Monsieur le Ministre,
Les femmes payent un lourd tribut à cette crise : augmentation des violences conjugales, métiers de première ligne plus exposés au virus et cible de discriminations et menaces, harcèlement de rue, difficile conciliation entre vie de famille et vie professionnelle, … Et pourtant, c’est elles qui sont les plus présentes dans les rangs de bénévoles qui apportent du soin et du réconfort aux autres, ou qui cousent les masques que notre gouvernement peine à se procurer.
Les mesures prises dans le cadre du déconfinement et du redéploiement d’après crise devront tenir compte de cette réalité une bonne fois pour toute. La réponse sociétale devra être à la hauteur de ce que les femmes accomplissent chaque jour. Les femmes ne peuvent pas une nouvelle fois être laissées pour compte.
Éradiquer les violences sexistes devrait faire partie des objectifs de l’après-crise. Nous attendons que le gouvernement fédéral joue un rôle de leader dans cette lutte, avec un plan et des moyens ambitieux à la clé.
Monsieur le Ministre, vous participerez le 8 mai prochain à une conférence interministérielle sur les droits des femmes qui portera sur le la feuille de route COVID et le plan de déconfinement.
- Quelle position allez-vous défendre lors de cette conférence ?
- Le fédéral est-il prêt à endosser un rôle de leader à la matière, avec les moyens nécessaires à la clé ?
- Votre collègue le Ministre De Crem nous annonçait en commission le 21/04 qu’il allait prendre contact avec vous afin de prendre une initiative commune en la matière. Pourriez-vous nous indiquer de quoi il s’agit ?
Merci, Monsieur le Ministre, pour vos réponses à mes questions.
Réponse du Ministre Geens (Commission Justice du 06/04/2020)
Au préalable, je vais me référer aux réponses des 8 et 22 avril. La Conférence est composée de 12 membres et est présidée en alternance, conformément à la circulaire relative aux conférences interministérielles. Le premier tour de présidence est assuré par Mme Nawal Ben Hamou, secrétaire d’État à l’Égalité des chances de la Région de Bruxelles-Capitale.
En ce qui concerne les directives destinées à la police et la justice, afin de garantir une approche prioritaire de la violence intrafamiliale, j’ai reçu hier la demande du ministre de l’Intérieur De Crem d’examiner ce point ensemble. Bien entendu, je suis prêt à analyser avec lui dans quelle mesure il est nécessaire d’établir de nouvelles directives ou de renforcer encore davantage les directives communes. Pour ces dernières, prises par moi-même, le ministre de la Sécurité et de l’Intérieur et le Collège des procureurs généraux, la COL 4/2006 révisée le 12 octobre 2015 relative à la violence entre partenaires et la COL 18/2012 relative à l’interdiction de résidence sont suffisantes au bon fonctionnement de la police et de la justice. Ces circulaires restent pleinement d’application. Le Collège des procureurs généraux continue de suivre la situation de très près. Compte tenu de ces éléments, je voudrais examiner avec mon collègue ainsi qu’avec la police et le ministère public dans quelle mesure de nouvelles directives pourraient apporter une valeur ajoutée en ce domaine. En outre, comme vous le savez, la lutte contre la violence intrafamiliale constitue depuis longtemps un thème prioritaire à plusieurs titres en matière de politique de sécurité. Je vous renvoie à la note cadre de sécurité intégrale, au Plan national de sécurité, aux plans zonaux de sécurité et au Plan national d’action de lutte contre toutes les formes de violence basée sur le genre.
Enfin, je vous renvoie plus généralement au Plan d’action contre la violence sexuelle à l’égard des femmes, qui a été élaboré à mon initiative et qui est discuté avec les ministres communautaires et régionaux compétents. Il sert de tremplin dans la lutte contre la violence sexuelle et est partagé par la CIM sur les droits des femmes, la CIM sur les maisons de justice et les rédacteurs du nouveau Plan national d’action sur la violence liée au genre. Dans le cadre d’une approche intégrale, les propositions ont été échangées entre tous les ministres compétents.
Ma réplique
Monsieur le ministre, je vous remercie pour votre réponse, mais je ne vous ai pas demandé de me faire un cours sur la législation en la matière. Néanmoins, je l’ai eu. Merci. En revanche, vous ne m’avez pas donné de réponses précises à mes questions, comme c’est le cas depuis plusieurs semaines. Déjà le 25 mars, avec ma collègue Jessika Soors, je vous écrivais un courrier à l’occasion duquel nous vous interrogions sur un certain nombre de sujets. Nous vous avons également interpellé, à différentes reprises en commission de la Justice, en vous posant des questions précises. Et nous n’avons toujours pas reçu de réponses. Je pense ici notamment à la question ayant trait à l’interdiction temporaire de résidence, instrument qui, à vous entendre, fonctionne durant la pandémie de COVID-19, alors que ce n’est pas le cas. Comme l’a rappelé encore récemment le procureur général, M. De Valkeneer, cet outil n’est pas ou extrêmement peu utilisé. Je vous ai d’ailleurs demandé des chiffres, lors de notre dernière réunion de commission, que je n’ai pas obtenus. En outre, selon les dernières informations dont je dispose, la circulaire qui devait être révisée suite à l’évaluation n’est toujours pas d’application, ce qui pose problème. Je ne pense pas que cet outil puisse permettre de lutter contre les violences intrafamiliales.
Je ne peux pas entendre dire que l’arsenal législatif actuel est suffisant pour répondre aux problèmes liés à la crise que nous connaissons aujourd’hui. Il y a trois fois plus d’appels sur les lignes d’écoute et celles-ci sont saturées. De plus, votre collègue, M. De Crem, dit que la police fait également face à une augmentation des dossiers, tout comme c’est le cas au niveau de la justice. Des mesures doivent êtres prises par le gouvernement. Nous attendons donc que vous mettiez à disposition des moyens à la hauteur des enjeux. En Espagne, un plan de lutte contre les violences a été mis en place, dès le début du confinement afin de répondre de façon adéquate à la situation. Force est de constater que la Belgique est encore une fois à la traîne à ce niveau. Je suppose que le déconfinement sera levé lorsque votre circulaire aura été adoptée, ce que je regrette beaucoup.