Cette question a été adressée au Ministre de l’Emploi, David Clarinval, lors de la commission Affaires sociales du 8 avril 2025. Le compte rendu complet est disponible ici.

Le 31 mars a eu lieu la plus grande grève de ces dix dernières années. Les travailleurs refusent le modèle que vous proposez.

Dans la logistique, les travailleurs constatent que, contrairement aux 500 euros promis, ils vont perdre de l’argent, puisque les heures de nuit avant minuit seront considérées comme des heures de jour. Les infirmières ne peuvent faire leur travail correctement vu les cadences imposées. Les techniciens d’Infrabel rappellent l’importance du statut pour garder l’expertise au sein de la société.

Vos réformes sont brutales et injustes: travail du dimanche et de nuit; flexibilisation extrême malgré vos discours sur la pension méritée après 43 ans de carrière; hausse des salaires qui ne viendra pas; conditions de fin de carrière de plus en plus restreintes. La réforme ne tient pas compte des travailleurs mais épargne les plus favorisés.

Avez-vous eu, depuis la grève, des contacts avec les travailleurs pour revoir votre copie?

Réponse du Ministre de l’Emploi David Clarinval

La grève est un droit fondamental, qui doit s’exercer dans le respect des droits des travailleurs non-grévistes ainsi que des besoins économiques et services essentiels du pays. C’est pour cela que nous voulons engager un dialogue avec les partenaires sociaux. Nous garantissons la protection juridique des syndicats dans les manifestations et les grèves avec préavis, ainsi que leur rôle dans les entreprises.

Le 12 février 2025, le premier ministre et moi-même avons rencontré le Groupe des 10. Nous avons discuté des réformes. Les syndicats ont fait part de leurs inquiétudes.

L’accord de gouvernement donne jusqu’au 31 décembre pour actualiser les accords sociaux de 2002 afin de clarifier le droit de grève. L’objectif est de moderniser l’action sociale dans le respect du droit de grève, tout en excluant les abus et les blocages excessifs. Les personnes désireuses de travailler doivent pouvoir travailler. Selon l’accord de coalition, les partenaires sociaux doivent assurer l’équilibre entre les droits des grévistes et des non-grévistes. Le gouvernement respectera cet accord et j’inviterai les partenaires sociaux à débuter cet exercice.

Lors de la grève du 13 février, il n’y a eu aucun incident majeur lié à l’empêchement de travailleurs non-grévistes. Pragmatisme et responsabilité seront nos maîtres-mots pour un marché du travail moderne et respectueux des libertés de chacun. La concertation sociale est mentionnée à plusieurs reprises dans l’accord de gouvernement et j’appelle de mes vœux un dialogue constructif.

J’entends les inquiétudes exprimées. Le gouvernement agit avec détermination, dans le respect du dialogue social. La contribution des partenaires sociaux est essentielle. Leurs connaissances et perspectives sont cruciales mais la responsabilité finale incombe au gouvernement. Je suis prêt à répondre aux revendications. Le gouvernement reste ouvert à la concertation tant qu’elle se fait dans un esprit de responsabilité et de respect mutuel. Les revendications liées à la soutenabilité du travail, à la répartition de l’effort et à la reconnaissance du travail effectué sont prises au sérieux. Plusieurs mécanismes permettent de faire évoluer les modalités.

La réforme de l’Arizona n’est pas antisociale mais nécessaire et juste, Madame Schlitz. Je regrette que certains partis propagent de fausses informations. Le pays fait face à un déficit structurel majeur, à un taux d’emploi insuffisant, à des pénuries criantes dans des métiers essentiels. Nous voulons activer davantage, sans abandonner la protection sociale. Nous appliquerons la justice sociale dans le respect des droits acquis, avec empathie envers les plus vulnérables.

L’accord de gouvernement ne modifie ni l’interdiction ni la rémunération du travail du dimanche. Le nouveau régime relatif aux heures supplémentaires ne s’appliquera pas à toutes les heures supplémentaires. Pour les heures supplémentaires involontaires, le régime demeure inchangé. En ce qui concerne les heures supplémentaires volontaires, nous souhaitons instaurer un système attractif permettant d’effectuer jusqu’à 360 heures supplémentaires, dont 240 sans obligation de sursalaire et sans cotisation sociale ni d’impôt sur le revenu des personnes physiques. Dans l’horeca, il s’agit même de 450 heures supplémentaires, dont 360 sans obligation de sursalaire.

En outre, un nouveau cadre légal permettant d’annualiser le temps de travail et qui pourra être appliqué avec l’accord des travailleurs concernés, verra le jour. Nous souhaitons en effet assouplir le régime relatif au travail de nuit. Les primes existantes figurant dans les CCT seront conservées. Les projets de texte sont actuellement discutés au sein du gouvernement.

La loi sur la norme salariale ne bloque pas les salaires. Cette loi garantit, en tant qu’augmentation salariale minimale, une indexation salariale automatique lorsqu’une CCT a été conclue à ce sujet. La question de savoir si ces salaires pourront encore augmenter au cours de la période biennale de l’accord interprofessionnel dépendra de la comparaison de nos coûts de main-d’œuvre avec ceux des pays voisins. Le gouvernement demandera aux partenaires sociaux de rendre d’ici fin 2026 un avis à propos de la réforme de la loi sur la norme salariale et l’indexation automatique.

Ma réplique

Vous respectez le droit de grève: tant mieux! Mais votre gouvernement projette de réintroduire l’interdiction de manifester. Vous vous empressez d’appeler au respect des droits des non-grévistes et de l’économie, mais il faut surtout respecter les droits des travailleurs, qui se battent pour tous en renonçant à une partie de leur pouvoir d’achat, puisque leur salaire est remplacé par une prime syndicale moindre.

Vous dites qu’il n’y a pas eu d’incident: or, une personne a forcé un barrage avec sa voiture et a blessé deux grévistes! Peut-être ne comptez-vous que les incidents causés par les grévistes? C’est choquant!

Avant d’accuser les parlementaires de diffuser de fausses informations, vérifiez vos chiffres: vous allez chercher seize fois plus d’argent chez les plus faibles que dans les plus grosses fortunes, notamment avec l’hypothétique taxation des plusvalues, qui, si elle advient, sera une des plus faibles d’Europe!

Quant au travail de nuit, vous promettez de maintenir les droits des travailleurs actuels mais on sait qu’une pression sera exercée pour remplacer ceux-ci par d’autres, qui n’auront plus ces droits.

Vous n’entendez pas la détresse des travailleurs qui ne peuvent pas concilier vie de famille et travail.

Vous intensifiez les flexi-jobs, vous faites en sorte que les étudiants occupent un emploi qui aurait pu stabiliser la situation d’un chômeur tout en finançant la sécurité sociale.

Vous vous obstinez à sur-flexibiliser le marché du travail, vous additionnez les revendications du banc patronal sans obtenir de projet viable.

Cette politique court-termiste ne va pas chercher l’argent où il est.