incendie dans le Parc national de la Haute Campine.
C’est pour cette raison que j’ai effectivement envoyé une lettre à tous les ministres compétents, qu’ils soient régionaux ou fédéraux, ainsi qu’aux gouverneurs de province: 23 lettres au total.
Certains, mais ce n’est pas votre cas, me demandent de quoi je m’occupe, pourquoi un ministre du Climat s’occupe des feux de forêt. Ce n’est pas parce que l’on me pose cette question que je ne m’en occuperais pas.
J’ai envoyé ces courriers avec deux objectifs clairs: recevoir les commentaires sur le rapport du Cerac et, sur cette base, organiser une Conférence interministérielle pour établir un plan national d’adaptation et de gestion de crise pour les feux de forêt qui devrait établir des mesures nécessaires à mettre en place et comment renforcer notre coopération à ce sujet. J’attends les réponses d’ici à la fin du mois de juillet. À ce jour, j’ai déjà reçu une réponse de la Région wallonne, de cinq des dix provinces belges et d’acteurs tels que l’IRM et l’université de Gand. Ceux-là l’ont fait volontairement.
Il est clair que ce défi exige la coopération de toutes les entités autorisées. La coopération est la clé du succès. Je suis donc heureux que ce message soit fait dans les nombreuses réponses que j’ai déjà reçues. Les retours, souvent très exhaustifs par contre, sur l’étude du Cerac s’accompagnent toujours de l’acceptation de la main tendue pour une meilleure coopération et une meilleure coordination. Je ne manquerai pas de vous donner une mise à jour dès que toutes les réponses auront été reçues en vue de la Conférence interministérielle. Il n’est pas dans mes habitudes d’être délateur, mais il est clair que si je ne devais pas recevoir de réponse de certaines entités, je n’hésiterais pas un seul instant à le faire savoir.
En début de semaine, j’étais au Conseil européen « Environnement ». Le problème des feux de forêt est venu sur la table. Les collègues en parlent et tentent d’agir. La Belgique n’est pas une île au milieu de l’océan. Nous avons des voisins. Comment pouvez-vous avoir confiance en vos collègues pour intervenir en cas de besoin si vous n’êtes pas capable de leur montrer un plan d’ensemble? La Palice en aurait dit autant. Cela ne me rassure pas de savoir que certains collègues sont dans la même situation. Je m’inquiète car certains n’ont pas compris que le réchauffement climatique ne s’arrête pas dans le sud de l’Europe.
Ma réplique :
Merci, monsieur le ministre. J’entends votre indignation, j’entends votre volonté de réunir tous les acteurs autour de la table, autour d’un plan d’action, mais ce ne sont pas vos larmes qui vont éteindre les incendies. Aujourd’hui, nous sommes dans une situation extrêmement critique.
Certains n’ont pas conscience du danger. Alors qu’auparavant chacun prétendait agir pour l’environnement, pour le climat et avoir un volet assez étoffé dans son programme concernant ces sujets, aujourd’hui, on voit bien qu’il y a une forme de recul quant à l’importance de ces enjeux. C’est extrêmement préoccupant, parce que des populations sont en danger, et des professionnels ne sont pas équipés comme il le faudrait. Nous savons qu’il faudrait équiper nos pompiers de plusieurs hélicoptères pour qu’ils puissent intervenir efficacement sur certains feux, mais ils n’ont pas ce matériel à disposition.
Des investissements stratégiques doivent aussi être pensés dans ce registre-là, et pas uniquement dans le volet purement militaire, alors que certains investissements pourraient, en fait, relever de l’un et de l’autre. Dans quelle mesure pouvez-vous aussi implémenter cette dimension-là dans les plans stratégiques de votre collègue Francken?
Ce n’est pas avec des tanks qu’on va éteindre des incendies et des feux de forêt géants. Or, cette menace-là, elle est ici et maintenant.
Vous avez un rôle de coordination et votre mission est par nature compliquée, parce qu’elle est éminemment dépendante de la bonne volonté de vos collègues aux différents niveaux. Mais votre mission consiste aussi à donner un cap et à ouvrir la voie avec des initiatives concrètes. Et nous avons parfois du mal à les entendre. On entend qu’il y a la volonté d’activer des collègues européens, d’activer les communes, les provinces, les autres ministres. Je pense que nous devrions pouvoir lire, ici au Parlement, le plan que vous voulez suivre dans les prochaines années.
Concernant les courriers, vous pouvez dire à vos collègues qu’on vous aurait de toute façon demandé qui avait répondu ou pas. Donc, vous n’aurez pas forcément le mauvais rôle dans cette affaire.
Merci, monsieur le ministre. J’espère pour vous que de nombreux feux ne se déclencheront pas cet été, parce que, sinon, vous allez avoir peu de vacances pendant les semaines qui viennent. Sinon, je vous souhaite quand même de bons congés.