Question posée au Ministre Vandenbroucke le 16 juillet 2025. Compte-rendu intégral à retrouver ici.
Monsieur le Ministre,
L’accès aux traitements hormonaux affirmant le genre reste, en Belgique, semé d’obstacles. C’est notamment le cas pour les injections d’œstrogènes (estradiol), qui ne sont actuellement pas légales dans notre pays, contrairement à ce qui est autorisé dans plusieurs pays européens ainsi qu’en Asie.
Cette situation a des conséquences concrètes sur la santé et la qualité de vie des femmes transgenres. En l’absence de possibilité d’accès à l’estradiol injectable par voie légale, elles sont contraintes soit de recourir à une administration orale, qui est moins efficace et parfois mal tolérée, soit de se tourner vers des canaux illégaux ou informels pour se procurer l’hormone par voie injectable.
Le recours à l’auto-médication via des produits non contrôlés expose ces personnes à des risques sanitaires majeurs : absence de suivi médical, mauvaise conservation des produits, dosage incertain, absence de stérilisation du matériel… Sans compter les risques juridiques associés à l’achat ou à l’administration de médicaments hors du cadre légal.
Dans d’autres pays, la disponibilité de l’estradiol injectable permet de mieux adapter les protocoles hormonaux aux besoins individuels, en réduisant notamment les risques cardiovasculaires associés à la voie orale chez certaines patientes, et en améliorant l’efficacité du traitement.
Monsieur le Ministre,
- Confirmez-vous que l’estradiol injectable n’est pas autorisé à l’heure actuelle en Belgique ? Quelles en sont les raisons scientifiques ou réglementaires ?
- Êtes-vous en contact avec l’AFMPS pour réévaluer cette interdiction, en particulier à la lumière des pratiques médicales sûres déjà en place à l’étranger ?
- Envisagez-vous de permettre l’usage encadré, prescrit et remboursé de l’estradiol injectable, afin d’éviter les dérives de l’auto-médication et de garantir un parcours de soins sécurisé aux femmes transgenres ?
Réponse du Ministre :
En effet, l’Agence fédérale des médicaments et produits de santé confirme qu’aucun médicament injectable contenant de l’œstradiol n’est autorisé en Belgique.
Le fait que ces médicaments ne sont pas sur le marché en Belgique n’est pas dû à une interdiction de l’AFMPS, mais au fait qu’aucune demande d’autorisation de mise sur le marché a été introduite auprès de l’AFMPS à ce jour. Afin d’obtenir une autorisation de mise sur le marché, une firme pharmaceutique doit soumettre une demande d’autorisation de mise sur le marché auprès de l’AFMPS. L’AFMPS évalue la qualité, l’efficacité et la sécurité du médicament sur la base d’un dossier scientifique soumis.
L’autorisation de mise sur le marché est uniquement délivrée quand le bilan bénéfices-risques du médicament dont l’indication prévue est pour le groupe cible de patients prévu est positive. Le titulaire de l’autorisation de mise sur le marché décide quand le médicament sera commercialisé en Belgique et qui, en conséquence, soumet les demandes de prix et de remboursement nécessaires aux autorités compétentes.
Si le médicament n’est pas encore commercialisé en Belgique, mais qu’il l’est dans un autre pays, il peut être importé par un pharmacien sur la base d’une déclaration du médecin, conformément à l’article 105 de l’arrêté royal du 14 décembre 2006.
Selon la base de données des médicaments autorisés dans l’Union européenne, un médicament injectable contenant de l’oestradiol n’est autorisé qu’en République tchèque et en Slovaquie. D’après le site web de l’Agence slovaque des médicaments, cette autorisation a été délivrée en 1969, à une époque où les deux étaient encore unis.
En définitive, l’importation, conformément à l’article 105 de l’arrêté royal du 14 décembre 2006, ne peut se faire que sur base d’une prescription médicale.
Ma réplique :
Je vous remercie, monsieur le ministre.
Vous reconnaîtrez qu’il existe tout de même de très nombreux freins pour les femmes transgenres à pouvoir se procurer cette substance, qui est particulièrement importante dans le cadre de leur transition. C’est évidemment extrêmement problématique – et j’imagine que vous me rejoindrez sur ce point – de devoir dépendre de la bonne volonté d’une firme pour introduire une demande d’autorisation en vue de commercialiser un médicament dans notre pays, alors qu’il devrait être possible, à l’inverse, pour un État de déterminer les substances nécessaires à sa population.
Une fois encore, nous sommes confrontés à une logique de marché, alors que la question des médicaments devrait relever d’un service public beaucoup plus régulé et ce, indépendamment même du coût que cela représente pour la Sécurité sociale.
J’espère donc que vous pourrez prendre ce dossier à bras-le-corps et faire en sorte de le faire avancer, car j’entends bien que ces personnes pourraient demander à leurs pharmaciens de faire venir la substance, mais cela reste particulièrement complexe pour des personnes qui cumulent déjà de nombreuses difficultés administratives.
Je vous remercie.