Monsieur le ministre,

Vous n’êtes pas sans savoir que la commission d’évaluation de la législation relative à l’avortement en Belgique a rendu son rapport 2022-2023. Il est très clair et rejoint le rapport du comité d’experts, qui recommande notamment l’extension du délai à minimum 18 semaines et la suppression pure et simple du délai de réflexion qui est encore imposé aujourd’hui en Belgique. Il émet par ailleurs 38 recommandations qui visent à répondre à certaines difficultés spécifiques ou à des manquements en termes d’accès à l’IVG, d’accès à la contraception, de formation, de sensibilisation, de protection des données ou encore de respect des droits des femmes et des droits des patientes.

Monsieur le ministre, avez-vous pris connaissance de ce rapport? Comment allez-vous mettre en œuvre ces recommandations avec vos collègues du gouvernement?

Réponse du ministre de la santé, Frank Vandenbroucke (Vooruit)
Le Comité scientifique recommande de prolonger le délai légal d’interruption de grossesse à 18 mois après la conception. Il recommande également de supprimer le délai de réflexion obligatoire de 6 jours – ce qui est l’option privilégiée – ou d’instaurer une obligation de ne pas pratiquer l’avortement le jour de la première consultation. Dans les deux cas, il est demandé aux professionnels de garantir un délai de prise décision et de préparation adapté à la femme enceinte. Les recommandations ont fait l’objet d’un large consensus, et reposent sur des arguments scientifiques et éthiques. Il s’agit d’éléments importants qui serviront de points de départ à la discussion.

Comme prévu dans l’accord de gouvernement, nous poursuivrons le débat sur l’avortement en nous fondant sur le rapport. Une fois que nous serons parvenus à un consensus, nous modifierons la loi actuelle.

Selon le rapport, la pénurie de prestataires de soins, surtout pour les avortements à pratiquer durant le deuxième trimestre, constitue un défi qu’il faudra relever. Il convient de former et de recruter des médecins ainsi que du personnel soignant, et de disposer de structures spécialisées pour ces avortements du deuxième trimestre. Pour y parvenir, une coopération avec les communautés s’impose.

Ma réplique

Merci, monsieur le ministre.

J’apprécie le fait que vous vous basiez sur la science, que vous rappeliez en effet le défi de l’accès à l’IVG – et pas uniquement du cadre légal dans lequel on peut avoir recours à l’IVG – mais également la praticabilité et la mise en œuvre concrète sur le terrain.

En effet, en raison notamment du manque de places disponibles, aujourd’hui, le délai de réflexion imposé de six jours est en réalité de 10 jours. Subir une grossesse non désirée représente évidemment une violence énorme pour une personne qui a pris sa décision et qui souhaite avorter, qui ne souhaite pas avoir d’enfant.

Je vous avoue mon inquiétude eu égard au contexte international. Dès la révocation de l’arrêt Roe vs. Wade aux États-Unis en 2022, nous avons déposé un texte pour faire inscrire le droit à l’avortement dans la Constitution, afin de s’assurer que ce type de recul – qu’on pense impossible dans un pays comme le nôtre – ne se produise pas chez nous. Car c’est exactement ce que les femmes aux États-Unis pensaient avant 2022. Voyez la situation dramatique dans laquelle elles se trouvent aujourd’hui. Certaines femmes meurent par défaut d’accès à un avortement.

Je m’inquiète de voir la transformation du contexte se produire également dans notre pays. Le premier ministre et la ministre de la Justice ont estimé en plénière voici quelques jours qu’il s’agissait d’un débat éthique, d’un débat dans lequel il fallait composer entre des dimensions idéologiques et des aspects plus personnels du parcours de vie des uns et des autres. À aucun moment ils n’ont mentionné les droits des femmes, l’opinion et la vie des femmes concernées. Les femmes ne sont-elles pas des êtres humains pour vos collègues?

Monsieur le ministre, je trouve que cette approche est extrêmement préoccupante et qu’il est moins une pour agir, pour bétonner et élargir le droit à l’avortement dans notre pays. Tout cela sans parler des sondages immondes qui ont été lancés par des parlementaires de votre majorité au sujet du droit à l’avortement alors que nous disposons de rapports d’experts, de données scientifiques et qu’il y a la réalité de personnes qui sont obligées de se rendre à l’étranger pour avorter en raison d’un cadre légal trop strict. Et eux, que font-ils? Ils lancent sur leur Facebook et sur leur Instagram des sondages pour savoir ce que les gens voudraient que l’on fasse du droit à l’avortement. C’est totalement indécent et j’espère que cela ne se reproduira plus dans vos rangs.