Question posée au Ministre Jambon le mardi 1er juillet 2025

Monsieur le ministre, 

Alors ça y est, le kern est enfin parvenu à un accord sur la taxation des plus-values. On nous dit qu’il s’agissait simplement de la transposition de l’accord de majorité. On se demande donc bien pourquoi il a fallu tant de temps pour enfin arriver à un accord. Sans doute que certains avaient besoin de montrer qu’ils bloquaient, qu’ils freinaient au maximum cette mesure qui, en réalité, n’est qu’une mesure de justice sociale. Pourquoi aujourd’hui un salarié, quelqu’un qui travaille et qui gagne un salaire, doit-il payer, quand il fait partie de la classe moyenne, 43 euros sur 100 euros gagnés, alors que quand on joue en bourse ou qu’on achète et qu’on vend des appartements, on ne paie pas un euro d’impôt?

Monsieur le ministre, je pense que cette taxe doit être conçue dès le départ de la manière la plus robuste possible, sinon cela sera un véritable gruyère qui continuera à perpétuer les injustices et les privilèges dans notre société.

Mes questions sont les suivantes, monsieur le ministre, et j’espère avoir les réponses les plus précises possibles. Je pense que le Parlement a assez attendu.

  • Quelles sont les modalités précises d’une taxation des plus-values adoptée par le gouvernement fédéral? Que sera-t-il possible de mettre en œuvre dès le 1er janvier 2026?
  • Quelles sont les exceptions prévues dans le mécanisme que vous allez installer? Quel est le rendement budgétaire annuel attendu de cette nouvelle mesure? D’où sortez-vous les 500 millions d’euros? 
  • Quelles sont les clauses anti-abus prévues pour éviter les stratégies d’optimisation ou de contournement, notamment via des holdings? Ce régime s’applique-t-il aussi aux plus-values réalisées via des sociétés, notamment les holdings?
  • J’aimerais aussi obtenir des réponses relatives à la déductibilité. Quelqu’un qui réalise une plus-value de 60 000 euros et une moins-value de 20 000 euros sur un autre titre devra-t-il payer sa taxe uniquement sur les 40 000 euros? 
  • Par ailleurs, quel est le mécanisme prévu pour éviter que quelqu’un ne contourne la taxation en fractionnant artificiellement une plus-value importante en plusieurs ventes inférieures à 10 000 euros, tout en dépassant largement ce seuil au total?

Je vous remercie.

 

Réponse du Ministre :

Monsieur le Président, permettez-moi tout d’abord de confirmer que j’ai effectivement organisé une conférence de presse demain après-midi. J’ai jugé opportun de m’adresser d’abord au Parlement, mais cela n’a apparemment pas été apprécié. Lorsque j’indique ensuite que le Parlement peut se pencher sur les règles du jeu et que je suis disposé à faire preuve d’une grande transparence, cela ne semble pas non plus être apprécié. Très bien, j’en prends bonne note. Il est regrettable que cette souplesse se retourne contre moi. J’avais espéré qu’elle serait appréciée.

Je pense d’ailleurs que ce ne sera pas la dernière discussion sur ce sujet. Vous avez demandé un calendrier. Vendredi, le texte sera présenté en première lecture au Conseil des ministres. Le texte de loi sera alors connu. Ensuite, l’avis du Conseil d’État sera demandé, comme le veut la procédure habituelle. Puis, le texte sera présenté en deuxième lecture au Conseil des ministres.

Après une deuxième lecture au gouvernement, le texte sera déposé au Parlement. Nous pourrons alors entamer les débats. C’est la façon normale de travailler.

Quoi qu’il en soit, j’ai encore appris quelques choses aujourd’hui.

Chers collègues, nous sommes aujourd’hui le 1er juillet 2025. Notre gouvernement a pris ses fonctions le 3 février. Je me réjouis qu’après cinq mois, nous soyons parvenus à un compromis sur ce point. Pour les uns, la taxe ne va pas assez loin, en raison de trop nombreuses échappatoires et objections diverses, tandis que pour les autres, elle va beaucoup trop loin. Cela me laisse penser que nous avons trouvé un juste équilibre.

À un moment où nos finances publiques sont soumises à de fortes pressions – qui ne sont pas le fait de ce gouvernement, mais de celui qui l’a précédé –, nous avons choisi de réformer et d’économiser. Le gouvernement demande également aux plus forts de contribuer de manière équitable. La taxe sur la plus-value s’inscrit donc dans un cadre plus large visant à réduire la pression fiscale sur le travail. Ce dernier point figure également dans l’accord de gouvernement et je présenterai prochainement des propositions à ce sujet au gouvernement.

Je tiens à rappeler les autres mesures prises par ce gouvernement réformateur. Les coûts salariaux seront réduits de 1 milliard d’euros à vitesse de croisière. Les coûts énergétiques seront réduits. Une déduction fiscale pour les entrepreneurs sera introduite. L’impôt sur le revenu des personnes physiques sera réduit pour tous les travailleurs. Une réforme en profondeur des pensions et du marché du travail sera mise en œuvre, qui limitera enfin la durée des allocations de chômage. Les moyens consacrés à la défense seront augmentés et la politique en matière d’asile et de migration sera renforcée. Le programme de gouvernement de cette équipe ambitieuse va donc bien au-delà de la mesure unique dont nous débattons actuellement. Tout est lié et l’ensemble du programme de gouvernement doit être mis en œuvre.

Comme je l’ai déjà dit, le projet de loi sera examiné cette semaine en première lecture par le Conseil des ministres et sera ensuite soumis pour avis au Conseil d’État. Par la suite, le Parlement jouera pleinement son rôle.

Beaucoup d’entre vous ont déjà posé des questions techniques pertinentes. Certains le font chaque semaine, d’autres même chaque jour. Vous savez que j’ai beaucoup de respect pour le Parlement. J’espère donc que vous appréciez mon exposé à sa juste valeur.

La taxe sur les plus-values s’applique à l’impôt des personnes physiques. La plus-value réalisée sera imposée comme un revenu divers. Le nouveau régime s’applique également à l’impôt des personnes morales, mais les institutions reconnues bénéficiant de dons ouvrant droit à une réduction d’impôt restent hors du champ d’application.

À M. Matheï – il n’est pas présent pour l’instant, mais son collaborateur, que je connais bien du conseil communal de Brasschaat, est présent – je peux dire que les ASBL auxquelles les dons sont déductibles ne sont pas concernées.

Aucun changement n’est apporté au régime de l’impôt des sociétés.

La notion d’actif financier doit être interprétée de manière large. Tous les instruments financiers sont concernés, y compris, par exemple, les cryptomonnaies. Pour les cryptomonnaies, l’administration pourra toujours apporter la preuve qu’il s’agit d’une gestion anormale d’un patrimoine privé, ce qui permettrait encore l’application d’un taux de 33 %. C’est déjà le cas aujourd’hui.

Le nouveau régime sera d’application à partir du 1er janvier 2026. Les plus-values historiques seront exonérées. Si la valeur d’acquisition est supérieure à la valeur au 31 décembre 2025, il sera possible de conserver la valeur d’acquisition pendant les cinq années suivantes.

Le projet de loi prévoit également un régime dérogatoire spécifique visant les plus-values dites internes, qui seraient imposées à 33 %. Il prévoit également un régime de sortie, qui accorde un délai maximal de deux ans pour imposer la plus-value existant au moment où le contribuable quitte la Belgique. Une telle taxe de sortie existe également dans nos pays voisins.

La plus-value soumise à l’impôt sur les plus-values peut être réduite des moins-values éventuelles. Cela n’est possible que si la moins-value a été réalisée par le même contribuable au cours de la même période imposable dans la même catégorie d’actifs financiers imposables. La méthode FIFO (first in, first out) sera donc appliquée.

Le régime de l’impôt sur la plus-value prévoit un régime général avec un taux d’imposition de 10 % de la plus-value réalisée après exonération d’une première tranche annuelle de 10 000 euros. Ce montant sera indexé chaque année. Ce montant augmentera chaque année de 1 000 euros, qui seront également indexés, et pourra atteindre, pour autant qu’aucune exonération ne soit utilisée, un maximum de 15 000 euros au cours des cinq prochaines années. Monsieur Vereeck, il est en effet exact que la partie non demandée peut être reportée.

Je vous donne quelques exemples.

Exemple 1 : en 2026, l’exonération de base s’élève à 10 000 euros. Cela signifie qu’en 2027, l’exonération de base s’élève à 11 000 euros, et ainsi de suite jusqu’en 2032, où l’exonération de base s’élève à 15 000 euros.

Exemple 2 : en 2026, l’exonération de base s’élève à 10 000 euros. Je réalise ensuite une plus-value de 2 500 euros en 2027. Dans un premier temps, l’augmentation de 1 000 euros sera éliminée, puis 1 500 euros seront encore imputés sur l’abattement de base de 10 000 euros. L’abattement de base restant s’élèvera donc à 8 500 euros en 2027. En 2028, le contribuable a à nouveau droit à une exonération de base de 10 000 euros plus 1 000 euros de transfert. Il y a donc à nouveau un transfert, car les 10 000 euros ne sont pas entièrement repris.

De cette manière, le petit investisseur à long terme reste autant que possible en dehors du champ d’application de l’impôt.

La nouvelle réglementation prévoit en outre un régime particulier pour les contribuables détenant une participation importante. Dès qu’une personne possède une participation de 20 % ou plus, elle peut bénéficier d’une exonération sur une première tranche – une plus-value d’un million d’euros – et de l’application d’un taux progressif allant de 1,25 à 10 % si on arrive à 10 millions d’euros. On pourra bénéficier de cette exonération d’un million d’euros sur une période de cinq ans. Les parts bénéficiaires sont exclues pour le calcul de la participation importante.

Je prends ici l’exemple d’un boulanger local qui vend sa boulangerie pour 1,5 million et réalise une plus-value d’un million d’euros. En l’occurrence, il ne paiera pas de taxes. Ce même boulanger vend sa boulangerie au prix de 2,5 millions d’euros et réalise une plus-value de deux millions. En l’occurrence, le premier million d’euros est exempté et pour le deuxième million, il paiera une taxe de 1,25 %, soit 12 500 euros.

La vente à une société située en dehors de l’Espace économique européen restera, comme aujourd’hui, imposée au taux de 16,5 %.

Les petites entreprises et les indépendants restent donc largement épargnés par cette taxe sur la plus-value. Pour ceux qui entreprennent, emploient du personnel et prennent des risques, l’impact restera donc plutôt limité.

La valorisation pourra se faire de différentes manières. Concrètement, trois options s’offrent aux contribuables. Une valorisation par un comptable indépendant ou un réviseur sera également possible. La perception de la taxe sur la plus-value se fera au maximum via le précompte mobilier dans le cadre du régime général de 10 %. La franchise de base et la moins-value pourront être compensées via la déclaration.

Les contribuables pourront également opter pour une clause d’exemption, dans laquelle ils indiqueront qu’ils ne souhaitent pas que le précompte mobilier de 10 % soit retenu. Dans ce cas, le contribuable devra déclarer la plus-value dans sa déclaration et l’intermédiaire financier sera soumis à une obligation de déclaration.

La mise en œuvre de cet impôt sur la plus-value est une tâche gigantesque, pour laquelle nous tendons expressément la main au secteur. Mon administration et ma cellule stratégique se concerteront régulièrement avec Febelfin et d’autres organisations de la société civile, entre autres, afin de garantir le bon fonctionnement de cet impôt. La suppression de l’impôt Reynders ou une réduction de l’impôt sur les primes n’est pas prévue dans l’avant-projet de loi.

Chers collègues, je suis convaincu que nous aurons encore de nombreuses discussions approfondies sur cette loi au cours des semaines, des mois et des années à venir, notamment dès la semaine prochaine, lorsque je répondrai aux questions en suspens, mais vous avez déjà reçu ici une première explication.

 

Ma réplique :

Merci, monsieur le ministre, pour vos réponses. J’ai calculé que vous avez mis à peu près trois minutes pour rentrer dans le vif du sujet et commencer à répondre aux questions des députés. Je pense qu’en termes de gestion du temps de parole, on peut faire des reproches aux députés mais ici, vous avez commencé par des attaques en règle contre les partis de la Vivaldi, contre les uns, les autres et le Parlement. Ensuite, vous nous expliquez qu’en fait, les réponses viendront plus tard et que nous sommes trop impatients.

Or, cela fait des mois qu’on attend des réponses sur cette question qui n’est pas du tout anodine.

C’est la question de la législature sur la justice fiscale et sociale. Si vous ne parvenez pas à mettre en place une véritable taxation des plus-values, aujourd’hui, les efforts que vous demandez à la classe moyenne et aux classes les plus précaires de notre société ne seront jamais acceptés. 

Vous devez faire contribuer les grosses fortunes et le patrimoine. Et qu’est-ce qu’on entend, glissé entre deux phrases, entre quelques considérations techniques? Qu’en fait, les revenus des sociétés seront épargnés car aucun changement au régime des sociétés ne sera apporté. 

Nous allons évidemment creuser cela. Si c’est bien le cas, c’est un véritable scandale et vous n’arriverez pas à atteindre les 500 millions qui sont déjà rikiki par rapport à ce qu’une vraie taxation des plus-values peut réaliser. C’est le cas dans d’autres pays d’Europe, que l’on nous cite en exemple quand ça nous arrange. Un coup le Danemark, un coup la Hollande. Eh bien, je vous invite à vous intéresser réellement à des taxations des plus-values de 30 % qui ramènent des milliards par an dans les caisses de l’État! 

Ce n’est qu’une question de justice fiscale de le faire. Arrêtez donc de rechigner, arrêtez de freiner. Et mettez en place cette véritable taxation des plus-values, monsieur le ministre.