Propos tenus en réponse à des questions parlementaires lors de la séance plénière du 3 avril 2025, jour anniversaire des 35 ans de la loi légalisant l’IVG en Belgique
Bart De Wever, premier ministre (NVA)
Chers collègues, je vous remercie pour vos questions. Le principe de l’interruption volontaire de grossesse est un principe que personne au sein du gouvernement ne remet en cause. Il s’agit cependant d’une question délicate sur laquelle nombre d’entre vous au sein de cette Assemblée se sont sans doute forgé leur propre opinion, chacun selon son cadre éthique et/ou son expérience de vie personnelle. Historiquement, l’introduction ou la modification de la législation sur l’avortement n’a jamais été une tâche facile. De nombreux collègues ont d’ailleurs évoqué l’année 1990, lorsque cette question a profondément secoué le pays. Il me semble que ce n’est pas un chemin que nous souhaitons emprunter à nouveau. Il serait plus sain pour notre société d’adopter une législation sur ce type de questions éthiques relatives à la vie et à la mort avec le consensus le plus large possible.
Le respect des opinions des uns et des autres semble crucial à cet égard. Après tout, nous n’arriverons à rien si les deux parties de ce débat se culpabilisent mutuellement à l’aide de termes incendiaires et moraux. Il n’y a pas de bien ou de mal. Présenter le cadre juridique d’un dilemme éthique comme un débat tout noir et tout blanc n’est pas sérieux. Cela dit, je suis convaincu qu’une ouverture peut être trouvée dans ce dossier pour un changement législatif qui, espérons-le, recueillera un large consensus autour de lui.
Pour obtenir des résultats, il nous appartient à tous de mener ce débat le plus sereinement possible, avant tout. Lors de la formation, en tant que formateur de l’époque, j’avais déjà senti une volonté de le faire avec les partis de la majorité. Depuis lors, je n’ai reçu aucune indication selon laquelle cette volonté n’existerait plus.
Je m’attends donc à ce que les partis de la majorité soumettent une proposition à la Chambre dans un avenir proche et à ce que des avancées concrètes soient réalisées sur d’autres questions éthiques, comme le prévoit l’accord de gouvernement.
Toutefois, il me semble que la plateforme appropriée pour discuter de toutes ces propositions en profondeur, rechercher le plus grand consensus possible et prendre des décisions qui contribuent à la paix sociale, plutôt qu’à l’exploitation politique et à l’agitation, n’est pas le moment des questions d’actualité du jeudi en séance plénière, mais plutôt la commission compétente.
Ministre Annelies Verlinden (CD&V)
Chers collègues,
L’avortement est sans aucun doute l’un des sujets qui suscitent les émotions les plus vives. Et pour cause, il touche aux convictions personnelles les plus fondamentales sur la vie, l’autodétermination, la santé et l’éthique. C’est précisément la raison pour laquelle il est important que nous menions ce débat sur la vie dans sa forme la plus vulnérable, dans le respect de chaque personne et des opinions de chacun, avec la prudence et la sérénité qui s’imposent.
Je tiens à être claire quant à la vision de ce gouvernement. Comme l’a déjà dit le premier ministre, l’accord de gouvernement ne laisse planer aucun doute. Le gouvernement poursuivra le débat de société sur l’IVG, et ce, sur la base du rapport du comité d’experts indépendants désigné à cet effet. Cela signifie que dans la période à venir, avec les partis de la majorité et dans le respect des sensibilités et des convictions de chacun, nous prendrons le temps d’écouter, de réfléchir et, si possible, d’aboutir à des conceptions soutenues. La sensibilité de ce sujet ne permet pas qu’il fasse l’objet d’une simple discussion pour savoir qui a raison et qui a tort.
Je ne peux donc pas anticiper aujourd’hui l’issue de ces débats. Mais il est essentiel pour moi que nous continuions à rechercher l’équilibre délicat entre le droit à l’autodétermination et la protection de l’enfant à naître, dans toute sa vulnérabilité. Il s’agit avant tout d’une question politique et idéologique à laquelle doivent répondre les partis de cet hémicycle et qui ne peut être résolue simplement en soumettant automatiquement un rapport d’experts – et je le dis avec le plus grand respect pour tous les experts. J’attends donc avec impatience un débat réfléchi à ce sujet au Parlement.
Un débat de société sur l’avortement est imminent. Plusieurs chercheurs de la KU Leuven le demandent d’ailleurs dans leur prise de position, un appel que mes collègues du gouvernement fédéral et moi-même prenons à cœur et soutenons pleinement. Dans le prolongement du débat, la question du rôle de certains groupes anti-avortement se pose également. À ce sujet, je voudrais rappeler que l’avortement est un droit. Notre pays dispose déjà d’accords et de règles qui, soit dit en passant, sont conformes à ceux de nombreux autres pays européens. Les femmes qui veulent exercer leur droit à l’avortement doivent pouvoir le faire dans le cadre existant, sans crainte ni stigmatisation. Toute forme d’intimidation ou de tentative d’empêcher l’exercice de ce droit est inacceptable, tant dans les faits qu’en droit.
En même temps, nous vivons dans un État de droit où la liberté d’expression est un principe fondamental et garanti. Même ceux qui sont opposés à l’avortement ou à d’éventuelles modifications du cadre juridique en vigueur ont le droit d’exprimer leur point de vue, même si c’est d’une manière plastique. Tant qu’une personne reste dans les limites de la loi lorsqu’elle exprime une opinion, je suis, en tant que ministre de la justice, le dernier à remettre en cause le droit à la liberté d’expression, même si je suis fondamentalement en désaccord avec le teneur de cette opinion.
Cette liberté d’expression s’accompagne aussi d’une responsabilité. Lorsque des opinions fortes sont exprimées, il est important que tous les citoyens aient accès à des informations fiables de la part des pouvoirs publics afin de pouvoir faire des choix éclairés.
En ce qui concerne la diffusion d’informations, je voudrais ajouter que des informations pertinentes portant sur la réglementation sont disponibles sur le site du SPF Santé publique.
Vous avez également posé une question sur l’extension de la durée de la période de réflexion, un élément de la législation actuelle qui suscite également des débats. Je pense que les connaissances scientifiques peuvent jouer un rôle à cet égard. Nous ferons donc le nécessaire pour interroger les scientifiques afin que leurs conclusions sur la question puissent être prises en compte ici.
Enfin, je tiens à souligner que je m’exprime ici en tant que ministre de la justice et en tant que représentant de l’ensemble du gouvernement. Les discussions sur cette question éthique seront menées comme convenu, dans le respect du rôle du Parlement et avec l’équilibre nécessaire et approprié entre les convictions de chacun. Sécurité juridique, expertise scientifique et dialogue sociétal.