Madame la Ministre,
En 2019, deux sociologues françaises ont publié un ouvrage qui fait suite à 15 ans de recherches : Le genre du capital.
Au-delà des inégalités de revenus entre femmes et hommes, qui sont déjà largement documentées, elles décrivent les mécanismes qui engendrent des inégalités de patrimoine, de capital.
En France, ces inégalités de capital entre femmes et hommes sont passées de 9% en 1998 à 16% en 2015, alors que dans le même temps les inégalités de revenus baissaient.
Parmi les mécanismes, on peut citer :
- l’accès genré au marché du travail avec des métiers moins rémunérés pour les femmes et, à poste égal et à temps de travail égal, encore un écart de 12% entre revenus femmes/hommes. Ceci freine considérablement les femmes dans leur épargne
- la répartition inégale du travail domestique qui amène les femmes à des temps partiels
- des différences de traitement dans le cadre d’héritages. Les hommes se voient beaucoup plus souvent léguer le capital professionnel (les entreprises, les fermes, les actions, etc.) et les biens immobiliers. Face à cela, les femmes reçoivent des compensations en argent, mais sous-évaluées.
- des processus inégalitaires lors de séparations. Les femmes n’arrivent généralement pas à garder les patrimoines immobiliers du fait des inégalités de revenus. Pour la “paix des familles” et pour préserver le patrimoine de leurs enfants, les femmes font souvent des concessions.
D’après les sociologues et leurs études, les professionnels du droit apportent leur contribution à cette répartition inégalitaire. Ces professions sont souvent dominées par des hommes. Ils considèrent que, pour des patrimoines importants, les hommes sont de meilleurs héritiers, de meilleurs gestionnaires. C’est aussi une logique pragmatique : les hommes sont plus riches donc peuvent racheter les parts des autres personnes de leur famille.
Lors des séparations, les pensions alimentaires sont fixées par les juges sur base des revenus disponibles du père et non sur les besoins de la mère. Ce sera in fine à elle de se débrouiller pour recevoir des aides sociales.
Il existe très certainement des similitudes avec la situation en Belgique. Chez nous, la problématique des femmes qui doivent assumer des dettes contractées par l’ex-conjoint pendant la vie commune et s’étant rendu insolvable est dénoncée depuis de nombreuses années par les associations.
Madame la Ministre,
- En Belgique, de telles études sur le patrimoine existe-t-elle ? Quelle est notre situation nationale à ce sujet ?
- Votre Gouvernement tient-il compte de ces inégalités de patrimoine dans les politiques qu’il met en oeuvre ?